Choriki Sentai Ohranger (Seiji Yokoyama)

Boys in striped pyjamas

Disques • Publié le 13/09/2012 par

Choriki Sentai Ohranger Symphonic SuiteCHORIKI SENTAI OHRANGER (1995)
OHRANGER
Compositeur :
Seiji Yokoyama
Durée : 55:29 | 8 pistes
Éditeur : Animex 1200

 

4 out of 5 stars

La déception, comme on l’imagine, n’en fut que plus cuisante lorsque Seiji Yokoyama renoua quelques années plus tard avec les metal heroes, via le très alimentaire Tokkei Winspector. Malgré deux ou trois séduisantes flammèches, cette nouvelle partition ne réussit jamais à égaler, ni même à lointainement approcher le brio décoiffant de son aîné. Mais ce n’était que partie remise. En 1995, le compositeur plongeait à nouveau dans le monde bigarré des super-héros japonais avec Choriki Sentai Ohranger, digne (hum) émissaire d’un des courants les plus déliquescents du tokusatsu, le super sentai. Les personnages avaient troqué leur armure d’acier pour les justaucorps en lycra que le tristement célèbre Bioman s’était chargé de rendre familiers auprès des spectateurs de l’Hexagone. Yokoyama, lui, s’était fort heureusement paré de son costume, autrement moins corrosif pour les yeux, de compositeur. Et le moins que l’on puisse dire est que la coupe dudit vêtement lui sied à ravir.

 

En une seule et triomphale envolée, Presentiment Of The Beginning pulvérise les doutes quant à la motivation de l’artiste. Le souvenir des cuivres héroïques de Metalder refait immédiatement surface, propulsé de surcroît par la baguette enthousiaste de Roger Berthier (dont le patronyme a fait les frais, au dos du CD édité par Animex, d’une orthographe hasardeuse) dirigeant l’Orchestre Symphonique de Suresnes. Venu à Paris pour goûter au professionnalisme fameux des grandes formations européennes, Yokoyama n’a pu qu’être conquis par l’ardeur passionnée des musiciens, jamais prise en défaut, pas même lorsque Shuddering Sight leur fait arpenter le domaine tout en percussions martelées du péplum. Etouffées, les ternes menaces de vengeance proférées à chaque épisode, oubliés, les dandinements ridicules de figurants masqués par de grossiers amas de latex ! Face à la séduction maléfique qu’exhale cette ode aux puissances des ténèbres, aucune raillerie ne saurait résister. Et les cordes de The Oath Of Allegiance de sombrer dans un engourdissement mélancolique, engendrant un thème au lustre élégiaque qui remue le cœur… En poussant le bouchon un peu plus loin, on serait même tenté de prêter au compositeur l’intention souterraine, quand Shuddering Sight est subrepticement réintroduit par des bois renfrognés , de prouver à quel point la barrière séparant le bien du mal peut être poreuse.

 

Choriki Sentai Ohranger

 

Mais dans le fond, c’aurait été surestimer une série dont l’ambition majeure restait de servir la soupe coagulée faisant les délices des amateurs les moins regardants du tokusatsu. Pas dupe pour deux sous, Yokoyama retourne comme un gant le thème susnommé pour le lancer dans une course euphorisante, où se déchaînent les cuivres et les glissandi de cordes tellement caractéristiques de son style. Loin de s’en trouver rassasié, il remet derechef le couvert avec Brilliancy Of Hope, cette fois en conviant The Oath Of Allegiance sous la forme d’une alerte fanfare, au pas rigoureusement cadencé. La suite ne désemplit pas, tant est manifeste le plaisir de Yokoyama à multiplier les voluptueuses cassures de rythme et de ton. Perpetual Change ne fait pas mentir son titre en nous ballottant d’une élégie cafardeuse à des cuivres gonflés d’orgueil, et The Triumphant Return, galvanisante conclusion, repose sur un thème mutin qu’elle fait passer par tous ses états avant de majestueusement apposer le point final.

 

Entretemps, il y a eu Into The Sadness : sept minutes d’une poésie au sobre raffinement durant lesquelles Yokoyama, pour la première fois, paraît totalement oublieux des crétins aux couleurs de l’arc-en-ciel qu’il lui revient d’empanacher de bravoure. Enivré très tôt par le répertoire romantique du XIXème siècle dont il s’est essayé, toutes proportions gardées, à retrouver l’expressivité débordante au fil de sa carrière, le compositeur succombe ici à ce qui ressemble fort à un caprice. Déjà frustrés par l’absence au tracklisting des cantiques pop rock vociférés par les interprètes-stars comme Hironobu Kageyama ou Isao Sasaki, les tokusatsu addicts risquent d’accueillir avec tiédeur cette superbe pièce d’où le moindre riff de guitare électrique est banni. La vulgarité plastique d’Ohranger, qui est celle de dizaines d’autres shows télévisés fondus dans le même moule biscornu, ne s’imposait assurément pas comme l’écrin rêvé pour ce violoncelle endeuillé et ces bois moroses, à l’ombre desquels se devinent les fantômes de Brahms ou Mahler. Tout bien soupesé, l’imagination galopante de l’auditeur est peut-être le véritable lit où les musiques de Seiji Yokoyama, trop grandes pour les justiciers de la petite lucarne japonaise, prendraient leur ampleur réelle. A n’en pas douter, ce paysage mental vaut la peine d’être esquissé.

 

Choriki Sentai Ohranger

Benjamin Josse
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