White Tiger (Fabien Guy)

Apprivoiser la bête

Disques • Publié le 28/05/2011 par

White TigerWHITE TIGER (1923)
LES FAUVES
Compositeur :
Fabien Guy
Durée : 52:24 | 23 pistes
Éditeur : Liqueur Brune Music

 

4 out of 5 stars

(Re)créer la musique originale d’un film est toujours un exercice périlleux. Lorsque certains monuments du cinéma sont sujets à une réinterprétation, l’exigence du public est proportionnelle aux rangs auxquels ce dernier place le compositeur et le film en question. Mais si Fabien Guy n’est pas encore connu de la communauté des cinéphiles et autres cinémélomanes, son travail pour ce film récemment retrouvé – et donc inconnu – de Tod Browning n’en est pas moins difficile.

 

Et c’est avec surprise que l’on découvre une personnalité à part, qui s’exprime avec aplomb pendant la quasi intégralité du métrage, l’album présenté ici proposant les 3/4 de la musique composée. Un piano inquiétant, quelques percussions « urbaines » et une guitare électrique ouvrent le disque dans une ambiance poisseuse pour poser les bases d’une intrigue musicale savamment orchestrée. La recherche sonore comprend également l’emploi de sons synthétiques étranges, parfois réverbérés, distordus ou imitant un orgue ; et il en va de même pour la guitare, l’instrument de prédilection du compositeur puisant ses multiples accents dans un rock sensible et torturé. En vérité, le musicien intrigue beaucoup par ses instrumentations et son approche expérimentale finalement peu commune, au point que l’on pourrait craindre un résultat par trop atmosphérique, décalé ou approximatif. Bien qu’il cultive un côté obscur, le disque donne à entendre une dizaine de thèmes relatifs aux personnages et aux situations, et plusieurs écoutes dévoilent une logique narrative et un réel pouvoir dramatique. La noirceur du récit, les menaces et les travers des personnages y transparaissent sans sacrifier à l’émotion, l’ensemble étant à la fois trouble dans sa forme et cohérent dans son fond, à la fois instinctif et raisonné.

 

En fait, White Tiger possède une identité musicale propre, éloignée des dispositifs comme le piano solo ou l’ensemble orchestral qui servent habituellement les films muets, mais surtout des confortables clichés que l’on a sur ce cinéma d’un autre âge. De par son parcours, Fabien Guy donne vraiment un cachet particulier au film de Tod Browning et impose son travail comme une véritable valeur ajoutée. S’il a tout compris à la musique pour l’image, reste à espérer que ce musicien puisse entretenir cette nouvelle vocation.

 

White Tiger

Sébastien Faelens