2017 : le Palmarès de la rédaction

Avez-vous déjà tiré un trait sur 2017 ? Nous aussi, mais seulement à l’instant, avec la publication très tardive de notre palmarès annuel. Mais êtes vous vraiment prêts à effectuer avec nous le grand flash-back traditionnel sur l’année musicale passée ? Car nombreux sont ceux qui, rappelons-le, n’ont pas été tendres avec elle, et ce dès le début de son ultime mois de décembre. Jugée particulièrement « pauvre », dévitalisée en quelque sorte, 2017 n’aurait, à les écouter, jamais réellement brillé en quoi que ce soit sinon dans une carence persistante de partitions mémorables, ou même juste dignes d’un quelconque intérêt. Triste réalité des faits ou conclusion commodément hâtive ? Et ce débat n’est-il pas, au fond, le même à chaque fois ou presque ?

Vous qui êtes fidèles à ce petit rendez-vous annuel, vous avez votre avis sur la question sans aucun doute… Mais vous savez également, depuis le temps, que nous ne sommes pas de ceux qui aiment à se laisser aller à ce genre de défaitisme facile et à emprunter une voie bien trop facile à notre goût. Et si, par la force des choses bien faites, nous concédons toujours à nos estimés collègues autant de temps à dévoiler nos palmarès, quitte même à être les bons derniers de la classe alors que 2018 se dévoile depuis plusieurs mois déjà, nous avouons volontiers que prendre ainsi nos aises n’est pas forcément pour nous déplaire. D’abord parce qu’il faut du temps, denrée toujours rare, pour vous offrir ces traditionnels montages que vous plébiscitez, mais aussi pour nous replonger corps et âme dans une année bel et bien toujours plus riche qu’on ne veut nous le faire croire, et de prendre le temps de voir, tout bonnement, plus loin que le bout de nos lorgnettes habituelles.

A vous de juger donc ! Les voici, nos palmarès 2017, et les questions qui vont avec : qui pour succéder au Star Trek Beyond (Star Trek Sans Limites) de Michael Giacchino et au réenregistrement de The Thief Of Bagdad (Le Voleur de Bagdad) de Miklós Rózsa ? Clic !

FLORENT GROULT

Rédacteur en chef adjoint

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C’est d’abord un peu, en un sens, l’exception à la règle qui pointe en bas de ce classement : ce n’est donc pas le très épars soutien signé Steven Price qui a retenu notre attention, mais bel et bien le choix et l’emploi par le réalisateur Edgar Wright, dans son enthousiasmant Baby Driver, d’une « sélection de titres retenus pour leur capacité à servir le film, son rythme et son histoire ». La voilà donc qui non seulement « brasse brillamment quarante ans de musique pop » mais constitue surtout « une bande son atomique » offrant « une narration augmentée dotée de multiples niveaux de lecture », soit en une courte formule « peut-être le meilleur soundtrack album jamais assemblé ». Cela ne mérite-t-il pas cette belle dixième position ? Retour à des choix plus traditionnels ensuite : c’est d’abord un Bear McCreary « sortant de sa zone de confort télévisuel » qui place en neuvième place son Rebel In The Rye, rien de moins qu’une « petite merveille de délicatesse et d’émotion portée par un thème sublime », un « superbe essai mêlant drame orchestral intimiste et jazz hot endiablé ». Puis, avec Tulip Fever, Danny Elfman convainc en retrouvant « son style pastoral chaleureux et sensible » donnant vie « à des arrangements exquis et à une thématique d’un lyrisme à fleur de peau ». « Beaucoup de classe, de charme et d’élégance » donc pour une partition « qui fait plaisir à entendre » et dans laquelle on perçoit sans peine « le grand talent de narrateur musical du monsieur », tout simplement.

Petite surprise en septième position avec l’accompagnement que Jeff Russo a concocté pour la première saison de la série télévisée Legion : « un kaléidoscope d’électronique délirant » où « ça flotte, ça plane, ça fait bip, ça grésille » mais où il y a néanmoins « des motifs, des thèmes, de l’émotion ». Pour tout dire, « on reste pantois face à l’originalité inattendue de ce mélange » qui bâtit « un univers musical à la fois hypnotique, radical… et groovy ! » A découvrir toutes affaires cessantes donc, comme d’ailleurs Darkest Hour (Les Heures Sombres) où Dario Marianelli peut se targuer d’un « sens de la dramaturgie au cordeau » et « s’emploie à développer une approche rythmique dense et sèche, à l’image d’un piano affairé » dans une « fresque musicale intense, presque concertante ». En résumé, « de l’emphase sans les grands gestes », voilà qui n’est vraiment pas pour déplaire de temps à autre en effet.

