Le vieux Van Cleef aura lutté de toutes ses acariâtres ressources contre la modernité, impossible de lui retirer ça. Sa résistance en tous points héroïque n'acheva de se désagréger qu'en 2007, date à laquelle il procéda à l'achat visqueux de circonspection de son premier ordinateur. Déjà, la musique de film endossait le rôle de vertueux cicérone : c'est par le somptueux digest tiré d'un Beowulf qui se faisait encore attendre dans les salles, et conduit par Silvestri en personne au festival de Soncinemad, que je pris conscience des cyclopéens champs des possibles contenus dans l'étroitesse de mon écran. La suite immédiate fut placée sous le signe de Seiji Yokoyama, dont, à l'époque, je redécouvrais avec les délices de Capoue les formidables Saint Seiya.
Ma stupeur se révéla colossale en tombant par hasard sur un site intégralement dédié au compositeur, et loin de se cantonner aux seuls chevaliers du Zodiaque. À ce labeur herculéen, truffé d'affriolants extraits audios, succéda plusieurs années après la création du concept album Ragen Blue, façonné sur le modèle des dramas japonais et mis en musique (hélas sans véritable relief) par Yokoyama himself, suivi il y a peu de l'éloquemment nommé World of Seiji Yokoyama : Serenade — toutes sortes de viennoiseries charnues qui valent aujourd'hui à leur auteur, Gérald Ory, connu jadis si mes souvenirs sont dignes de foi sous le pseudonyme balourd de Mégagegg, la ceinture incrustée d'or et d'améthystes de fan ultime autant qu'absolu du sensei.
Mais revenons à cette Serenade fraîche émoulue. De toute évidence, Ory dut réduire sa tirelire en morceaux pour être en mesure de s'offrir les services du Budapest Symphony Orchestra, quoique mon oreille aux aguets soit encline à penser que ladite formation n'était pas réunie au complet. À l'affiche de cette ambitieuse recréation, Saint Seiya ainsi qu'il fut subodoré, trustant la moitié du track-listing, et plusieurs morceaux écrits par Yokoyama alors que sa carrière et sa vie s'acheminaient vers leur terme. Ces derniers, d'obédience chambriste, laissent s'épanouir tels de délicats pétales une adorable séduction, rappelant si nécessaire que feu Seiji excellait dans moult registres, et pas seulement pour donner libre cours à une furia symphonico-rock. Plus expressive se découvre évidemment la partie consacrée aux nobles hérauts d'Athéna, servie aux petits oignons par une interprétation qu'aucun noeud papillon trop guindé n'étrangle. En revanche, l'active présence d'une chorale, des plus estimables au demeurant, ne s'est pas complétée d'une cantatrice à même de suppléer aux prodiges haut perchés de la divine Kazuko Kawashima. Très clairement, pareille absence se fait ressentir, au point qu'il y aurait lieu de se demander s'il n'eût pas mieux valu écarter du sommaire les quelques passages incluant les mélopées fameuses, gravées au fer dans la mémoire des zélateurs de Saint Seiya. N'empêche, l'initiative en forme d'hommage posthume à un superbe compositeur conquiert aisément l'âme, et le résultat, vraiment pas en reste, électrise à plus d'une reprise.
Seiji Yokoyama
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Re: Seiji Yokoyama
Entre le Grand Orchestre Symphonique de Suresnes, dont Yokoyama s'octroya au prix d'on ne sait trop quelles tractations les fastueux services, et la modeste formation qui interpréta initialement les musiques de Choriki Sentai Ohranger, s'ouvre un fossé que même un saut convulsif de cabri serait infichu de combler. Pour autant, la plupart des thuriféraires du compositeur ont beau avouer une préférence gourmande envers l'enregistrement de grande classe sous l'égide du chef Roger Berthier, l'original n'en exhale pas moins son charme bien à lui, auquel je viens de goûter avec un nombre conséquent de métros de retard. C'est, notamment, un petit régal que de redécouvrir les thèmes caméléons du sensei Seiji, passant par un fort appréciable spectre d'émotions et enclenchant les vitesses sans coup férir, tandis que le bassiste, comme souvent dans les univers bariolés que chérissait notre preux compositeur, s'en donne à cœur joie et doigts déliés. Les quelques vocalises modulées par Kazuko Kawashima, l'emblématique muse de Yokoyama, ressemblent en revanche ici à un passage obligé, de ceux dont on s'acquitte cahin-caha, l'enthousiasme en deuil et la tête ailleurs.
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Re: Seiji Yokoyama
Merci, Lee, pour cette création de topic, ce compositeur immense méritait qu'on lui en dédie un. Personnellement, je ne connais pas grand chose de lui à part Saint Seiya, mais cela va être pour moi l'occasion d'aller plus loin.
Re: Seiji Yokoyama
Gérald Ory a récemment sorti un autre double CD (ou LP) intitulé Shônen symphony, en partie consacré à Seiji Yokoyama avec Saint Seiya, mais on y trouve aussi un peu de Dragon Ball, Naruto, Space Cobra, One Piece ou encore Kimetsu no Yaiba (Demon Slayer)...
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Re: Seiji Yokoyama
Disons plutôt, afin que la vérité ne s'estime point froissée dans son honneur, que je me suis décidé à tirer ce germe de topic du sommeil cryogénique où il s'étiolait depuis deux ans et quelques brouettes. Paresse carabinée, négligence parentale, je-m'en-fichisme à s'en mortifier de honte, difficile de savoir quel sentiment de bas étage incriminer. Aujourd'hui, enfin, j'y remédie, confondu mais empli d'ardeur. Prochaine redécouverte sur la liste, les excellents Sangokushi, qu'on pourrait, selon mes souvenirs, décrire comme la rencontre entre Saint Seiya et tout le folklore diapré de l'ancestrale Chine des légendes.Denshaotoko a écrit : ↑lun. 21 avr. 2025 11:11 Merci, Lee, pour cette création de topic, ce compositeur immense méritait qu'on lui en dédie un.
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Re: Seiji Yokoyama
Voici ce qu'il ne faut éprouver nulle crainte à qualifier de monument ; un si formidable summum du wu xia, l'univers chamarré de la chevalerie chinoise, que ses bondissants héros, au lieu de restreindre leurs prouesses aux frontières pourtant loin d'être exiguës de l'Empire du Milieu, investirent sabre au clair le reste de l'Extrême-Orient. À commencer par le voisin japonais, fort lui aussi d'une immémoriale tradition d'épéistes invincibles et pleins de bravoure, qui ne pouvait ainsi que succomber à l'héroïque panache qu'a à revendre le mythe des Trois Royaumes. Décliné sur les écrans petits autant que grands, le dessin animé Sangokushi apporta au début des années 90 son humble pierre à l'édifice cyclopéen, pour un résultat sur lequel je ne vois guère l'utilité de m'appesantir, n'en ayant eu vent que de réputation. Tout bénef' pour Seiji Yokoyama, qui gagne à cette méconnaissance la totalité de mes louanges ! Je n'avais plus accosté la bête depuis une paye, mais son thème principal n'a, entretemps, pas perdu la moindre miette de sa beauté solaire. Sans réinventer la roue le moins du monde (l'erhu, superstar incontestée de l'exotisme chinois, est bien entendu de la partie), il épouse les nobles idéaux des guerriers épris de vertu et peint avec l'adresse du calligraphe le cadre montueux où s'épanouissent les épopées légendaires. Ce musc de fresque, même les trépidations modernes dans l'ostensible continuité de Saint Seiya et les boîtes à rythme toujours d'aplomb ne sont en mesure de l'édulcorer.