A Bout Portant

[Lee Van Cleef]

Avouons-le sans ambages, le second film de Fred Cavayé, à propos duquel certains font toute une fichue montagne, m'a pas mal laissé sur ma faim. Sans vouloir contester son efficacité brute (la poursuite dans le métro est un chouette morceau de bravoure), le menu d'A Bout Portant reste trop léger pour qu'on puisse le canoniser avec un tel enthousiasme. Soit, la mise en scène est carrée et ne s'encombre d'aucune afféterie chichiteuse, ce qui ne l'empêche hélas pas de souffrir d'un manque flagrant d'inventivité, à l'image d'un Scope dont l'emploi frôle l'anecdotique. Dans sa volonté frénétique de toujours foncer pied au plancher, le script, pour sa part, n'est pas non plus épargné. Passe encore qu'un simple shoot d'adrénaline suffise à ressusciter un Roschdy Zem moribond, mais j'ai vraiment du mal à avaler qu'un commissariat bondé de flics puisse servir de repaire à des ripoux qui s'y promènent avec leurs otages en toute quiétude, ou que les deux types les plus recherchés de l'Hexagone arpentent de long en large les couloirs de l'édifice sans (presque) jamais attirer l'attention.

Même constat mi-figue mi-raisin au sujet du casting, fertile en gueules cassées qui font plaisir à voir mais se bornent bien souvent à traverser l'écran tels des fantômes, à commencer par un Gérard Lanvin charismatique mais terriblement sous-exploité. Quant à Gilles Lellouche, il remporte haut la main le défi physique imposé par son personnage mais gâche le tableau par d'horripilants roulements d'yeux, réaction générique face à la peur ou la colère. Bref, tout ça pour dire qu'A Bout Portant lorgne davantage du côté de n'importe quel épisode de 24 au hasard, avec juste un brin de maîtrise et d'émotion en plus, que du Henri Verneuil des grands jours ou d'haletantes séries noires du type Un Témoin dans la Ville d'Edouard Molinaro. Le polar de l'année, dites-vous ? En ce qui me concerne, c'est sans hésitation que je miserais mes billes sur le Bad Lieutenant de Herzog, Brooklyn's Finest et The Town, des clients autrement plus sérieux, si vous voulez mon avis.

[Bmcready]

Entièrement d'accord avec toi, Lee !
C'est efficace, relativement carré, mais truffé d'invraisemblance. Côté casting, je sauverai Roschdy ZEM qui impose une belle présence à l'écran.
Quand au score de Klaus BADELT, il est anecdotique (malgré un cahier des charges respecté niveau efficacité)..... dans la ligné des travaux récents de Harry GREGSON-WILLIAMS (The Taking of Pelham 123, Unstoppable,...).
Interloqué de découvrir aussi - lors des crédits musique en générique de fin - que le score a été enregistré en Chine (!!!) avec le Beijing Symphony Orchestra (?!?!)

[Emissary]

[Scorebob]

Interloqué de découvrir aussi - lors des crédits musique en générique de fin - que le score a été enregistré en Chine (!!!) avec le Beijing Symphony Orchestra (?!?!) [/quote]


c'est beaucoup moins cher que le LONDON PHILHARMONIC ORCHESTRA

[Lee Van Cleef]

Comme je plains les infortunés musiciens chinois ! C'est à peine si j'ose imaginer à quel point ils ont dû se liquéfier d'ennui en interprétant la tambouille sans saveur du père Klaus.

[Wyatt Earp]

Pour une fois qu'on a un bon film d'action en France... Enfin bref.

[Lee Van Cleef]

C'est justement là que réside le noeud du problème, marshal. Le film d'action étant ce qu'il est dans notre verdoyant pays, c'est-à-dire un genre pestiféré, voir soudain débarquer une réussite même modeste comme A Bout Portant relève carrément de l'événementiel. D'où un débordement d'enthousiasme bien compréhensible chez la plupart des défenseurs de la fragile cause du cinéma de genre français, qui les pousse toutefois à jeter un voile opaque sur les défauts bien réels du métrage pour mieux porter au pinacle ses qualités (elles aussi réelles). Et voilà comment une fort honorable et divertissante série B (pas plus, pas moins, gentlemen) se retrouve pratiquement intronisée classique incontournable du polar moderne. Il y aurait de quoi être un peu gêné aux entournures, quand même.