Nous parlions de Bear McCreary peu avant, le revoici à la cinquième position de notre classement, cette fois bel et bien dans ses habitudes télévisuelles. Certes, la courte anthologie tirée de The Walking Dead n’est pas à proprement parler une nouveauté de l’année 2017 puisqu’elle réunit des musiques de toutes les saisons, mais on ne pouvait décemment passer à côté de cette « compilation sous le signe de la tension constante » où « il pleut des cordes » sous toutes les formes : une sélection « percutante et addictive » dont « l’aspect rock-country apporte une couleur bien particulière » et qui déploie parfois « une énergie brute très efficace ». Banco donc ! En quatrième position nous retrouvons ensuite Alexandre Desplat et son multi-récompensé The Shape Of Water (La Forme de l’Eau), un travail « enchanteur » qui épate par « la superbe simplicité thématique et la profonde humanité qui en émane » et pour laquelle le compositeur français fait montre de « beaucoup de goût dans les orchestrations, d’allant dans le suspense, de tact dans l’évocation du sentiment amoureux. » C’est pourtant simple, « y succomber devrait n’être qu’une formalité ». Alors, et vous ?

Place enfin au trio de tête de notre podium 2017 ! Sur la troisième marche, King Arthur: Legend Of The Sword (Le Roi Arthur : la Légende d’Excalibur) permet à Daniel Pemberton de s’en donner « à cœur joie en revisitant le mythe arthurien de manière électrique et rugueuse » pour une partition où « dominent des sonorités recherchées d’instruments anciens et un emballant boulot rythmique ». The Sword In The Stone ? Non, plutôt « l’épée dans le rock », yeah ! Autre « véritable aventure sonore », celle que Marco Beltrami a offert cette année au Logan de James Mangold, qui ici obtient une belle médaille d’argent : il faut dire qu’on ne pouvait sans doute que « s’incliner devant la justesse de cette musique écorchée vive, à la fois crépusculaire et maladive » et « annonçant avec une admirable radicalité la fin d’un monde ». On n’hésitera donc pas à dire qu’il s’agit là d’un « chef d’œuvre entre rage et désespoir », une partition qui n’est « guère démonstrative, mais cogne dur quand il le faut et nous invite à explorer avec une incroyable subtilité les tréfonds de l’âme d’un héros déchu ». « Bluffant » !

Et qui retrouvons-nous sur la plus haute marche ? Et oui, Michael Giacchino n’a peut-être pas autant brillé qu’à l’habitude pendant cette année 2017, à chacun son idée sur la question. Il n’empêche que son War For The Planet Of The Apes (La Planète des Singes : Suprématie) a mis d’accord à peu près tout le monde : « un récit étonnant de limpidité et d’intelligence dans lequel les péripéties musicales ont toujours un sens », qui plus est « servi par un travail sonore minutieux et une apparente mais effective simplicité mélodique ». Voilà qui constitue tout simplement pour nous « l’apothéose de l’art narratif de Giacchino, une odyssée intime aux échos émotionnels colossaux » qui « ne prend cependant toute sa mesure qu’à l’image ». Allez, chapeau bas Monsieur ! Et au passage, avez-vous remarqué ? Pas de Star Wars : The Last Jedi (Star Wars : les Derniers Jedi) dans notre classement final…

FLORENT GROULT

Rédacteur en chef adjoint

NDLR : toutes les citations qui sont reprises dans le commentaire ci-dessus sont extraites des notules de notre UnderScorama mensuel, que nous vous invitons à suivre régulièrement afin de découvrir en avant-première les partitions qui figureront dans notre Palmarès de l’an prochain !

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Au bas de ce classement, nous débusquons d’abord un petit coffret, « plaisir de tous les instants, qui a beaucoup à donner » et qui a de ce fait su pleinement s’imposer aux yeux de certains d’entre nous : avec ce « programme assez dense » tiré de la fameuse série The Wild Wild West (Les Mystères de l’Ouest), La-La Land Records offre enfin à apprécier « une cuisine télévisuelle mitonnée aux petits oignons » où « le ton est cool, ludique et toujours engageant » et rehaussé d’un thème principal « épatant qui a le droit ici à des dizaines de déclinaisons savoureuses sous la baguette de la fine fleur des compositeurs du petit écran de l’époque ». Et vous hésitez encore ?

