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Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 17:55
par Full Moon
YuHirà a écrit :
sur la musique de Howard Shore, je me souviens de critiques sévères sur son opéra THE FLY. S'agit-il de la mentalité des critiques de musique classique qui se sentent obligés de démolir les compositeurs de cinéma, ou vraiment sa musique posait-elle problème en termes d’écriture ?
Les propos sur LOTR que je citais ont effectivement été tenus au sujet de l'opéra The Fly, qui avait forcément déçu parce que l'orchestration pas très élaborée couvrait la voix des chanteurs (ce qui sur un opéra est tout de même problématique). Et
ces propos ont été tenus par deux compositeurs de films béophiles dont le CV parle pour eux (cf. premier message et avant dernier message).
Sur LOTR, je comprends leurs arguments, qui ne sont pas dénués de fondements (je préférerais avoir la partition sous les yeux pour me prononcer définitivement), mais cela ne m'empêche pas de prendre beaucoup de plaisir à l'écoute de cette Trilogie et de trouver la musique tout à fait appropriée au film.
En ce qui concerne l'opéra La Mouche (que je n'ai pas vu), je me souviens aussi de ces critiques très sévères dans la presse. En revanche, je ne me souviens pas que les critiques se focalisaient sur le fait que Shore soit compositeur de film (sur Res Musica, Maxime disait avoir préféré la BOF

).
Il faut aussi être sacrément culotté pour toucher au genre de l'opéra au XXIe siècle. C'est poser sa tête sur un billot bien usé et fournir un arsenal de tranchants bien aiguisés. Je n'ai aucune idée de ce que peut être
the Fly, mais je suis certain qu'il était impossible de faire quoi que ce soit de satisfaisant pour un public informé à moins d'un chef-d'œuvre.
YuHirà a écrit :
Shore étant capable de subilité (c'est le moins qu'on puisse dire), notamment dans l'orchestration
J'aime l'approche de Shore sur beaucoup de films (Crash ou LOTR par exemple) mais - et ce n'est qu'un avis personnel - j'avoue trouver surprenant de l'associer au terme "orchestration subtile": à quelle BO fais-tu allusion?
VIeux souvenirs de la fin des années 80 et du début des années 90. Je suis en train de ressortir mes CDs des cartons, je vais réécouter tout cela... Peut-être l'embellissement du temps...
YuHirà a écrit :
C'est quand-même le nerf de la guerre la thématique, non?
C'est justement la question que je me posais plus haut. Pour moi, ce n'est pas plus important que d'autres aspects. Mais j'ai la sensation que chez les béophiles d'une certaine génération, c'est effectivement prédominant.
Pas forcément. C'est une condition peut-être nécessaire - beau débat, je suis d'accord - mais pas suffisante, c'est sûr.
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 17:59
par YuHirà
Il faut aussi être sacrément culotté pour toucher au genre de l'opéra au XXIe siècle. C'est poser sa tête sur un billot bien usé et fournir un arsenal de tranchants bien aiguisés.
Je ne peux qu’acquiescer à cette remarque, qui me semble tout à fait juste

Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 18:43
par Janus
YuHirà a écrit :Il faut aussi être sacrément culotté pour toucher au genre de l'opéra au XXIe siècle. C'est poser sa tête sur un billot bien usé et fournir un arsenal de tranchants bien aiguisés.
Je ne peux qu’acquiescer à cette remarque, qui me semble tout à fait juste