[Pierrebrrr]

je ne vois pas bien qui aurait intronisé A Bout Portant classique du polar moderne...

[Lee Van Cleef]

Fais-moi confiance, Pierrot, mon petit tour d'horizon du Net m'a amené à découvrir une pléthore d'articles incroyablement élogieux (et je ne parle pas de ces innombrables blogs amateurs, où ne sévissent que des internautes aux références cinématographiques plutôt malingres), dont les auteurs semblent avoir accueilli A Bout Portant tel le Messie. Et je n'oublie pas Impact, le petit frère testostéroné de Mad Movies ! Quand, dans les colonnes des avis chiffrés, Alexandre Poncet et Wyatt lui-même désignent la bête comme le polar/film d'action de l'année, c'est, il me semble, une manière à peine détournée d'en faire un véritable classique, non ? Ou alors, je n'y comprends plus rien.

[Wyatt Earp]

Cite-moi un polar plus excitant cette année ?

[Sam Lowry]

Hop, je m'immisce dans les débats : The Ghost Writer peut-être (même s'il n'est pas parfait)...
Bon, en même temps, je n'ai pas vu A Bout Pourtant ........ .

[Wyatt Earp]

The Ghost Writer n'est pas un film d'action ni un polar, plutôt un thriller à la Mary Higgins Clark...

[Lancelot]

Plutôt que THE GHOST WRITER j'aurais cité soit THE TOWN, soit THE NEXT THREE DAYS...

[Wyatt Earp]

Là je suis plus d'accord, en particulier pour The Next Three Days, qui d'ailleurs est un remake du précédent film de Fred Cavayé. Je le trouve aussi réussi, dans son genre, que Pour Elle.

[Lee Van Cleef]

Cite-moi un polar plus excitant cette année ?

Okay, Wyatt, je récapitule : Bad Lieutenant, Brooklyn's Finest et The Town, soit des polars de haute volée, autrement plus denses et passionnants qu'A Bout Portant. Mais peut-être pensais-tu à des films plus mouvementés et riches en adrénaline ? Une catégorie dans laquelle, effectivement, les trois thrillers sus-mentionnés n'ont pas grand-chose à fiche (encore qu'il ne faudrait pas négliger l'impressionnant morceau de guerilla urbaine shooté par Ben Affleck, qui invoque avec maestria les fameux gunfights en pleine rue de Michael Mann et Kirk Wong). Et là, force est de constater que le cinéma d'action hollywoodien, qui a pourtant connu cette année une appréciable recrudescence, est loin d'avoir fait des étincelles. Le trop attendu The Expendables, The A-Team, Knight & Day, Machette et j'en oublie... Aucun de ces titres n'a vraiment su remplir son contrat en termes de rythme trépidant et de folles cascades.

Ô ! inconcevable surprise, le (relatif) salut est bel et bien venu de l'honorable France, pas vraiment la patrie du blockbuster pyrotechnique, comme chacun sait. Sauf que je ne fais pas référence à cette chouette petite série B qu'est A Bout Portant mais plutôt au musclé, violent et totalement stupide From Paris With Love. Alors que Fred Cavayé s'efforce comme il peut de faire acte de réalisme, Pierre Morel, à l'autre bout du spectre, donne ouvertement dans l'épate systématique. Le script est certes bigrement allégé en matière grise, et ça n'est pas encore cette fois que John Woo va trouver son égal stylistique, mais je trouve l'ensemble pétaradant, techniquement pas honteux du tout et, à sa manière, plus divertissant qu'A Bout Portant.

[Wyatt Earp]

J'aime bien From Paris With Love. C'est tellement outré que ça en devient jouissif.
A Bout portant sera pourtant haut placé dans mon Top Impact de 2010...mais pas devant Brooklyn's Finest ni The Town, étant très fan de Fuqua et d'Affleck en général.