Radio Classique fait du (son) cinéma

Un petit billet d'humeur de temps en temps, ça ne fait jamais de mal...

Actualité • Publié le 20/07/2015 par

Un petit billet d’humeur de temps en temps, ça ne fait jamais de mal. Celui-ci, bien inoffensif, précisons-le tout de suite, est né d’une information comme une autre, comme celles que nous relayons chaque semaine dans notre colonne dédiée, et que tout auditeur même occasionnel de Radio Classique ne peut ignorer tant elle tourne en boucle depuis des semaines.

 

Ainsi, le 18 septembre prochain, le Grand Rex de Paris accueillera l’Orchestre National d’Île-de-France dirigé par le chef danois Thomas Søndergård pour un programme intitulé Radio Classique fait son cinéma et bâti, comme on pouvait s’y attendre, autour de quelques-unes des musiques classiques utilisées pour le grand écran. Animée par l’excellent Olivier Bellamy, la soirée, dont on aime à nous répéter à l’envi qu’elle sera, comme tant d’autres, exceptionnelle, devrait donc voir retentir des airs et morceaux parmi les plus connus du répertoire : l’ouverture de La Pie Voleuse de Rossini, l’adagietto de la cinquième symphonie de Mahler, l’intermezzo de Cavalleria Rusticana de Mascagni, le prélude de Tristan et Isolde ainsi que celui de Lohengrin et la fameuse Chevauchée des Walkyries de Wagner, une danse hongroise de Brahms et les valses dite de l’Empereur et Le Beau Danube Bleu de Johann Strauss fils. Rien que du très classique en effet.

 

Si à l’évidence nous n’avons absolument rien à reprocher à la légitimité d’un tel programme, qui correspond fort bien à la mission de Radio Classique, le communiqué de presse rédigé pour l’occasion laisse tout de même un peu songeur. On nous y vante en effet un « nouveau genre de concert » (?), pensé pour « faire découvrir la musique classique au plus grand nombre » et attirer « un public plus jeune et néophyte » par le biais de ce « formidable vecteur de diffusion pour le grand répertoire » qu’est le cinéma. Soit.

 

Mais outre le fait d’abord qu’une telle initiative n’est guère neuve, et surtout peu éloignée de celles qui ont justement pu être présentées lors d’anciens festivals Radio Classique, on se demande surtout bien en quoi un programme convoquant des films tels que Le Dictateur (1931), 2001 : l’Odyssée de l’Espace (1968), Mort à Venise (1971), Orange Mécanique (1971),  Le Parrain (1972), Apocalypse Now (1979),  Le Dernier Empereur (1987) ou Mélancholia (2011, ce dernier choix, aussi curieux qu’inattendu, étant le plus récent de la sélection) peut aujourd’hui réellement parler à ces « jeunes générations » de spectateurs (disons celles des actuels vingtenaires et trentenaires, sans même penser aux enfants et adolescents) invités comme leurs aînés donc à « revivre leurs plus grandes émotions cinématographiques » !

 

Dans le quatrième comme dans le septième Art, les classiques sont éternels, voilà qui est entendu, mais n’est-il pas de nos jours envisageable de concocter un programme plus ouvertement transgénérationnel ? Faire ainsi référence à des productions plus récentes et populaires, avec des choix musicaux à la portée de tous, voilà qui ne semble pas si difficile lorsque l’on considère par exemple l’air de la troisième suite de Bach apaisant l’esprit de Morgan Freeman dans Seven (1995) ou le premier mouvement de la huitième symphonie de Schubert soulignant les images précognitives de Minority Report (2002). On en dira autant de l’allegretto de la septième symphonie de Beethoven accompagnant le fameux Discours d’un Roi (2010), tandis que l’ouverture 1812 de Tchaikovski pourrait tout à fait coller un peu plus à l’actualité en rappelant les indignés de V For Vendetta (2005), qu’une scène du Lac des Cygnes du même Tchaikovski évoquerait instantanément Black Swan (2010) ou que l’un de ces arrangement pour orchestre du Clair de Lune de Debussy ferait peut-être bien frissonner les jeunes fans de la saga Twilight (2008-2012). Et quitte à sortir, d’un coup d’un seul, des sentiers battus, pourquoi ne pas faire entendre le premier des trois mouvements pour orchestre de Steve Reich entendu dans Hunger Games (2012) ?

 

Bref, chacun comprend parfaitement bien entendu où les communicants de la station et de l’évènement veulent en venir en ratissant de la sorte. Mais pour autant, on ne saurait trop encourager Radio Classique (même si on a pu remarquer qu’elle n’était plus LA radio de la musique de film autoproclamée par le passé) à soigner un peu plus ce genre de publicité en misant d’une manière plus crédible et sincère sur un événement musical dont on ne doute pas un instant qu’il sera avant tout convivial et familial.

 

Pour en savoir plus : Radio Classique

Florent Groult
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