Comment accompagner un film muet ?

[Janus]

Merci pour l'adresse du forum. Je l'avais déjà visité une ou deux fois mais ne me suis pas encore inscrit!

Si des fois le coeur t'en dit, tu peux toujours t'inscrire, tu seras le bien venu. C'est un forum orienté surtout entre la période classique et romantique que j'ai largement contribué à "contemporaniser" si j'ose dire, ce qui fait de moi un sacré défenseur de la musique atonale même si ma position peut paraître parfois controversée. Quelques autres rares amateurs de "contemporain", avant moi, ont essayé de défendre leurs idées mais ils ont tous fini par claquer la porte, souvent brutalement. Je ne les ai pas connus car je suis arrivé après. Bizarrement, bien qu'ayant ardemment défendu les différentes esthétiques de la musique contemporaine en ces lieux, et cela malgré des débats parfois chauds et passionnés, je n'ai pas claqué la porte. J'ai tenu bon face à l'adversité, comme François Hollande, seul contre tous. Faute que mes goûts et convictions fussent partagés, ils furent acceptés, peut-être parce que j'ai su les défendre sans dogmatisme ni condescendance. Je suis le petit mélomane aux goûts bizarres qui a trouvé sa place au milieu de fans de Beethoven, Mozart, Schubert, Verdi, Haydn . Il y a aussi un baroqueux qui se sent parfois un peu seul lui aussi mais nous avons un point commun et non des moindres: nous adorons tous les deux J. S. Bach!

[Scorebob]

Comment accompagner un film muet ? Avec un chien d'aveugle!

[Janus]

Il serait sans doute de bon ton d'abandonner ce hors-sujet auquel j'ai largement contribué et de rebondir sur le thème du forum. Je propose un entretien avec Baudime Jam qui s'exprime sur son travail de compositeur et d'interprète pour le cinéma muet.

[Nameless1138]

Comment accompagner un film muet ? Avec un chien d'aveugle!

[Mortimer]

Il serait sans doute de bon ton d'abandonner ce hors-sujet

Oui parce que là ça part un peu dans tous les sens.
Sans parler de messages tellement pointus auquel je n’y comprend absolument rien. Et je ne dois pas être le seul. Ce n’est pas un reproche mais tout ça me déconcerte et ne me donne aucune envie de débattre.
Ca devient trop intellectuel pour moi

[Scorebob]

Que le baratin sur la musique concrète te déconcertes n'a rien d'étonnant
Comme pour l'art content pour rien le discours y est souvent plus fourni que l' oeuvre, et j'en ai entendu des inepties incompréhensibles sur des trucs mégamoches.

[YuHirà]

Que le baratin sur la musique concrète

Musique sérielle tu veux dire?

[Taboulez]

Que le baratin sur la musique concrète te déconcertes n'a rien d'étonnant
Comme pour l'art content pour rien le discours y est souvent plus fourni que l' oeuvre, et j'en ai entendu des inepties incompréhensibles sur des trucs mégamoches.

Ton intervention donne un peu l'impression d'avoir eu cette discussion pour rien .
Ce que tu décris, c'est ce qui est arrivé dans les domaines (du moins dans certains domaines) relatifs à la peinture et la sculpture contemporaine, devenus tellement simpl(ist)es -et dérisoires- dans la forme qu'il fallait accompagner l'objet d'une explication, puisque de toute évidence la chose ne se suffisait pas à elle-même.

Dans la musique c'est tout l'inverse: à de rares exceptions (souvent des étudiants fumistes qui n'iront pas bien loin de toute évidence) c'est le résultat qui compte, le résultat strictement... Surtout chez les compositeurs majeurs, qui ouvragent si minutieusement leurs partitions, tout à l'inverse de certains peintres escrocs que l'on a tous en tête.