Mouais...Ecrire un opéra après tous les chefs d'oeuvre qui ont été écrits sur plusieurs siècles depuis Monteverdi, c'est de la folie! Ecrire une symphonie après tous les chefs d'oeuvre qui ont été composés sur plusieurs siècles depuis Haydn, c'est de la folie pure lorsque l'on voit tous les sommets atteints dans ce domaine. Ecrire un quatuor à cordes......Ecrire un concerto de piano....un requiem...une musique de ballet, de film.....Bon, être compositeur aujourd'hui, c'est sacrément culotté, de la folie!
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 19:15
par Full Moon
Janus a écrit : Mouais...Ecrire un opéra après tous les chefs d'oeuvre qui ont été écrits sur plusieurs siècles depuis Monteverdi, c'est de la folie! Ecrire une symphonie après tous les chefs d'oeuvre qui ont été composés sur plusieurs siècles depuis Haydn, c'est de la folie pure lorsque l'on voit tous les sommets atteints dans ce domaine. Ecrire un quatuor à cordes......Ecrire un concerto de piano....un requiem...une musique de ballet, de film.....Bon, être compositeur aujourd'hui, c'est sacrément culotté, de la folie!
Non, l'opéra c'est un genre
spécial, avec un public spécial.
Ce n'est pas pour rien que la musique de film a pu sembler être un eldorado dans le type "spectacle narratif" pour les compositeurs du début du XXe siècle.
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 19:27
par Janus
Pas faux, n'empêche qu'un certain nombre de compositeurs ont continué à composer des opéras...alors pourquoi pas Howard Shore? Si demain, Philippe Rombi et Christian Carion décidaient de tirer un opéra de Joyeux Noël, je trouverais la démarche courageuse mais totalement appropriée. Le sujet s'y prête d'ailleurs fortement.
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 19:47
par Dadid
Absolument. Il y a une demande d'opéras modernes, et beaucoup d'entre eux ont été bien reçus par les critiques (sinon le public, même si sa préférence va sans doute aux classiques du répertoire) ; évoquons ceux de Glass et surtout Adams mais aussi un spécimen pas totalement sans rapport avec The Fly (thématique et lien avec le cinéma) : Elephant Man de Petitgirard. Étrangement, la seule critique que j'ai lue sur The Fly (dans Classica) le dépréciait en fait pour un certain intellectualisme sec et ennuyeux, loin de tout côté spectaculaire "musique de film", donc plutôt loin du film de Cronenberg et de sa musique. de la même manière, l'hyper classicisme mélodique du Marius & Fanny de Cosma ont recueilli pas mal de suffrages... Comme quoi il n'est pas bon d'ennuyer les aficionados d'opéra !
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 19:49
par YuHirà
Pas faux, n'empêche qu'un certain nombre de compositeurs ont continué à composer des opéras...alors pourquoi pas Howard Shore? Si demain, Philippe Rombi et Christian Carion décidaient de tirer un opéra de Joyeux Noël, je trouverais la démarche courageuse mais totalement appropriée. Le sujet s'y prête d'ailleurs fortement.
Bien sûr!
Pour abonder dans le sens de Full Moon, le public de l'opéra est exigeant. Le genre ayant été supplanté par le cinéma et la comédie musicale, le grand public se rend rarement aux créations contemporaines et leur préfère les opéras classiques, ce qui fait que le succès des nouvelles œuvres lyriques est souvent d'estime, celles-ci rentrant rarement dans le répertoire une fois les quelques représentations terminées. Or contrairement à une symphonie, l'écriture d'un opéra s'étend sur plusieurs années (sans doute moins pour les adaptations de musique de film). Compte tenu du temps et de l'argent nécessaires pour monter l’œuvre, un compositeur, un librettiste et un commanditaire qui se lancent dans une telle aventure prennent en effet des risques!
Bon, être compositeur aujourd'hui, c'est sacrément culotté, de la folie!
Vu ce que ça rapporte, oui

Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 19:52
par Scorebob
Bah! je me suis bien farcis les opéras de Philip Glass... IL Y EN A DE BONS, mais c'est un peu répétitif.

Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 20:03
par Dadid
Sûr !

