The Peacemaker (Hans Zimmer)

Tout dans les Muscles #6 : Le petit soldat de plomb

Disques • Publié le 23/09/2022 par

THE PEACEMAKER (1997)
LE PACIFICATEUR
Compositeur :
Hans Zimmer
Durée : 152:14 | 25 pistes
Éditeur : La-La Land Records

 

3 out of 5 stars

Jusqu’alors piégé dans de petits rôles pour la TV, puis révélé par la série E.R. (Urgences), Georges Clooney, acteur talentueux (une fois débarrassé de ses mimiques faciales), endosse la même année deux costumes pour l’aider à sortit du petit écran. D’abord un costume bien trop grand pour lui (et qui paradoxalement le gène aux entournures), celui de Batman dans un quatrième épisode risible, voire absolument ringard, Batman & Robin, mis en scène de manière foutraque (à moins que ce ne soit du 8ème degré) par Joël Schumacher. Puis un second, qui lui convient un tantinet mieux, celui d’un militaire un peu tête brûlée dans The Peacemaker, mollement réalisé par Mimi Leder (qui n’avait sans doute pas compris qu’il ne s’agissait pas d’un autre épisode de la série médicale à succès sur laquelle elle officiait). Sur un scénario qui tient sur un billet de train, train qui par ailleurs ouvre le film dans une séquence de heist nucléaire hautement invraisemblable, le film engrange les scènes d’action sur un rythme pour le moins poussif si on excepte celle où Clooney descend d’un hélico en rappel afin de sauver la cargaison de bombes nucléaires menaçant de tomber dans le vide, en équilibre dans un camion qui lui-même ne tient que par le fait que des câbles électriques se sont coincés dans ses roues, au bord d’un pont (!!!).

Là encore, c’est du déjà vu, et en cent fois mieux par ailleurs, mais l’enthousiasme de Zimmer fait le boulot, certes de manière pachydermique, mais avec une constante volonté de ne pas verser dans le sound-design. A cette époque, le compositeur essaye encore d’écrire des thèmes qui puissent se remarquer un peu et même, en étant indulgent, qu’on parvienne à retenir en sortant de la salle de cinéma. Filmé plus énergiquement que les autres scènes d’action du film, cette séquence est portée par la musique du teuton qui bastonne à tout va sur un motif de plomb (trois notes alternativement ascendantes puis descendantes), de manière extrêmement rythmique (et qu’on entend d’abord dans le survitaminé Car Chase). Tonton Hans enchaine ensuite avec LE thème d’action du score, celui qui retient le plus l’attention, pour son caractère à la fois rock et symphonique. Il s’agit d’un des thèmes d’action les plus entrainants que Zimmer ait jamais écrit. Malheureusement, il ne sait pas en faire autre chose que le répéter en crescendo, incapable de le développer autrement que dans la surenchère sonore. Qu’à cela ne tienne, il convoque alors tout l’orchestre pour faire un vacarme assourdissant dans le long Checkpoint / Helicopter Chase alors que le morceau débute pourtant bien (Zimmer utilise même, ô miracle, des bois qui permettent d’ajouter un peu de suspens). Le thème principal, ultra-héroïque (au point qu’il en devient caricatural, comme le film d’ailleurs), est alors lancé sur des boucles rythmiques qui s’empilent et qui accélèrent, provoquant une amplitude sonore dont Zimmer simplifiera de plus en plus la structure (pourtant déjà pas bien compliquée) dans les années à venir, et où une chorale masculine (à consonance russe) viendra ajouter encore un peu plus de poids (ce qui n’était peut-être pas forcément nécessaire), un peu à la manière de Crimson Tide (USS Alabama). Luxe incroyable (qu’on ne retrouvera plus par la suite dans la carrière du teuton tétanisant), Zimmer s’offre même, à la toute fin du morceau, un contrepoint orchestral (certes, très basique) qui permet à l’auditeur de dresser momentanément l’oreille.

Bien entendu, sinon ce ne serait pas vraiment du Zimmer, la partition est remplie de doublures assez grasses et pataudes, mais l’objectif ici n’est pas de faire dans le subtil. Il faut entrer en compétition avec les effets sonores et pyrotechniques du film. Et, sur ce plan, la mission est réussie. On aurait tort de ramener l’ensemble de la musique (qui couvre le film de manière quasi-ininterrompue) à une succession de morceaux pulsatoires. Car il existe bel et bien un thème « dramatique » (vraiment too much mais qui fonctionne dans ce film hypertrophié de toutes parts) pour le méchant de l’histoire, un serbo-croate qui a perdu sa famille dans un combat de snipers où les civils furent victimes et qui souhaite se venger sur le sol américain en faisant exploser une bombe nucléaire qu’il trimbale dans son sac à dos. Ce thème, qui sonne comme une lamentation pour chœurs, est amené, la plupart du temps, par un cymbalum caractérisant le côté slave du personnage et agrémenté de cloches tubulaires et d’une voix féminine assez expressive dans Dusan’s Flashback. Bien entendu, cela relève encore du cliché, efficace dans le film, mais qui pourrait blâmer Hans Zimmer de faire une musique de plomb quand tout n’est que lourdeur dans ce film, certes divertissant, mais diablement indigeste ? L’album d’origine (label Dreamworks, production oblige) durait environ une heure et était arrangé, plus ou moins, sous forme de suites regroupant les principaux thèmes et motifs rythmiques de la partition. L’édition complète concoctée par La La Land en 2014 permet de disposer des 95 minutes de musique présentes dans le film (et des morceaux du CD d’origine). Elle est, ironiquement sans doute, et peut-être de manière un peu abusive pour ce score, sous-titrée, dans le livret, par le terme « the Noisemaker. » CQFD.

 

Christophe Maniez
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