À partir du XXème siècle (mais sans doute déjà avant en vérité) il se déroule incontestablement un divorce dans les chemins diamétralement opposés que vont emprunter les arts plastiques d'un côté, et la musique de l'autre, c'est manifeste Grossièrement: d'un côté le laxisme, de l'autre l'exigence. On ne peut pas évoquer le sujet de la musique avec les arguments de ce que l'on reproche aux arts plastiques, c'est un non-sens, un oxymore.

[Scorebob]

non, c'est juste une boutade.

[Janus]

J'ai lu la lettre de Dusapin (...) Il y a beaucoup de mépris, comme si tout ceux qui n'aiment pas la musique atonale sont en fait des ignares qui n'ont pas la connaissance nécessaire pour apprécier le "génie" de ce genre de composition.

Un petit point que j'avais omis de soulever: je ne vois pas, Sam, à quel moment dans la lettre, Pascal Dusapin prétend ni même sous-entend que ceux qui n'aiment pas la musique atonale sont des ignares qui n'ont pas la connaissance nécessaire...Ca c'est l'argument simpliste du crétin et Dusapin est tout sauf un crétin. J'ai personnellement participé - et pas uniquement en virtuel - à des discussions parfois nourries avec des gens qui entretiennent une certaine hostilité plus précisément envers la musique sérielle et qui malgré tout ont une très bonne connaissance des différentes esthétiques de la création contemporaine. Jamais je ne me serais permis de les traiter d'ignorants ni même de sectaires parce que là c'est tomber dans le piège de la condescendance et sûrement pas la meilleure façon de susciter leur curiosité. Le mieux que j'ai eu à faire fut de les diriger sur des oeuvres sérielles qui me plaisent ou qui sont conseillées par des ouvrages spécialisés afin qu'ils ne soient pas limités par mon seul avis. Je conseille souvent Alban Berg, dans un premier temps, puis Edison Denisov parce qu'ils sont d'après moi - c'est un avis purement personnel - les deux compositeurs qui ont su le mieux transcender l'expression sérielle. Je conseille souvent le Concerto de Jean Barraqué et quelques pièces courtes de Pierre Boulez, puis des oeuvres de compositeurs moins connus comme Jacques Lenot. J'ai généralement privilégié les oeuvres orchestrales alors que, dans mon cas très particulier, j'ai découvert et (relativement) apprécié l'expression sérielle au travers de formations de chambre telles que le trio, le quintette ou encore le sextuor à cordes et sans savoir à l'époque de quoi il s'agissait...j'étais jeune et sûr d'acheter un disque entièrement tonal et mélodieux. Mais, dans mon approche de la musique, je fus pendant longtemps un amateur qui privilégiait la formation de chambre. Je pris davantage goût à la grande formation symphonique, à la symphonie de Mozart à Mahler (et au-delà), après seulement 30 ans environ.. Je ne prétendrais pas avoir converti grand monde au sérialisme mais il est déjà arrivé que quelqu'un suive mon conseil et ait plutôt bien réagi à certains des titres que je lui avais conseillés. Ca fait toujours plaisir. Concernant la musique sérielle - j'ai bien précisé sérielle, pas atonale - les reproches qui réapparaissent le plus souvent sont << aride, austère, contraignante, étouffante et surtout rigide et rébarbative >>. Ce sont des ressentis, bien sûr qu'il m'est arrivé moi-même de vivre avec un bon nombre d'oeuvres sérielles, mais il est toujours intéressant de savoir ce qui avait pu les rebuter et de connaître la nature de leur impression, fut-elle négative. Ils ont au moins le mérite d'avoir écouté et de pouvoir se fier à leur propre expérience, non à des à-priori ou à des idées toutes faites.

[TomB]

J'ai pas trouvé d'autre topic à propos de la mise en musique de film muet, mais il me semble que c'est un pan à part entière de la musique de film, et qu'il y a plein de belles choses à partager. Malheureusement rarement éditées...