C’est Quartet Records qui ensuite hisse en neuvième position son édition luxueuse du Lady Jane de Stephen Oliver : « une flamboyante partition » ornée de « somptueuses sections chorales » et « combinant avec exubérance et panache un style volontiers altier et une emphase royale toute baroque à des musiques de source plus adéquatement Renaissance et un thème principal outrageusement romantique ». C’est dire si cette parution s’est avérée être plus qu’un simple coup de cœur mais plutôt « une superbe révélation », et l’on ne peut que vous encourager à goûter, comme nous, une ampleur « qui pétrifie son auditeur dès les premières mesures ! ». Vous voilà prévenus…

C’est peu de dire que La-La Land a frappé fort encore une fois en 2017 : combien de parutions dignes du plus haut intérêt ? Suivent ainsi, en huitième et septième place, deux d’entre elles. La première concerne une musique quelque peu oubliée, celle qu’Edward Shearmur signait en 2005 pour Sky Captain And The World Of Tomorrow (Capitaine Sky et le Monde de Demain) : une « musique orchestrale profusionnelle », « résolument old fashioned », « frontalement spectaculaire et divertissante », « une véritable friandise d’aventure et d’héroïsme ». La seconde est un classique des classiques qui nous ramène à la glorieuse année 1982 : on ne vous fera pas l’affront de vanter les mérites de cette « merveilleuse partition » de John Williams pour E.T. The Extra-Terrestrial (E.T. L’Extra-Terrestre), mais on ne saurait par contre trop appuyer les qualités de cette nouvelle édition, ces « 2h37 de bonheur » qui témoigne d’un « travail éditorial exemplaire » et d’une « restauration méticuleuse ». Qu’on se le dise…

Sixième place ensuite pour la réédition de Two For The Road de Henry Mancini, « le genre de composition qui magnifie le souvenir des sixties et a contribué à en faire l’époque de l’élégance par excellence » : une bien jolie formule, avouons-le, pour ce score « gracieux, séduisant, pétillant » et un album « délectable, intime, qui vous fera revivre tour à tour coup de foudre et chagrin d’amour ». En cinquième position le Damnation Alley de Jerry Goldsmith, dépoussiéré sous les bons soins d’Intrada, permet la redécouverte d’une « bonne pépite », soit une partition « sèche et dure, violente », « concise et percutante, typique du Goldsmith des années 70 » : un « travail de restauration/recréation à saluer ». Voilà qui est fait, et bien fait, non ? En quatrième place, les petites mains de Tadlow Music redonnent quant à elles « tout son éclat Technicolor à la partition passionnelle et passionnée de Dimitri Tiomkin » pour le film de King Vidor, Duel In The Sun (Duel au Soleil) : un « magnifique réenregistrement » qui sert remarquablement le « style luxuriant et très fleuri » du compositeur ainsi que « le souffle et la fougue de cette musique à la fois excessive et enivrante ».

Finalement, et une fois n’est pas coutume, commençons par la deuxième marche de ce podium : La-La Land, encore eux, auront surpris leur monde en nous apportant, après E.T., une deuxième réédition indispensable d’une partition de John Williams pourtant déjà fort bien représentée au disque. Pour Close Encounters Of The Third Kind (Rencontres du Troisième Type), ils sortent de leur chapeau « une restauration sonore encore une fois exemplaire » pour une nouvelle présentation tout bonnement « monumentale » d’un des « fleurons les plus aboutis de la collaboration Spielberg/Williams », peut-être bien même « le plus ambitieux ». Mais les deux autres marches du podium vont une fois de plus vers le compositeur chéri des collectionneurs et éditeurs. Bonne inspiration donc pour Quartet Records qui, en ressortant Papillon, a offert à « la plus authentiquement française des perles de la filmo de Goldsmith » un rendu sonore « stupéfiant de détails », « comme réinjectant de la sève dans cette partition sublime », tout cela bien entendu pour « une véritable redécouverte » de ce chef d’œuvre. Même constat pour Tadlow Music qui impose ici son réenregistrement de quelques-unes des miniatures du compositeur californien pour l’antique série Thriller : de « passionnantes petites merveilles » où Jerry Goldsmith « alignait déjà les idées folles qu’il allait développer avec inventivité et audace tout au long de sa carrière ». En vérité il y a là « quelque chose d’infiniment émouvant à découvrir, presque soixante ans plus tard, les premiers pas d’un géant », de « scruter dans le détail » un talent « en pleine éclosion ». En un mot et un seul : magnifique.