Sa Majesté Minor (Javier Navarrete)

Sa Majesté Navarrete en mode Minor

Disques • Publié le 26/11/2012 par

Sa Majesté MinorSA MAJESTÉ MINOR (2007)
Compositeur : Javier Navarrete
Durée : 45:20 | 30 pistes
Éditeur : Virgin

 

 

3.5 out of 5 stars

Sur le plan musical, Jean-Jacques Annaud s’est toujours montré passionné et a su faire nombre de choix judicieux : Philippe Sarde, James Horner, Gabriel Yared, John Williams, Stephen Warbeck, quel palmarès ! Pour Sa Majesté Minor, le réalisateur s’est tourné vers un nouveau compositeur, encore tout auréolé du succès d’El Laberinto del Fauno (Le Labyrinthe de Pan) : l’espagnol Javier Navarrete. Déjà salué par la critique après la réussite d’El Espinazo del Diablo (L’Échine du Diable), ce dernier a rapidement affirmé sa prédilection pour le genre fantastique dans lequel s’intègre, par le biais de la mythologie, Sa Majesté Minor. Cependant, la partition composée par Navarrete pour le film de Jean-Jacques Annaud n’a strictement rien à voir avec ses précédents travaux, et les béophiles qui chercheraient à y retrouver l’atmosphère des longs-métrages de Guillermo del Toro risquent d’être surpris, voire désarçonnés dans un premier temps.

 

Il est évident que le compositeur devait s’adapter aux besoins du film : point ici de grand orchestre symphonique aux accents romantiques, mais plutôt de petites formations intervenant chacune à leur tour afin de caractériser les divers personnages et de créer des ambiances très spécifiques. Satyre oblige, Navarrete met l’accent sur les bois : plusieurs flûtes de Pan – cela va de soi – mais également la clarinette, le hautbois, les flûtes, les fifres et autres pipeaux ainsi que bon nombre d’instruments issus du folklore arménien (le fameux duduk en premier lieu) et est-oriental. Tout est fait pour restituer l’esprit des fêtes de village, des promenades champêtres, de la bonne humeur paysanne et surtout païenne. Viennent alors les cuivres, indispensables à toute fanfare qui se respecte, donnant l’impression de plonger dans l’univers d’Emir Kusturica. Le thème de Minor, présenté dès Minor le Petit Cochon et très aisément identifiable, parcourt l’ensemble de la partition sur un mode souvent burlesque et très chaloupé, donnant instantanément envie de taper du pied et de claquer des mains en cadence, surtout lorsque les tambourins et les tamtams s’en mêlent.

 

José Garcia (Minor) et Vincent Cassel (le Faune)

 

Le Faune a lui aussi droit à un motif bien affirmé qui intervient dans La Forêt Mythologique, mélange de flûte de Pan, de xylophone, de pizzicati de violons, de carillons de clochettes et de ponctuations de cuivres malicieux allant crescendo, ensemble qui illustre à merveille le caractère fantasque, passionné et surtout totalement lubrique du personnage interprété par Vincent Cassel. D’une façon générale, on apprécie que les nombreuses scènes déjantées du film soient illustrées par une musique vraiment originale qui préfère puiser dans le folklore européen plutôt que dans le mickeymousing à l’hollywoodienne. Cela dit, il ne faut pas croire que cette enfilade de sarabandes endiablées exclut tout moment de calme, loin de là. On trouve à plusieurs reprises des pistes beaucoup plus apaisées, tantôt élégiaques tantôt mystérieuses et pleines de magie, telles Les Ombres dans le Crâne et son violon mélancolique, Retour au Logis et son mélange de guitare et de cor anglais rappelant étrangement les scores d’Alan Silvestri pour des westerns (The Mexican [Le Mexicain] en premier lieu), ou encore les très philosophiques Connais-toi toi-même et Rêve Lacté, complètement planants.

 

Le meilleur intervient avec les superbes Masque d’Or, Amour et Folie, Une Larme dans la Nuit, beaucoup plus proches du style habituel du compositeur, emplis d’un lyrisme subtil et délicieux naviguant avec bonheur entre références classiques (Ravel et Debussy dans leur période espagnole, Manuel de Falla, Rodrigo) et contemporaines (Alberto Iglesias, Roque Baños, Carles Cases), célébrant la splendeur de l’antique Arcadie à l’aide des sons et des couleurs de l’Espagne. Inattendu sur Sa Majesté Minor, Javier Navarrete n’en signe donc pas moins une musique fort réussie, à la fois drolatique et contemplative, sereine et pleine d’énergie, étrange et familière, réservant bien des surprises aux auditeurs curieux.

 

Sa Majesté Minor

Gregory Bouak
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