Voici un sujet pour parler de l'attention que vous portez au pistes ratées et autres titres qui font tâche, parfois datés, parfois simplement médiocres ou bancals, et qui se retrouvent intercalés au beau milieu de morceaux bien meilleurs, voire brillants.
À partir de quand une partition s'en trouve gâchée à vos yeux ? Deux ou trois pistes, dans une sélection d'une dizaine ou d'une quinzaine de titres suffisent-t-elles à vous gâter la fête et déprécier substantiellement la valeur ou l'intérêt que vous portez à une bande-son ?
Au contraire: deux ou trois morceaux assez fameux, perdus au sein d'une succession de pistes navrantes, suffisent-ils à vous rendre une œuvre estimable, voir indispensable ?
Je pose cette question parce que récemment je réécoutais le Rollercoaster de Lalo Schifrin qui couve en son sein quelques morceaux de fête foraine assez faibles, ainsi qu’un usage de l'électronique pas toujours très heureux... Pour autant, l'architecture de cette partition s'articule en partie autour de très bons climats de suspens, comme sait si bien les élaborer l'ami Lalo. Du coup l'impression globale reste plutôt positive.
Fut un temps pas si lointain où la présence de quelques titres boiteux (surtout dans le cas d'un thème important) égrenés au sein d'une partition de qualité suffisait à largement déprécier la valeur que je lui attribuais, même quand le reste de la musique se trouvait être sublime.
Mais je me rends compte que depuis un bon moment maintenant je mets de plus en plus d'eau dans mon vin, et il arrive désormais que je m'attache à certaines bandes son dont la moitié pourtant est à jeter, mais dont l'autre moitié sait se révéler tout à fait digne d'intérêt, voir mieux encore.
Question subsidiaire: lorsqu'on vous conseille une excellente partition au demeurant, tout en vous prévenant néanmoins qu'elle couve en son sein une certaine proportion de pistes affreuses, est-ce de nature à vous décourager, ou bien cela n'a-t-il aucune importance, ou si peu, dans le choix que vous ferez d'acquérir l'objet en question ?
Ces partitions inégales...
Re: Ces partitions inégales...
Ce n'est qu'une introduction de réponse car le point que tu soulèves est fort intéressant et mérite que l'on s'y arrête un moment . En général, tous compositeurs confondus, c'est rare que je sois véritablement impressionné par une B.O. en entier même si, paradoxalement, je n'effectue que très rarement un tri par programmation. J'aime bien m'imprégner du climat global d'une musique de film, pour cela il est nécessaire qu'elle ait sa spécificité sonore, son climat propre, que ce ne soit pas quelque chose de passe-partout et d'interchangeable. Le thème marquant, qui sort du lot, m'est également essentiel ou alors il faut qu'il soit compensé par des idées d'écriture ou de texture fortes et singulières. Si une trentaine de minutes répond à mes exigences et me comble en émotion, les trente minutes restantes peuvent être bien plus faibles ou simplement redondantes, je reste preneur. Si une B.O. renferme deux thèmes réellement formidables, si le reste n'est pas désastreux, juste quelques claques amicales derrière l'uppercut, pour reprendre une expression de Sam, je reste preneur. Les disques avec quatorze thèmes différents même bien écrits et soignés sans uppercut ne m'intéressent pas longtemps, je m'en détache très vite. Tu as pris l'exemple de Roellerscoaster...:
