Éric Demarsan, un compositeur au fil de l’image

Passion Demarsan à Viry-Châtillon

Évènements • Publié le 12/04/2016 par

Il n’y a décidément pas de petites initiatives. C’est en tout cas ce que nous pouvons affirmer, ou plutôt réaffirmer, au sortir d’une soirée telle que celle qui nous a enchantés le 25 mars dernier en la petite ville francilienne de Viry-Châtillon. Quelques deux heures plus tôt, une petite foule se presse devant le théâtre municipal de l’Envol. Certains s’apprêtent malheureusement à repartir, non sans volontiers confier à qui veut l’entendre que l’événement aurait pu, aurait du, être accueilli dans une salle plus conséquente. Car ce soir-là, si l’entrée est libre et gratuite, accéder au lieu sans avoir réservé sa place au préalable est bel et bien impossible.

 

A l’intérieur, c’est également tout un petit monde qui s’affaire : tandis que les spectateurs montent un à un les gradins et choisissent leur siège sous l’œil des organisateurs, les musiciens commencent à s’installer tranquillement et, devant la scène, un parterre de jeunes enfants tous de blanc et de noir vêtus s’ébat joyeusement, chacun jouant, riant pour faire passer le temps… Adossé à un mur, Éric Demarsan est déjà là, qui regarde le tableau de ses yeux malins et bienveillants, à l’évidence ravi de ce joyeux brouhaha. Bien entendu, c’est à lui, et à son œuvre, que cette soirée est entièrement consacrée. En cela, cette dernière est déjà incontestablement le point d’orgue d’une manifestation par ailleurs constituée, depuis dix jours, d’une conférence et de plusieurs projections.

 

Mais il y a plus : on se souvient ainsi qu’au festival d’Aubagne, en 2011, le compositeur avait déjà pu voir certains de ses thèmes joués par les musiciens de la Légion étrangère, mais il ne s’agissait alors « que » d’un orchestre d’harmonie. Songez seulement que c’est donc la toute première fois, en près de cinquante ans de carrière, qu’un orchestre de type symphonique interprétera, en public, quelques-unes de ses partitions, et ce par la grâce de toutes les bonnes volontés qui animent le Conservatoire de la ville, la Maison de la Musique, avec le soutien du Conseil municipal. « L’idée vient de Frédéric Demoulin, qui est l’un de nos professeurs de piano » expliquera d’ailleurs le chef d’orchestre Christian Roca, à ce poste depuis la rentrée de septembre. « Mon prédécesseur Alexandre Grandé (devenu depuis directeur du CRR-93 d’Aubervilliers – La Courneuve, NDLR) et lui ont imaginé ce concert et ont travaillé dès le mois de juillet dernier avec Monsieur Demarsan. Je suis très heureux d’avoir pu poursuivre ce travail avec cet orchestre. J’ai ainsi essayé d’impliquer le maximum de professeurs et nous voilà une petite soixantaine sur scène. C’est pour moi un vrai plaisir d’avoir cette première aventure musicale dans ce Conservatoire. »

 

Christian Roca dirige Demarsan

 

Appelé sur scène après une présentation et des remerciements de circonstance, Éric Demarsan reçoit d’abord des mains du maire la médaille d’honneur de la ville. Puis une rapide cérémonie de remise de prix permet à trois enfants de remporter les prix d’un concours organisé pour l’occasion. Mais bientôt, les lumières faiblissent et la musique ne se fait pas attendre plus longtemps. Et il suffit qu’à l’écran, derrière la scène, surgissent quelques images de L’Armée des Ombres et que retentissent les notes, égrenées au piano, du célèbre thème de Gerbier pour que la magie opère aussitôt. Surprise à la fin de cette première suite : le pianiste qui se dévoile au devant de la scène et salue le public est un bout d’chou haut comme trois pommes. De fait, ce sont les jeunes élèves des classes de piano du conservatoire qui assureront, chacun à leur tour, les accompagnements tout au long de la soirée. Suivent ainsi des suites extraites des partitions des longs métrages de Guillaume Nicloux, Le Concile de Pierre et Cette Femme-là, de la mini-série de Hervé Hadmar, Signature, et du thème musical assez méconnu et pourtant très inspiré de Moi Vouloir Toi.

 

Comme Christian Roca le fait lui-même fort justement remarquer, le programme a été scrupuleusement conçu pour présenter un vaste éventail des différents styles qu’a pu adopter le compositeur en fonction des projets. Trois mois de travail lui ont ainsi été nécessaires pour arranger le matériel musical afin de l’adapter à la formation orchestrale réunie ici, enrichie au besoin d’un quintette de jazz. Et l’ambition est bien là : des extraits du spectacle son et lumière Ainsi Blois Vous Est Conté (dont on ne peut décidément qu’espérer que la musique finisse par apparaître au disque dans un futur proche) puis les musiques des Spécialistes, de la série télévisée Clarissa, de la deuxième collaboration avec Melville, Le Cercle Rouge (dont les images ponctueront d’ailleurs largement la sélection toute entière), de la mini-série Les Oubliées ou encore celle, absolument enchanteresse, du documentaire de Robert Pansard-Besson, La Légende des Sciences.

 

Les petits anges d'Eric Demarsan

 

Finalement les enfants, élèves des classes de formation musicale qui, assis en tailleur, ont patienté devant la scène jusqu’ici, se lèvent et, faisant face au public, accompagné de l’orchestre, entonne la belle et tendre chanson de Sébastien parmi les Hommes, L’Oiseau. A ce moment crucial du concert, l’émotion d’Éric Demarsan est palpable à l’écoute des voix de ces « petits anges », ainsi qu’il les nommera lui-même, qui chantent pour nous, pour lui. A charge alors de l’orchestre de conclure en beauté la soirée avec une ultime suite à nouveau extraite de l’inévitable Cercle Rouge.

 

Des reproches ? On pourrait sans doute trouver à en exprimer quelques-uns mais, loin des moyens financiers déployés ailleurs (parfois même maladroitement) en des lieux censément plus prestigieux, ils ne seraient qu’exigences bien mal placées. Le chef d’orchestre Christian Roca peut être fier : ses musiciens, professeurs et élèves, s’en sont tirés avec les honneurs. Mais autre chose était à l’œuvre ici qui, comme souvent en pareil cas, est on ne peut plus inestimable : pour ceux d’entre nous qui l’ont vécu et s’en souviennent, nous avons retrouvé un peu de cette étincelle qui animait jadis les Cinéphonies de Lunéville lorsqu’en 1999 (puis 2001) Michael Kamen avait répondu avec la plus grande simplicité à la demande d’une petite école de musique de Meurthe-et-Moselle. A Viry-Châtillon, ce soir-là, la même passion se lit dans les attitudes et les regards de tous ceux qui voient l’aboutissement d’un long travail bénévole, avec ce que cela implique d’investissement personnel. Et cette passion-là, disons le tout net, elle fait chaud au cœur.

 

Christian Roca, Eric Demarsan et Frédéric Demoulin

 

Remerciements à Éric Demarsan, Frédéric Demoulin et toute l’équipe de la Maison de la Musique.

Florent Groult
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