The Warriors (Barry DeVorzon)

The Young And The Restless

Décryptages Express • Publié le 11/09/2017 par

THE WARRIORS (1979)The Warriors
Réalisateur : Walter Hill
Compositeur : Barry DeVorzon
Séquence décryptée : Baseball Furies Chase / The Fight (0:46:10 – 0:51:15)
Éditeur : La-La Land Records

 

The Young And The Restless, jeunes et sans repos : ce pourrait être le titre du film séminal de Walter Hill, connu en France sous celui des Guerriers de la Nuit. Mais c’est en fait le nom de la série qui fit, presque à son corps défendant, de Barry DeVorzon le plus célèbre des compositeurs de musique de film inconnus. Combien, parmi les millions de spectatrices des Feux de l’Amour, savent-elles que c’est à lui qu’a été emprunté le générique de leur feuilleton préféré ? Son thème, composé pour Bless The Beasts And Children, a ainsi été repris et réarrangé pour ouvrir le plus emblématique des soap operas. Moins nombreuse, mais tout aussi dévote, la congrégation des fans de The Warriors doit tout autant à DeVorzon, puisque c’est lui qui propulse les foulées paniquées de la bande à Swan, tentant désespérément de rejoindre son fief de Coney Island avec à ses trousses tout ce que New York compte de bandes, de gangs et de lowlifes revendiquant fièrement une couleur ou une autre.

 

Ils sont les Orphans, Riffs, Rogues, Turnbulls, Punks ou Furies. Les Baseball Furies, plus précisément, puisque leur uniforme est celui de joueurs, et leur arme fétiche la batte. Un costume inventé par Walter Hill, fan du sport et du groupe Kiss, et trouvant là l’occasion d’un mélange incongru mais approprié. C’est ce genre de collage qui donne toute son identité au film, le teintant d’une étrange ambiance pré apocalyptique, à la fois stylisée et réaliste, viscérale et sophistiquée. N’appartenant ni aux années 70 ni aux années 80 naissantes, et concentrant pourtant déjà la quintessence des deux époques. Une esthétique impossible et très personnelle, propre à Walter Hill, et dont Barry DeVorzon réussit à donner une image musicale.

 

The Warriors

 

De tous les cinéastes américaines de sa génération chez qui la musique tient une place essentielle, aussi bien par l’inspiration qu’elle permet que comme moteur de la mise en scène, Hill n’est pas le moindre, et sans doute un des plus sous-estimé. Pourtant, tous ses films contiennent une séquence articulée autour de la musique, souvent une scène ou le cinéaste semble suspendre la narration pour le simple plaisir de filmer des musiciens, d’autre fois étirant une péripétie pour donner de l’ampleur à son illustration sonore. Mais toujours, Walter Hill a tenu à témoigner de son amour de la musique, et de son importance  au sein du processus créatif d’un film. Dans The Warriors, il y a cette animatrice de radio dont on ne voit que la bouche, qui envoie aux gangs dans la rue des messages par chansons interposées, telle une oracle antique. Un emprunt au registre mythologique parmi d’autres, qui participent aussi de cette identité particulière du film. Comme Ajax, qui est le nom donné à l’un des membres des Warriors, et qui est le premier à préférer la confrontation à la fuite lorsque sa bande est coincée par les Furies au terme d’une course à pied se révélant sans issue.

 

« Je ne sais plus si c’était un film ou un marathon » déclarait le comédian Marcelino Sanchez après le tournage. La poursuite est certainement un des autres grands motifs récurrent chez Hill, avec la scène musicale, et la confrontation physique. Les trois se superposent ici, lorsque les Furies prennent en chasse les Warriors, et que résonne l’intro du morceau de Barry DeVorzon. On l’a déjà entendu au générique, il démarre avec des ondulations synthétiques, une vague au volume montant crescendo chauffant la salle et créant une attente, ponctuée par la batterie, la basse, la guitare, et soulagée quand le beat métronomique se met en place. Comme un coureur bien échauffé, les musiciens sont maintenant lancés et ont trouvé leur second souffle. De Vorzon trouve sa place pile entre la chaleur et la spontanéité du rock prog des 70’s et la froideur mécanique de la disco eighties. Loin des circonvolutions symphoniques d’une chevauchée à l’ancienne, sa traque suit une piste rectiligne, tendue comme un arc, même si le compositeur n’oublie pas de souligner par un accord de guitare ou une rafale de baguettes la chorégraphie de la course ou le montage remarquable supervisé par un Hill encore pénétré des leçons apprises auprès de Peter Yates sur la poursuite de Bullit. Si Barry DeVorzon n’a alors rien d’un débutant, et plus rien à prouver, par la grâce d’un film qui rencontre son époque, il annonce la suivante, et participe à la mise en place d’une nouvelle esthétique. Celle d’un cinéma d’action pure, qui se regarde autant qu’il s’écoute, les aiguilles dans le rouge, tapant du pied, réagissant à cette pulsation mécanique et irrésistible, vitale, qui faisait déjà courir les guerriers de Walter Hill. A jamais jeunes et infatigables.

 

Pierre Braillon
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