"Du coup l'impression globale est plutôt positive". C'est pour cette raison que j'écoute la partition en entier (je ne la connais que dans l'équivalent du 33 tours, ceci-dit) et que j'en accepte volontiers les parties les plus "faibles" qui, dans ce cas précis, ne me semblent pas briser l'homogénéité sonore de cette B.O. - elle accompagne un thriller dont l'intrigue se situe autour de la fête foraine. Maintenant, ce n'est pas systématique. Dans ORCA d'Ennio Morricone, j'ai toujours détesté (sur le cd) le morceau de jazz-pop ambiant qui brise complètement la glace, c'est le cas de le dire! Certes, dans le film, il sort d'une radio, est un élément concret et fugitif appartenant à une scène précise où une jeune fille se repose sur son lit, mais, au sein de la musique dramatique, donc de la B.O. proprement dite, il dénote beaucoup trop. J'aurais préféré un morceau dans l'esprit de "La Cugina", avec ces fameuses réverbérations de bugle, qui aurait été, selon moi, un compromis bien plus malin. Il y a vingt ans, j'étais très exigeant, limite intransigeant. Puis j'ai fini, au fil du temps, par mettre un peu de jus d'orange dans ma vodka pour m'apercevoir qu'une musique même sucrée, ça restait de la musique. Tout cela est relativisé par notre goût et degré de tolérance respectifs. Ainsi, certains morceaux "faibles" ou "pervertis" peuvent avoir malgré tout quelque chose qui nous les rende au final acceptables ou attachants alors que d'autres vont nous irriter et gâcher l'écoute. La musique de cinéma est aussi pour moi un art ludique qui s'accommodent aisément des différents compromis ou perversions esthétiques, généralement liés aux films ou aux exigences du réalisateur - composer pour le cinéma, c'est l'art du compromis permanent! Une partition telle que Rollercoaster de Lalo Schifrin s'articule <à mes oreilles> très bien dans les limites de l'acceptable. Je ne pourrais concevoir l'écouter autrement qu'en entier: les thèmes du genre "forains" n'ont finalement rien de plus honteux qu'un lamento pour cordes archi-convenu et insipide.
...Taboulez a écrit : Rollercoaster de Lalo Schifrin couve en son sein quelques morceaux de fête foraine assez faibles, ainsi qu’un usage de l'électronique pas toujours très heureux... Pour autant, l'architecture de cette partition s'articule en partie autour de très bons climats de suspens, comme sait si bien les élaborer l'ami Lalo. Du coup l'impression globale reste plutôt positive.
"Du coup l'impression globale est plutôt positive". C'est pour cette raison que j'écoute la partition en entier (je ne la connais que dans l'équivalent du 33 tours, ceci-dit) et que j'en accepte volontiers les parties les plus "faibles" qui, dans ce cas précis, ne me semblent pas briser l'homogénéité sonore de cette B.O. - elle accompagne un thriller dont l'intrigue se situe autour de la fête foraine. Maintenant, ce n'est pas systématique. Dans ORCA d'Ennio Morricone, j'ai toujours détesté (sur le cd) le morceau de jazz-pop ambiant qui brise complètement la glace, c'est le cas de le dire! Certes, dans le film, il sort d'une radio, est un élément concret et fugitif appartenant à une scène précise où une jeune fille se repose sur son lit, mais, au sein de la musique dramatique, donc de la B.O. proprement dite, il dénote beaucoup trop. J'aurais préféré un morceau dans l'esprit de "La Cugina", avec ces fameuses réverbérations de bugle, qui aurait été, selon moi, un compromis bien plus malin. Il y a vingt ans, j'étais très exigeant, limite intransigeant. Puis j'ai fini, au fil du temps, par mettre un peu de jus d'orange dans ma vodka pour m'apercevoir qu'une musique même sucrée, ça restait de la musique. Tout cela est relativisé par notre goût et degré de tolérance respectifs. Ainsi, certains morceaux "faibles" ou "pervertis" peuvent avoir malgré tout quelque chose qui nous les rende au final acceptables ou attachants alors que d'autres vont nous irriter et gâcher l'écoute. La musique de cinéma est aussi pour moi un art ludique qui s'accommodent aisément des différents compromis ou perversions esthétiques, généralement liés aux films ou aux exigences du réalisateur - composer pour le cinéma, c'est l'art du compromis permanent! Une partition telle que Rollercoaster de Lalo Schifrin s'articule <à mes oreilles> très bien dans les limites de l'acceptable. Je ne pourrais concevoir l'écouter autrement qu'en entier: les thèmes du genre "forains" n'ont finalement rien de plus honteux qu'un lamento pour cordes archi-convenu et insipide.
