Stringer Bell a écrit :Janus a écrit :Je défends Frantic, il est vrai
Franchement, Janus ton avis m'a intrigué. Pour moi les choses étaient entendues je trouvais le thème sympa mais c'était pour moi un Morricone un peu poussif.
Comme quand même quelques scores où tu comprends qu'il pensait plutôt à ses compositions perso et pas trop au cinéma, le maestro.
Et je reconnais qu'en le réécoutant ( enfin j'ai le cd d'avant ) la musique passe bien mieux que dans mon souvenir. Plutôt tendu et assez accrocheur je reconnais que c'est franchement mieux que ce que j'en avais retenu. Et du coup c'est un peu les Morricone de cette période que je réécoute en me demandant si j'avais pas un peu vite passé ça à la trappe ...
Même si il faut reconnaître depuis des rééditions récentes dantesques ( Moïse, Days of Heaven, Signoria Dalle Camelie ) un Ennio qui se foule pas c'est quand même au-dessus de pas mal d'autres ça ne sauve pas tout ...
Là par exemple je me réécoute le thème poissard de Rampage. J'ai du mal avec toute la BO mais c'est vrai que le thème installe un climat parfait pour le film de Friedkin ...
Tu sais, Stringer Bell, Je ne sais pas quel compositeur classique disait que, pour lui, la "vraie" musique c'est celle qui ne se livre pas complètement dès la première écoute...Morricone a surtout été réputé pour ses thèmes lyriques,
extravertis et souvent accrocheurs qui saisissent immédiatement...Ceux qui ont aimé ce musicien l'on aimé et l'aime encore pour cette raison. Alors lorsqu'il compose des partitions comme The Thing, Mani Sporche, Rampage ou Wolf qui s'avèrent plus cérébrales,
introverties,moins faciles d'accès, les mêmes auditeurs sont déboussolés parce qu'ils se retrouvent sans repères. Ce n'est pas ce qu'ils espèrent de Morricone. Les gens attendent toujours que les compositeurs se renouvellent et lorsqu'ils se renouvellent véritablement, ils sont très souvent déçus parce qu'ils ne retrouvent plus ce qu'ils aimaient. Personnellement, j'ai toujours été sensible au versant intellectuel de sa musique, depuis le début et j'aime beaucoup sa musique de concert et j'écoute par ailleurs beaucoup de musiques contemporaines parfois très sombres et atonales de beaucoup de compositeurs contemporains du monde entier, alors des compositions comme Rampage et Une Pure Formalité, par exemple, ne me posent aucun problème. Au contraire, c'est là que je trouve justement que Morricone ne fait pas dans la facilité du tout et donne le meilleur de lui-même. Je t'invite à écouter le thème d'ouverture d'Une pure formalité, d'en écouter attentivement la structure, les orchestrations, les accords, les jeux du violon solo, d'en mesurer l'intensité, la virtuosité. Je t'invite à écouter La Lupa et Pasolini, un délitto italiano , toutes composées dans les années 90.
Stringer Bell a écrit :quand même quelques scores où tu comprends qu'il pensait plutôt à ses compositions perso et pas trop au cinéma, le maestro.
Ca, c'est une réalité qui prend ses racines dans les années 80 où il avait même envisagé d'arrêter le cinéma, dans la période de Sahara, je crois. Je pense qu'à un moment donné tout grand compositeur de formation et d'ambition classique qui compose pour le cinéma se retrouve face à lui-même et se demande si tout ça en vaut vraiment la peine, surtout quand il est entouré d'amis musiciens et compositeurs qui lui disent et redisent qu'il gaspille son talent pour le cinéma alors qu'il pourrait écrire des opéras, des concertos, des oratorios, de la musique de chambre, etc... Il lui avait été même reproché d'être trop tonal ou trop mélodique et lui de répondre que sur un film comme "Cinéma Paradiso" ou "Ils vont tous bien", il ne pouvait quand même pas pondre une partition atonale ou sérielle qui aurait plombé les films. De toute manière, les réalisateurs ne l'auraient pas accepté. Alfred Schnittke qui n'avait pourtant composé qu'une soixantaine de B.O. en avait fait les frais . Je ne sais plus quel chef d'orchestre et ami lui avait reproché d'avoir perdu son temps avec le cinéma alors qu'il aurait pu composer plus de symphonies! Il me semble que Jerry Goldsmith souffrait d'avoir si peu composé pour le concert et d'être si peu reconnu comme musicien sérieux. On pourrait aussi se référer aux témoignages respectifs d'Antoine Duhamel et Pierre Jansen qui reconnaissent toutefois qu'un compositeur ne devrait pas se cantonner à n'écrire que pour le cinéma. Bruno Coulais s'était exprimé sur ce point. Sans doute, les choses évoluent-elles dans le bon sens, mais les compositeurs de la génération de Morricone et Delerue, surtout en Europe, ont forcément été minés à un moment ou un autre par cette "pression" de musicien pas sérieux qui inévitablement va les placer momentanément dans LE DOUTE...Il suffit d'écouter certains propos de Pierre Boulez, ils sont édifiants mais en Italie c'était pareil et en Allemagne aussi. Il ne faut pas oublier que Morricone fut élève de Goffredo Petrassi qui voyait d'un très mauvais oeil que son élève en composition le plus brillant s'adonne à la musique de film pour lequel il entretenait une méfiance totale, bien que lui-même en a composé quelques-unes dont Riz Amer.