La Communauté de l’Anneau s’arrête à Lyon

Un ciné-concert pour les envoûter tous

Évènements • Publié le 04/07/2010 par

Lorsque l’on assiste à une séance de cinéma, notre attention se porte généralement sur les images et les dialogues, reléguant ainsi notre concentration sur la musique au second plan. Le 7ème art n’est-il pas, à l’origine, celui de l’image animée projetée sur un écran blanc ? Pourtant, à l’époque du muet, qu’elle provienne de sources diverses ou qu’elle soit spécifiquement composée pour le film, la musique était jouée en direct durant la projection par des musiciens : c’était alors un spectacle à part entière.

 

On pensait avoir tout vu, tout entendu et tout dit sur l’adaptation cinématographique de The Lord Of The Rings (Le Seigneur des Anneaux), l’œuvre littéraire majeure de l’écrivain anglais J.R.R. Tolkien. Mais c’était sans compter sur une dernière (ultime ?) idée : une représentation en direct par un grand ensemble orchestral et choral de cette trilogie culte. Le ciné-concert dédié au premier épisode de la trilogie de Peter Jackson présenté à Lyon permet ainsi, par un travail technique de re-mixage effectué sur la bande son du film pour en éliminer la bande originale, de restituer ce spectacle total. La musique, passant de la pellicule à un orchestre présent sur scène, reprend alors toute sa place en apportant du relief à l’oeuvre cinématographique pour laquelle elle a été pensée et couchée sur une partition.

 

Un premier événement musical avait déjà eu lieu les 10 et 11 février 2006 à Lyon avec l’interprétation, pour la première fois en Europe, de la Symphonie du Seigneur des Anneaux, une adaptation en six mouvements d’une durée de deux heures, arrangée par Howard Shore à partir de ses partitions pour la trilogie. Forte de ce premier succès sur scène, l’aventure en musique ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin. Présenter The Fellowship Of The Ring (La Communauté de l’Anneau) sous la formule ciné-concert s’avèrait dès lors une évidence.

 

C’est le défi relevé, en France, par l’Orchestre National de Lyon, accompagné des Choeurs de Lyon Bernard Têtu et de la Maîtrise de la Primatiale Saint-Jean, sans oublier la soprano américaine Kaitlyn Lusk, soliste attachée à The Lord Of The Rings depuis 2004. Un ensemble totalisant environ 200 personnes sur scène, le tout dirigé de main de maître par Ludwig Wicki, chef d’orchestre originaire de Lucerne (Suisse) qui a collaboré avec Randy Newman, Martin Böttcher et Howard Shore. Un chef à son aise et rôdé au style si particulier des musiques de films, puisqu’il en a fait l’une de ses spécialités.

 

Quatre dates ont ainsi été programmées, du 17 au 20 juin 2010, dans le cadre de l’Auditorium Maurice Ravel, un écrin d’une capacité de 2000 fauteuils posé au coeur du quartier de la Part-Dieu. Dès la première des quatre représentations, le hall d’accueil se pare de multiples drapeaux médiévaux, le public est accueilli par une troupe costumée, la salle se remplit peu à peu… Les lumières s’éteignent, les artistes font leur entrée sur la grande scène, l’orchestre au centre, les deux chorales de chaque côté. Sur l’écran géant placé à l’arrière, les premières images apparaissent. Mais lorsque l’orchestre et les choeurs entonnent le Prologue, la magie prend corps, un frisson nous submerge, l’aventure renaît sous nos yeux, et nos oreilles se délectent…

 

 

On ressent, d’emblée, toute la maîtrise des musiciens et des choristes guidés par ce chef d’orchestre qui n’en est pas à son baptême du feu : il connaît l’oeuvre du maestro sur le bout de la baguette. L’interprétation est de ce fait, très proche de l’original. On touche presque au sublime tellement le synchronisme entre les images et la musique se fait avec aisance. Pourtant, cet exercice est complexe, car seul le chef d’orchestre a vue sur les images du film : on comprend que la confiance, réciproque, entre celui-ci et les artistes doit être maximale.

 

En première partie, l’ensemble accompagne musicalement la mise en place des différents lieux et personnages qui composent la Terre du Milieu. L’anneau unique possédant sa propre famille thématique bascule entre son pouvoir de séduction sur ceux qui s’en approchent et le mal qu’il est capable d’engendrer. Des thèmes et variations légères aux parfums celtiques des Hobbits et de leur territoire (The Shire, Bag End…) aux Elfes, bercés de couleurs orientales éthérées (Rivendell), des nains, personnages rustres représentés par des harmonies parallèles et une chorale d’hommes au ton rude et guttural (Moria, Dwarrowdelf) aux thèmes illustrant Isengard et les Orcs, représentés par des rythmes métalliques et des percussions implacables (The Caverns Of Isengard) qui nous entraînent dans les univers les plus sombres et lugubres de ce territoire. La confrontation entre Sarumane et Gandalf (Sarumane The White) est illustrée dans sa partie finale par des choeurs puissants soutenus par les cuivres et percussions renforçant la dramatique de situation. La voix soprano de Kaitlyn Lusk intervient à deux reprises, pour The Caverns Of Isengard et Aniron, le thème d’Aragorn et Arwen, précédant le thème de la Communauté de l’Anneau qui éclate en une fanfare de cuivres d’une clarté expressive très prononcée et marque la fin de la première partie.

 

La seconde partie est, musicalement, plus relevée, renforçant l’aspect dramatique du film. L’interprétation qu’en donne l’ensemble choeurs-orchestre est d’une très haute tenue, en particulier dans la suite des morceaux Balin’s Tomb et Khazad-Dûm. Dans cette succession très mouvementée, les cuivres et les percussions se trouvent en première ligne accompagnés par la voix rythmique des basses : il s’en dégage une puissance rare. Les plages plus mélodieuses ne sont pas en reste. On peut de nouveau entendre Kaitlyn Lusk dans Caras Galadhon (Lament For Gandalf) ainsi que dans le final où l’on retrouve la chanson-générique May It Be, suivie par In Dreams interprété par un enfant soliste accompagné par sa chorale, le tout soutenu par les cordes de l’orchestre.

 

Au final, dix minutes d’applaudissements à tout rompre, trois heures trente de pur bonheur musical, des aficionados de la trilogie comblés par une interprétation de haute volée. On aurait pu craindre une altération par rapport à l’original due aux quelques adaptations nécessaires pour ce type d’exercice, il n’en a rien été, au contraire.

 

Cet événement fut donc une occasion rare de redécouvrir cette partition, de l’écouter autrement et, en fin de compte, de se laisser surprendre par des harmonies, des accords, des rythmes, des instruments mis en relief et un ensemble choral et instrumental parfaitement maîtrisé. Un très grand bravo à tous les artistes, en espérant que ces représentations connaîtront une suite (logique) dans les années à venir avec, souhaitons-le, autant de succès.

 

Frederic Godard
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