Re: Ces partitions inégales...
Sur ce point, je suis par expérience méfiant du conseil puisqu'il me fut fait envers des bandes son qui contenaient une partie mélodique et une partie atonale, la partie mélodique étant forcément excellente et l'atonale fatalement affreuse, alors qu'il m'arriva souvent d'aimer les deux, voire même d'éprouver une préférence pour l'"affreuse".Taboulez a écrit :Question subsidiaire: lorsqu'on vous conseille une excellente partition au demeurant, tout en vous prévenant néanmoins qu'elle couve en son sein une certaine proportion de pistes affreuses, est-ce de nature à vous décourager, ou bien cela n'a-t-il aucune importance, ou si peu, dans le choix que vous ferez d'acquérir l'objet en question ?


- Patrick59
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Re: Ces partitions inégales...
S'il y a bien un 33t dont je ne regrette pas de m'être débarrassé, c'est bien "Le toboggan de la mort" de Lalo Schiffrin. J'ai vu le film à sa sortie et j'avais tendance à TOUT acheter du moment que cela sortait sur disque, sachant qu'en 77, en province, c'était la croix et la bannière pour dénicher un import.
C'est de la musique qui ne s'écoute pas ou mal sortie du film, et comme le film après une vision ne donne pas envie d'être revu.
Schiffrin en petite forme après Mission impossible et Mannix.
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Re: Ces partitions inégales...
Il y a une BO qui m'a toujours donné cette impression d'amas de musique informe dans lequel surnage du très bon : Higlander 3 de J. Peter Robinson.
Apparemment le score a été produit dans la précipitation et ça se sent énormément : thème pas vraiment indentifiable, beaucoup de synthés new age/pop/rock assez gâtés, de la world music arrangée de manière passe-partout (malgré la citation d'une mélodie de Loreena McKennitt). Et pourtant... Il y a des passages excellents au milieu d'un ensemble plutôt morose et mou du genou.

Dans la compile Highlander: The Original Scores, la piste Love Theme/Shrine Fight. A partir de 1'50, il y a un joli thème aux vents et percussions légères (le même thème est cité au début de la piste avec des synthés baveux et sirupeux). Et à 2'40: BAM! Un morceau d'action intriguant avec une rythmique syncopée (Goldsmith style!), un jeu intéressant avec les vents, des percussions qui claquent... même la prise de son semble complètement différente par rapport au début de la piste.
Même chose sur la piste Laundry Room/Quickening 2, à partir de 1'55, après deux minutes de synthés façon sorcière de série télé, BIM! un gros orchestre, des choeurs, un passage à la Herrmann et une montée orchestrale aussi brève que jouissive... ou encore mieux dans Final Battle : après quelques sons mystérieux, de la batterie et une guitare cheapos qui n'instaurent ni menace ni enjeu et BOUM! à 2'10 un feu d'artifice symphonique et choral, point d'orgue d'une partition qui, avant ça, ne propose jamais vraiment quelque chose qui nous y prépare.
Cette piste inspirera d'ailleurs de manière troublante Yoko Kanno pour Escaflowne (ici à 1'31 puis à 2'11) mais il s'agit très certainement déjà dans Highlander 3 du repiquage d'un morceau existant et que je n'ai pas identifié.
Apparemment le score a été produit dans la précipitation et ça se sent énormément : thème pas vraiment indentifiable, beaucoup de synthés new age/pop/rock assez gâtés, de la world music arrangée de manière passe-partout (malgré la citation d'une mélodie de Loreena McKennitt). Et pourtant... Il y a des passages excellents au milieu d'un ensemble plutôt morose et mou du genou.

