Gray Lady Down (Jerry Fielding)

Piège en eaux troubles

Disques • Publié le 14/03/2010 par

Gray Lady DownGRAY LADY DOWN (1978)
SAUVEZ LE NEPTUNE
Compositeur :
Jerry Fielding
Durée : 46:30 | 21 pistes
Éditeur : Intrada

 

3.5 out of 5 stars

Film catastrophe de facture classique, Gray Lady Down (Sauvez le Neptune) retrace, dans un esprit quasi-documentaire typique des années 70, le sauvetage de l’équipage d’un sous-marin nucléaire de la marine américaine, le Neptune, qui se retrouve victime accidentelle d’un naufrage. Antérieur au très célèbre chef-d’œuvre de Wolfgang Petersen, Das Boot (Le Bateau), ce film du britannique David Greene n’en a pas la puissance dramatique, malgré la présence d’un casting prestigieux : Charlton Heston, David Carradine, Stacy Keach, Ronny Cox, Ned Beatty et, un an avant Superman, Christopher Reeve.

 

Jerry Fielding apporte à ce film une partition précise, exigeante, particulièrement bien construite, dans ce style caractéristique qui n’a pas toujours trouvé grâce aux yeux des cinéastes. Le disque produit par Intrada présente pour la première fois la partition complète.  La trame musicale introduit un thème principal héroïque mais jamais triomphant, associé en général au pouvoir militaire et technologique (First Surface) et en particulier au Neptune. Ce thème viril est également suivi d’une mélodie de type traditionnel qui apporte une profondeur historique aux hommes de la Marine (First Surface et The Launch). La piste Fair Haired Wonder débute d’ailleurs sur un air populaire, joué à la flûte par le personnage de Ronny Cox dans le film. Ce thème héroïque est utilisé de façon parcellaire lors des séquences se déroulant dans la salle de contrôle du sous-marin (Control Room Of Neptune), de façon éclatante lorsque arrive le DSRV (un autre engin sous-marin qui permettra l’ascension du Neptune) ou lors de moments-clés du sauvetage.

 

Gray Lady Down

 

Un motif récurrent de deux notes (comme un pied de nez à un autre motif célèbre de danger sous-marin pour un film Universal sorti trois ans auparavant…) présenté dans le Main Title fait jouer clarinettes, flûtes et bassons et sert de base aux séquences de suspense. Ce motif est utilisé soit en jouant les notes successivement (aux vents), soit de façon legato (aux cordes, cuivres et piano) lors des nombreuses séquences de tension qui impliquent surtout le bathyscaphe piloté par le capitaine Gates (David Carradine) chargé d’aller repérer le Neptune et aider à son ultime secours. La sonorité étrange des synthétiseurs (qui imitent notamment le bruit d’un sonar dans Finding The Sunk Sub), celle de certaines percussions, les dissonances aiguës des flûtes (Leveling Off et Visual Inspection Of Hatch) produisent un timbre dérangeant, accentuant ce malaise claustrophobique éprouvé par les survivants du Neptune menacés par la pression de l’eau qui s’exerce sur l’écoutille ou les descentes du bathyscaphe dans l’obscurité.

 

Lors des scènes les plus fortes, Fielding sollicite l’orchestre entier dans des mesures dissonantes, percussives, contrastant les sonorités aigus et le son caverneux des cuivres et des cordes. C’est le cas de la collision avec le bateau de pêche norvégien qui entraîne le Neptune dans le profondeurs (The Collision, sur une pyramide ascendante que l’on trouve plus habituellement chez Leonard Rosenman), la disparition d’un des membres d’équipage (Dave Dies), ou la disparition finale du sous-marin (Gates’ Sacrifice). Fielding a accordé une importance certaine au capitaine Gates, personnage-clé du film qui veut toujours aller plus loin et n’hésite pas à désobéir aux ordres au péril de sa vie, pour lequel il écrit les passages les plus méditatifs du score (Snark Lowered For Mission # 2).

 

Le thème du capitaine est développé de façon éloquente et noble par un adagio de cordes, puis joué avec une mélancolie étrange par un violon solo dans Count Down. Ce solo de violon que l’on retrouve dans First Rescue est également lié à la douleur de la perte, celle éprouvée par son collègue et co-pilote, joué par Ned Beatty (à la fin de Gates’ Sacrifice). Le timbre et le ton du violon contrastent totalement avec le reste d’une partition aux tonalités surtout militaires et atmosphériques. Le sacrifice de Gates est un autre moment-clé. Son thème est alors joué par tout l’orchestre et associé à celui du Neptune (First Rescue). Les deux destins sont désormais liés, le sacrifice de l’un permettant la survie de l’équipage de l’autre. L’adagio qui débute le générique de fin, bien que bref, est un puissant hommage à ce personnage. Le thème du Neptune apparaît pour la dernière fois, l’équipage est enfin sauvé, et les toutes dernières notes jouées par les vents unissent à jamais les mélodies de l’équipage survivant et du capitaine disparu.

 

Gray Lady Down

David Hocquet
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