

Pour les jeunes pousses de la cinéphilie, le nom de Michael Gough se confond avec la geste de Batman, celle narée par Tim Burton aux couleurs de son extravagance gothique. Le comédien a gravé sur pellicule l'incarnation de référence d'Alfred Pennyworth, l'immuable majordome et bienveillant substitut paternel de Bruce Wayne. A tel enseigne que Michael Caine en assume l'héritage aujourd'hui chez Christopher Nolan. De son côté, l'acteur sut tirer parti de cette popularité tardive en prêtant la silhouette du serviteur dévoué à de lucratives campagnes publicitaires.
Mais nul doute que Tim Burton partageait avec des amateurs plus chenus d'avoir découvert Michael Gough en se plongeant avec délice dans la foisonnante production des grandes heures du cinéma d'horreur anglais, jalonnée des année cinquante à la décennie soixante-dix par les classiques du studio Hammer.





Car aux yeux de ces consommateurs invétérés de plaisirs coupables, il était avant tout l'une des icônes d'un genre en pleine effervescence. Quelques titres suffirent à l'ériger en interprète génial de productions dont la qualité pouvait s'avérer secondaire. Il y libérait une singularité où la distance ironique se mêlait à une arrogante étrangeté ; sous l'affectation stylée se dessinait une ombre inquiétante.
Né en Malaisie en 1916, Michael Gough a d'abord trempé son métier dans la tradition du théâtre britannique (l'Old Vic) avant de donner la réplique à Vivien Leigh dans Anna Karénine pour ses débuts au cinéma en 1948. La même année, il connaîtra un sort funeste des mains de Valérie Hobson et Stewart Granger dans le flamboyant mélodrame de Marc Allégret, Blanche Fury. En 1959, il fait ses premières armes dans le genre qui forgera sa réputation auprès d'un public d'enthousiastes ; le studio Hammer le recrute pour tenir le rôle d'Arthur Holmwood dans la nouvelle adaptation de Dracula que réalise Terence Fisher. Après ce coup d'éclat, le metteur en scène et l'acteur se retrouveront sous l'égide du même studio pour une version du Fantôme de l'Opéra.


Dés lors, Michael Gough imposera l'exagération calculée de son jeu dans une série d’œuvres mineures pour l'essentiel supervisées par le producteur Herman J. Cohen. Au sommet de cette filmographie trône Horrors of the Black Museum (1959), monument de vulgarité sordide dont l'efficacité crue ne s'assigne d'autre ambition que d'attiser chez le spectateur les émois les moins nobles. Gough y campe Edmund Bancroft, un écrivain qui perpètre des crimes sensationnels afin de pouvoir les relater dans la presse et de se constituer un musée noir digne de celui de Scotland Yard. L'acteur donne libre cours à un maniérisme exacerbé qui ne verse pas dans le médiocre cabotinage mais traduit au contraire une force de conviction au-delà de toute frilosité bienséante



Ce statut ambigu d'acteur culte ne doit pas faire oublier qu'outre Tim Burton, Michael Gough suscita l'intérêt de réalisateurs importants tels que Laurence Olivier, Michael Powell, Joseph Losey, Ken Russell, John Huston , Sydney Pollack et Martin Scorcese. Par ailleurs, ses obligations cinématographique ne lui interdirent pas de fréquenter assidûment les planches au service d'auteurs ayant pour nom Shakespeare, Ibsen, Sartre, Tchekov ou Pinter.
En dépit de ce prestigieux compagnonnage, c'est un petit film d'épouvante britannique qui rend le plus bel hommage à la présence si singulière du comédien. Dans The Legend of Hell House, Michael Gough n'apparaît qu'un moment – son nom ne figure même pas au générique, cadavre arrimé à un profond fauteuil, abrité par une crypte drapée de tentures pourpres. Cette simple image au terme du long-métrage, lui suffit pour personnifier les abîmes d'une insondable perversité.

Michael Gough s'est éteint à l'âge de 94 ans.
Quelques bandes-annonces bien senties:
Horror of Dracula
Horrors of The Black Museum
Konga
Une fin de carrière difficile pour Joan Crawford:
Trog
Du "camp" comme un grand art, Michael Gough dans le délirant Horror Hospital
L'acteur était aussi très actif sur le front télévisuel; il interprète ici le rôle du professeur Armstrong, l'inventeur des cybernautes, dans l'un des plus célèbres épisodes de Chapeau Melon et Bottes de Cuir:
The Cybernauts