The Tale Of Despereaux : noblesse oblige
Disques • Publié le 28/01/2009 par

THE TALE OF DESPEREAUX (2008)

LA LÉGENDE DE DESPEREAUX

Compositeur : William Ross

Durée : 59:04 | 26 pistes

CD : Intrada Records

Rating: ★★★★☆

 

 

Orchestrateur parmi les plus réputés d’Hollywood depuis plus de vingt ans et collaborateur attitré d’Alan Silvestri, William Ross a toujours fait passer sa carrière de compositeur au second plan, malgré la qualité de certaines de ses partitions, notamment l’excellent Tin Cup (un score épique pour un film sur le… golf !), le touchant My Dog Skip (Mon Chien Skip) ou encore le champêtre Tuck Everlasting. Une exploration plus poussée de son talent est cependant difficile, la majorité de sa filmographie étant surtout constituée de films de seconde zone, et la pauvreté de sa discographie ne contribue certainement pas à faire connaître son œuvre, disponible seulement par le biais de quelques titres pour la plupart épuisés. Le béophile avide de découverte devra ainsi traquer de rares et coûteuses éditions promotionnelles pour cerner un peu mieux le potentiel du compositeur. Il y a donc bien longtemps que l’on n’attendait plus de retrouver William Ross, tout juste soixante ans cette année, au devant de la scène, et The Tale Of Despereaux constitue en ce sens une excellente surprise.

 

L’intrigue de ce film d’animation produit par Universal se situe dans un Moyen-Âge mâtiné de magie et narre les aventures de trois héros improbables : Despereaux, une souris qui préfère lire les livres que les manger et désire plus que tout devenir un gentleman, un rat malheureux qui projette de quitter l’obscurité de son cachot et une servante empotée dont les destins vont croiser celui de la princesse du château, le tout dans un royaume en pleine déchéance parce qu’un décret royal l’a privé de… soupe ! Rongeurs oblige, on s’amusera d’ailleurs à pister les nombreux clins d’œil de William Ross à ses prédécesseurs, à commencer par Mouse Hunt (La Souris) et Stuart Little de son mentor Alan Silvestri. Le compositeur se prête d’ailleurs occasionnellement au jeu du mickey-mousing lors de quelques passages suggérant de manière plus directe l’univers du dessin animé (Andre & Boldo et Roscuro’s Fall), sans jamais abuser des clichés trop descriptifs typiques de l’école Disney : l’essentiel du score lorgne beaucoup plus vers le cinéma d’aventure hollywoodien que du côté du studio de l’oncle Walt.

 

Dès les premières notes de la partition, le ton est donné : un thème enchanteur, léger et enjoué, qui évoque immanquablement certaines compositions de Bruce Broughton, de Rescuers Down Under (Bernard et Bianca aux Pays des Kangourous) aux Tiny Toon Adventures (Les Tiny Toons), enveloppe l’auditeur et le plonge instantanément dans l’univers du royaume de Dor. Ce Main Title / Prélude joue d’ailleurs un rôle d’ouverture dans le sens classique du terme, enchaînant au thème principal plusieurs citations des motifs qui seront ensuite développés tout au long du film. The Tale Of Despereaux s’avère d’ailleurs d’une richesse mélodique qui va franchement à l’encontre de la tendance actuelle : puisque c’est dans les vieux chaudrons qu’on fait les meilleures soupes, Ross a choisi de privilégier une approche à l’ancienne construite sur le principe éprouvé du développement thématique. Le thème principal se verra donc décliné sous de nombreuses formes tout au long de la partition, de la douceur champêtre du Prologue au dynamisme de The Village Of Dor en passant par le chevaleresque Roscuro And Despereaux, pour enfin se déployer dans toute sa noblesse au moment de l’Epilogue.

