Pacific Rim (Guillermo Del Toro)

[Lee Van Cleef]

Chiotte...

[Full Moon]

Del Toro est de ces cinéastes qui peuvent faire des films sur l'enfance et des films depuis l'enfance, et c'est le cas de son génreux Pacific Rim, que j'ai adoré de bout en bout. Film généreux qui tient toutes ses promesses, à la fois blockbuster et oeuvre fragile, vrai film choral, emmené par la mise en scène si fluide de Del Toro, qui n'a rien perdu de sa musicalité, et qui m'a même fait aimer le score de Ramin D., que j'écoute en tapant du pied et en sautillant à la maison. Mine de rien, aussi, un film complètement à contre courant: l'esthétique dont se réclame Del Toro fascinait il y a 30 ans (c'est celle de Metal Hurlant, pas des blockbusters gris metallisés post-Matrix), et des personnages tous sur un pied d'égalité, comme on n'en voit guère que dans le cinéma de hong-Kong. Un film précieux, pour un réalisateur extraordinairement attachant.

Parfaitement d'accord, sur tout et particulièrement sur la générosité. J'ai apprécié certains blockbusters récent comme Iron Man 3 Mais il y a dans Pacific Rim quelque chose de spécial qui fait qu'on prend un plaisir qui renvoie à l'enfance d'une façon unique. J'aurais du mal à dire quand j'ai ressenti cela pour la dernière fois, et c'est bien le seul film récent pour lequel je puisse dire que j'achèterai le BR le jour de sa sortie - la moindre de ses qualités n'étant pas le fait de m'avoir fait apprécier les qualités de Djawadi

[Full Moon]

Bobby Boy, tu viens de sauver la mise au vieux Van Cleef ! Mais ôte-moi ce doute planté dans mes chairs (presque) mortes comme une écharde empoisonnée : dans ladite version japonaise, est-ce qu'au moins les grosses masses virtuelles filmées par Del Toro ont été remplacées par nos bons vieux types suant sang et eau dans des costumes de cent kilos ?

Je marque ici un désaccord profond, cher Lee. Si nos amis nippons ont inondé les écrans de costumes en latex plus ou moins grossiers pendant des décennies, c'était avant tout par manque de moyens, et les derniers tokus que j'ai pu entrevoir abusent d'effets numériques tout aussi cheap que ces tenues dont tu loues les qualités amaigrissantes. Reprocher à Del Toro d'avoir tiré parti de son budget n'est pas très fair play. Si tu revoyais le film en gommant sincèrement les a priori que tu avais déjà exposés en amont, peut-être ressentirais-tu comme-moi ces battements de cœur juvéniles et cette euphorie rare en contemplant la bataille homérique de Hong Kong. Je le dis d'autant plus volontiers que la bande annonce initiale m'avait consterné et que je m'étais dit que nous subirions un TF de plus. Pour le fan des jouets Takara que je suis, Bay avait trahi l'esprit initial des Transformers. Del Toro, lui, paie la dette aux géniteurs asiatiques avec panache et c'est une très bonne chose.

[Lee Van Cleef]

Je marque ici un désaccord profond, cher Lee. Si nos amis nippons ont inondé les écrans de costumes en latex plus ou moins grossiers pendant des décennies, c'était avant tout par manque de moyens, et les derniers tokus que j'ai pu entrevoir abusent d'effets numériques tout aussi cheap que ces tenues dont tu loues les qualités amaigrissantes. Reprocher à Del Toro d'avoir tiré parti de son budget n'est pas très fair play.

En 1954, alors que le projet Godzilla était sur les rails, la question de la représentation du monstre accaparait évidemment tous les cerveaux de la Toho. Inoshiro Honda et Eiji tsuburaya, le maître des effets spéciaux nippons, envisagèrent sérieusement l'emploi de la stop-motion (encore à la pointe de la technologie, en ce temps-là) avant de lui préférer, faute de moyens, de temps et de spécialistes rompus à l'exercice, le costume assez rudimentaire que nous connaissons tous. Impondérables et compromis en cascade ont ainsi présidé à la naissance du kaiju eiga, qui s'est toujours rêvé plus gigantesque qu'il ne l'était en réalité. Mais à force d'être réitérées film après film, ces scories ont fini par devenir un atout capital dans son étrange pouvoir de séduction, tout comme le cinéma de Hong Kong tient dans sa confection de bric et de broc l'un des traits saillants de son identité.

En bref, je vois un peu le kaiju eiga comme un numéro de funambulisme sans filet. L'exercice est éminemment périlleux, et le ridicule, tout prêt à sanctionner le moindre faux pas, s'est abattu sur des tombereaux de films. Pourtant, ce défi a priori immature, lancé des dizaines de fois à la face du bon goût, a permis aux meilleurs titres du genre de tendre vers une forme de poésie pure, préservée des lazzis et des ravages du second degré kitsch. C'est cela, la nature profonde du kaiju eiga, son essence même, qui le différencie du reste de la production mondiale du film de grosse bestiole. Et finalement, qu'importe les qualités (réelles) et les défauts (multiples) de Pacific Rim : en effectuant le choix ô combien prévisible d'abandonner le "cousu main" pour laisser le champ libre aux infographistes tout-puissants, le père Guillermo s'est totalement fourvoyé dans "l'hommage" qu'il entendait rendre. Il peut claironner le contraire autant qu'il voudra, son rejeton n'est pas plus un kaiju eiga que le King Kong de Cooper et Schoedsack ou Godzilla revu et lapidé par Roland Emmerich.

[Full Moon]

En bref, je vois un peu le kaiju eiga comme un numéro de funambulisme sans filet. L'exercice est éminemment périlleux, et le ridicule, tout prêt à sanctionner le moindre faux pas, s'est abattu sur des tombereaux de films. Pourtant, ce défi a priori immature, lancé des dizaines de fois à la face du bon goût, a permis aux meilleurs titres du genre de tendre vers une forme de poésie pure, préservée des lazzis et des ravages du second degré kitsch. C'est cela, la nature profonde du kaiju eiga, son essence même, qui le différencie du reste de la production mondiale du film de grosse bestiole. Et finalement, qu'importe les qualités (réelles) et les défauts (multiples) de Pacific Rim : en effectuant le choix ô combien prévisible d'abandonner le "cousu main" pour laisser le champ libre aux infographistes tout-puissants, le père Guillermo s'est totalement fourvoyé dans "l'hommage" qu'il entendait rendre. Il peut claironner le contraire autant qu'il voudra, son rejeton n'est pas plus un kaiju eiga que le King Kong de Cooper et Schoedsack ou Godzilla revu et lapidé par Roland Emmerich.

Entièrement d'accord avec la grande majorité de ce que tu écris mais je continue à trouver l'hommage de Del Toro sincère et réussi. Sur l'absence du "cousu main" et la frustration par rapport aux images que l'on aurait pu avoir, je comprends parfaitement ton point de vue. Pacific Rim est loin d'être un chef d'œuvre, mais pour du produit hollywoodien de cuvée 2012, c'est un petit miracle, ne serait-ce que parce que l'écueil du kaiju eiga bêtement régurgité à la sauce US est évité.
(Je suis moins enthousiaste à l'idée d'un second volet, Hellboy 2 m'ayant beaucoup déçu)