Dans la compile Highlander: The Original Scores, la piste Love Theme/Shrine Fight. A partir de 1'50, il y a un joli thème aux vents et percussions légères (le même thème est cité au début de la piste avec des synthés baveux et sirupeux). Et à 2'40: BAM! Un morceau d'action intriguant avec une rythmique syncopée (Goldsmith style!), un jeu intéressant avec les vents, des percussions qui claquent... même la prise de son semble complètement différente par rapport au début de la piste.
Même chose sur la piste Laundry Room/Quickening 2, à partir de 1'55, après deux minutes de synthés façon sorcière de série télé, BIM! un gros orchestre, des choeurs, un passage à la Herrmann et une montée orchestrale aussi brève que jouissive... ou encore mieux dans Final Battle : après quelques sons mystérieux, de la batterie et une guitare cheapos qui n'instaurent ni menace ni enjeu et BOUM! à 2'10 un feu d'artifice symphonique et choral, point d'orgue d'une partition qui, avant ça, ne propose jamais vraiment quelque chose qui nous y prépare.
Cette piste inspirera d'ailleurs de manière troublante Yoko Kanno pour Escaflowne (ici à 1'31 puis à 2'11) mais il s'agit très certainement déjà dans Highlander 3 du repiquage d'un morceau existant et que je n'ai pas identifié.
![En écoute [cd]](./images/smilies/icon_cd.png)
Re: Ces partitions inégales...
C'est marrant, Rollercoaster est une de mes musiques préfèrée (intègralement ! ), tout comme le film que j'avais déjà beaucoup aimé lors de sa sortie en 1977 en "Sensurround" (vu il est vrai au Palais des Congrès de Lyon, salle gigantesque aujourd'hui disparu).
Peut être la nostalgie de cette époque...
Peut être la nostalgie de cette époque...
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- Man Without A Face
Re: Ces partitions inégales...
Tout pareil, sauf que je l'ai vu à ParisGizmo a écrit :C'est marrant, Rollercoaster est une de mes musiques préfèrée (intègralement ! ), tout comme le film que j'avais déjà beaucoup aimé lors de sa sortie en 1977 en "Sensurround" (vu il est vrai au Palais des Congrès de Lyon, salle gigantesque aujourd'hui disparu).
Peut être la nostalgie de cette époque...

ROLLERCOASTER est assez varié. D'une part, effectivement, de la musique de fête foraine (juste un peu indispensable compte tenu de l'histoire), 2 thèmes pour les personnages principaux (Harry/George Segal et le jeune homme/Timothy Bottoms), quelques passages de suspense et, pour finir, des morceaux tels "rollercoaster" ou "merry go round" qui sentent bon l'époque "disco".
Je pense que Lalo se faisait un peu plaisir à cette époque en sortant du cadre de la BO en ajoutant un thème "disco" et peut être par désir "commercial" du producteur. (AMITYVILLE HORROR, NUNZIO...)
2 albums "solo" de Lalo de cette époque: "Black Widow" (1976) et "towering toccata" (1977), - avec une version différente du titre "rollercoaster" - représentent bien cette période et semblent affirmer le gout de Lalo dans cette voie un peu "disco/dance" (je ne trouve pas le terme exact !) et ces albums sont juste fabuleux au passage...
On est loin de DIRTY HARRY, MI ou MANNIX... Mais les mid 70's étaient passées par là...
Re: Ces partitions inégales...
Cette musique n'a absolument rien de déshonorant, je la trouve encore très attachante aujourd'hui et je ne suis pas un nostalgique.Gizmo a écrit :C'est marrant, Rollercoaster est une de mes musiques préfèrée (intègralement ! ), tout comme le film que j'avais déjà beaucoup aimé lors de sa sortie en 1977 en "Sensurround" (vu il est vrai au Palais des Congrès de Lyon, salle gigantesque aujourd'hui disparu).
Peut être la nostalgie de cette époque...