 

Hormis la mélodie principale associée à Despereaux et qui habille le personnage d’une véritable dimension humaine, on notera au fil de l’écoute un thème d’aventure digne d’Erich Wolfgang Korngold (Once Upon A Time), une mélodie envoûtante et mystérieuse (The Royal Library) comparable à l’ouverture du Golden Compass (La Boussole d’Or) d’Alexandre Desplat, ou encore un motif qui, associé au son du clavecin (In The Dungeons), rappelle celui écrit par John Williams pour évoquer le personnage de Peter Pettigrew dans Harry Potter And The Prisoner Of Azkaban (Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban). Rien d’étonnant à cette analogie quand on sait que Williams avait justement chargé William Ross d’orchestrer l’ensemble de sa partition pour le précédent opus, Harry Potter And The Chamber Of Secrets (Harry Potter et la Chambre des Secrets), et surtout de compléter ses ébauches pour le film de Chris Columbus, faute de temps disponible pour en terminer lui-même la composition. The Tale Of Despereaux est aussi régulièrement traversée de fulgurances dignes d’un swashbuckler, le compositeur n’hésitant pas à se lancer dans des envolées épiques, de la dernière partie de Roscuro’s Fall au puissant et dynamique The Quest en passant par l’ intense Boldo And Despereaux Charge !, pour culminer avec le fougueux Rescuing The Princess, dont les cuivres vont jusqu’à évoquer l’écriture de Jerry Goldsmith. Mais surtout, c’est dans l’ensemble de ces passages d’action que se fait sentir plus que jamais l’ombre de John Williams, celui de Star Wars, comme on peut l’entendre très nettement dans Cat & Mouse et la seconde partie de Roscuro’s Apology. La présence de Conrad Pope aux orchestrations n’y est peut-être pas étrangère, celui-ci ayant œuvré comme orchestrateur principal sur les trois films de la prélogie de Georges Lucas.

 

Métier oblige, les orchestrations sont justement ciselées avec finesse et une technique irréprochable, faisant tout au long du score la part belle aux instruments solistes sans pour autant délaisser le corps orchestral. Le compositeur fait également appel occasionnellement à une voix féminine éthérée (Mouse World, Banishment), et même les quelques très discrets éléments synthétiques sont parfaitement intégrés à l’ensemble. La partition restitue aussi à merveille l’aspect médiéval du décor à l’aide d’instrumentations qui évoquent La Pie Voleuse de Rossini et les fanfares flamboyantes de Miklos Rozsa (The Soup Is Served), et parfois même les compositions historiques si chères à Georges Delerue (Roscuro’s Apology).

 

Que d’influences, me direz-vous ? Peut-être, mais tellement bien assimilées et arrangées avec une telle sincérité qu’elle ne font que magnifier une composition déjà foisonnante : ce n’est pas la thématique des compositeurs et des partitions cités précédemment que l’on discerne dans la musique de William Ross, mais plutôt certaines similitudes dans les harmonies ou l’orchestration. Bien plus homogène que ces influences ne le laisseraient deviner au premier abord, le résultat final est si enthousiasmant qu’il ne peut qu’emporter l’adhésion de l’auditeur. L’ensemble de la partition est d’ailleurs si évocateur que l’on se prend à rêver que William Ross puisse un jour bénéficier d’une autre opportunité lui permettant d’explorer plus en profondeur l’univers luxuriant de la fantasy

01. Soup* (01:42)
02. It’s Great To Be A Rat* (01:26)
03. Main Title / Prologue (02:31)
04. The Village Of Dor (02:16)
05. Andre & Bolbo (01:25)
06. The Soup Is Served (01:07)
07. Roscuro’s Fall (02:36)
08. A King’s Saddness (01:52)
09. Mouse World / A Mouse Is Born (03:07)
10. Lonely Roscuro (01:10)
11. The Royal Library (01:28)
12. Once Upon A Time (02:28)
13. I Am A Gentleman / Mig’s Story (03:38)
14. Banishment (03:06)
15. In The Dungeon (01:00)
16. Cat And Mouse (02:02)
17. Roscuro And Despereaux (02:10)
18. Mig Steals The Crown (01:18)
19. Roscuro’s Apology (03:44)
20. Gregory Gives Mig Away (00:51)
21. The Quest (03:55)
22. Despereaux Is Back (03:12)
23. Boldo And Despereaux Charge ! (01:38)
24. A Change Of Heart (02:10)
25. Rescuing The Princess (03:05)
26. Epilogue (02:39)

 

* Chanson non utilisée dans le film.


FICHE TECHNIQUE


Direction d’orchestre : William Ross

Orchestrations : Conrad Pope, Mark McKenzie, Jerome Leroy, Bruce Fowler, William Ross, Clifford J. Tasner

Prise de son : Armin Steiner, Larry Mah, Erik Swanson

Montage musique : Peter Myles, Ramiro Belgardt, David Channing

Studio d’enregistrement : Sony Pictures Scoring Stage, Fox Studios Newman Scoring Stage

Olivier Desbrosses
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