Bernardo Bonezzi (1964-2012)
Portraits • Publié le 03/09/2012 par

Si les cinéphiles français avertis associeront volontiers les noms du réalisateur Pedro Almodóvar et de son actrice fétiche d’alors, Victoria Abril, à la Movida madrileña, ce mouvement artistique émancipatoire d’une Espagne résolue à tourner la page du franquisme, peu d’entre eux par contre se souviendront que le compositeur Bernardo Bonezzi en fut l’une des figures majeures, et l’un des visages les plus juvéniles.

 

Né le 6 juillet 1964 d’un père italien et d’une mère brésilienne, Bernardo Bonezzi fut d’abord un musicien précoce, fondant en 1978 le groupe Los Zombies qui marquera la jeunesse de son temps avec notamment le titre phare Groenlandia. En 1982, il se retrouve parmi les artistes invités d’un concert organisé par le magazine Rock Spezial, aux côtés d’un Pedro Almodóvar de quinze ans son aîné, qui a alors déjà signé ses deux premiers long-métrages.

 

Aux côtés du cinéaste espagnol et de Fabio McNamara, Bonezzi signe plusieurs chansons et rejoint très vite l’aventure cinématographique d’Almodóvar avec Laberinto de Pasiones (Le Labyrinthe des Passions). Après Matador et La Ley del Deseo (La Loi du Désir), cette collaboration trouvera son point d’orgue en 1988 avec Mujeres al Borde de un Ataque de Nervios (Femmes au Bord de la Crise de Nerfs), une partition qui lui vaudra sa première nomination aux Goya, les Oscar espagnols, mais qui marquera aussi sa rupture avec un cinéaste qui rejette sans sommation certaines séquences musicales et avec qui il n’aura par la suite quasiment plus aucun contact.

 

 

Dans l’intervalle, les offres se sont multipliées et Bonezzi se retrouve bientôt à œuvrer à la fois pour le théâtre, la télévision et le cinéma, soignant chacune de ses approches grâce notamment à des formations instrumentales souvent singulières. Parmi ses projets les plus connus, citons ici la populaire série Farmacia de Guardia, ainsi que les long-métrages La Boca del Lobo (La Gueule du Loup) en 1988, Todo por la Pasta en 1991, Morirás en Chafarinas en 1995, Entre las Piernas (Entre les Jambes) en 1999, Sin Noticias de Dios (Sans Nouvelles de Dieu) et Mari del Sud en 2001, sans oublier bien sûr Nadie Hablara de Nosotros cuando Hayamos Muerto (Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes) qui, lors de la cérémonie des Goya en 1996, lui rapporte sa seule et unique statuette.

 

Fin 2001, au terme d’une année éreintante aussi bien physiquement que psychologiquement, Bonezzi décide de s’éloigner un temps du 7ème Art pour se consacrer à des œuvres personnelles qui prendront la forme d’une trilogie instrumentale (La Hora del Lobo, La Hora Azul et La Hora del Té, respectivement en 2004, 2006 et 2007). Mais entre temps, la roue tourne vite et le milieu cinématographique a parfois bien peu de mémoire : au grand dam de ses admirateurs et malgré l’originalité dont il a pu faire preuve, jamais il ne retrouvera le chemin des salles obscures.

 

Alors que son dernier album solo, La Esencia de la Ciencia, n’est sorti que quelques semaines auparavant, le compositeur est retrouvé mort dans sa maison de Madrid le 30 août dernier et la nouvelle met immédiatement en émoi l’active communauté béophile espagnole. En avril dernier, il déclarait au journal El País : «Je ne ressens aucune nostalgie du passé et pour me sentir vivant, j’ai besoin de penser que le meilleur de la vie est à venir.» Bernardo Bonezzi disparaît brutalement aujourd’hui alors qu’il venait à peine de fêter ses 48 ans…

 

Florent Groult
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