N'empêche que quelques-uns, peut-être plus ceux de John Adams d'ailleurs (qui en écrit plus régulièrement) sont joués régulièrement de par le monde... C'est marrant parce que le public d'opéra recherche plus ou moins la même chose que celui du cinéma, de l'émotion, de l'étonnement, du ravissement, de l'impact, un peu de réflexion éventuellement... bref, du spectacle avant tout. L'opéra fut un genre populaire, ces formes d'expression sont liées... Ne nous étonnons donc pas si le public boude certains opéras trop "difficiles", on ne va pas VOIR un opéra comme on va ECOUTER un concert mais plutôt comme on va voir une pièce de théâtre ou même un film.
Re: appauvrissement de la musique
Publié : sam. 4 août 2012 21:47
par Janus
Je suis peut-être un cas à part mais, il y a dix ans encore, peut-être moins, je n'aimais pas l'opéra, je n'étais pas du tout attiré par le genre opératique - aujourd'hui, je sais qu'il n'y avait aucune raison valable qui pouvait justifier cette bouderie - et c'est une oeuvre contemporaine qui a été le déclic: LA NOCHE TRISTE de JEAN PRODROMIDES, ni plus ni moins! J'en ai adoré le récit et la musique moderne qui l'illumine. Bien sûr, il est moins chantant que ceux de Verdi, moins épique que ceux, interminables, de Wagner, mais j'ai adoré. Suite à ce coup de coeur, j'ai eu une fringale d'opéras! J'ai ensuite découvert et aimé GOYA du même compositeur et maintenant j'ai une bien meilleure connaissance et addiction de l'opéra contemporain que classique. J'ai eu la larme à l'oeil avec UN TRAMWAY NOMME DESIR d'ANDRE PREVIN et conseille l'écoute de MARCO POLO de TAN DUN. Superbe!
Re: Appauvrissement de la musique
Publié : lun. 24 sept. 2012 02:05
par YuHirà
Pour faire court, il y a deux mouvements opposés qui ont marqué l'histoire de la musique: un appauvrissement sur le plan contrapuntique après Bach (apogée), puis une complexification croissante du matériel harmonique (de Bach jusqu'aux "upper-structures" du jazz)
Je remonte ce sujet pour apporter un petit addendum à ce que j'avais écrit. Je suis en effet tombé sur ce petit paragraphe dans Wikipédia qui à mon sens apporte un autre point de vue au débat.
Le trait le plus frappant du langage harmonique classique est son économie de moyens. Alors que la période baroque a vu naître une harmonie riche et complexe, les compositeurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle simplifient progressivement leur palette d'accords et de degrés, jusqu'à n'utiliser quasiment plus que des accords parfaits de dominante, de tonique et de sous-dominante, parfois aussi de sixte augmentée, ainsi que l'accord de septième de dominante. Cet appauvrissement est compensé par une multiplication des emprunts et des modulations locales. On assiste parallèlement à une raréfaction des marches harmoniques, plus souvent modulantes et moins longues que dans la musique baroque.
La période classique dont il est question ici est dominée par deux grandes figures... Mozart et Beethoven. Soit deux compositeurs considérés comme parmi les plus importants de notre histoire.
Autrement, dit le style galant adopté par Mozart serait le résultat d'une restriction du matériel harmonique et contrapuntique, en réaction à la complexité de la musique baroque (comme l'a été au XXe siècle la "nouvelle musique" ou musique postmoderne par rapport au sérialisme intégral).
Re: Appauvrissement de la musique
Publié : lun. 24 sept. 2012 10:26
par Austin Powers
La période classique dont il est question ici est dominée par deux grandes figures... Mozart et Beethoven
Euh ,Beethoven, c'est plutôt le courant romantique si je ne m'abuse.
Re: Appauvrissement de la musique
Publié : lun. 24 sept. 2012 10:29
par Austin Powers
Après vérification, c'en est même le fondateur
Re: Appauvrissement de la musique
Publié : lun. 24 sept. 2012 11:08
par YuHirà
Beethoven est toujours présenté comme l'un des derniers représentants du classicisme.
Mais il est vrai qu'il a permis peu à peu de faire la jonction avec les débuts du romantisme: son œuvre acquiert progressivement des accents pré-romantiques qui annoncent le courant à venir (Schubert, qui a vécu à peu près en même temps est quant à lui de plein pied dans le pré-romantisme).
De là à dire qu'il est un compositeur romantique ou qu'il en est le fondateur, je ne serais pas aussi catégorique pour ma part!