Quelques mises en musiques de muets que j'avais trouvées très bonnes :

- Celle, sublime, pour les Moineaux (William Beaudine, 1926) par Jeffrey Silverman. Un extrait.

- Celle, toutes en ambiances, pour Les Mains d'Orlac (Wiene, 1924) par Paul Mercer. Un extrait.

- Celle composée pour L’Enfer blanc du Piz Palü (Pabst/Franck, 1929) par Ashley Irwin en 1998 (version du DVD Kino).Un extrait.

- Quelques beaux moments dans le score composé pour La Chair et le Diable (Clarence Brown, 1926) par Carl Davis. Un extrait.

- Queqlues autres exemples ici de scènes de muet où ça fonctionne pas mal.

Je trouve que c'est un exercice incroyablement dur, qui pose en fait toutes les questions de ce qu'est une bonne musique de film : quelque chose qui ne doit ni illustrer, ni commenter, mais qui doit fonctionner de manière complémentaire, danser avec les images. Généralement, je finis par regarder les muet sans le son, tant la plupart du temps la musique en détruit et écrase les subtilité tonales, le rythme interne, la pulsation... C'est pas forcément le cas des exemples donnés ici, mais mes meilleures expériences de musiques composées pour le muet (souvent en salles) sont celles où la musique avait une sorte d'humilité, s'amputait de quelque chose (pas forcément en se simplifiant ou en se résumant au piano, mais en cherchant des moyens de ne pas se présenter comme un truc écrasant le film de son commentaire).

[Mortimer]

On en parle au gré des sorties comme ce récent Phantom Of The Opera de Craig Safan dont peu d'échos sont arrivés ici pour le moment.
J'avoue avoir un faible pour les musiques de Carl Davis dont on trouve quelques titres sur CD chez son propre label
En France Music Box nous a livré ce bon CD de Claude Bolling. Titre assez vite épuisé !

[TomB]

On en parle au gré des sorties comme ce récent Phantom Of The Opera de Craig Safan dont peu d'échos sans arrivés ici pour le moment.

Ha parfait, j'ai pas encore vu le film, j'essaierai de le choper avec cette version !

Je viens de me lancer Intolérance de Davis du coup (présent sur Spotify, truc inespéré), ça rend en effet très bien. J'ai bizarrement aucun souvenir de la musique devant le film (mais si l'album est bien de 2019, j'ai du le voir avec une autre musique, ou avec aucune). Pour le coup, les passages constants d'une époque à l'autre doivent permettre plein de choses, un coté narratif dans les transitions, si c'est bien géré.

Les musiques sur films burlesques comme le Bolling je trouve ça compliqué, c'est très difficile de pas en rajouter trois couches. Le seul cas de franche réussite que j'avais vu à ce sujet c'était avec un petit orchestre live, ce qui apportait assez de vie pour ne pas trop alourdir l'image.

[Mortimer]

Pour certains films il existe plusieurs musiques. Rien que ce Phantom Of The Opera , compte à ce jour plusieurs musiques différentes. Toutes n'existent pas sur support et j'ignore si ça se trouve ailleurs.

[TomB]

Bah pour tout dire je suis déjà vachement impressionné que toutes ces versions aient bénéficié d'une verison CD (celles listées dans ton lien). Je pensais que ça n'arrivait quasiment jamais pour ce genre de compos.

[Lee Van Cleef]

J'avais jeté une oreille aux extraits de la version sortie chez Intrada et la musique semble être enregistrée avec un petit ensemble de musiciens augmenté de synthétiseurs... J'avoue que ce que j'en ai entendu ne m'a pas donné envie de passer à l'achat. La version "concert" interprétée par un orchestre complet demeure apparemment inédite.

Au départ c'est une commande de "Marina Del Rey Symphony" (ou Culver City Symphony Orchestra). Et l'édition Intrada est rejouée par le "Mile End Symphony". Visiblement un orchestre au rabais d’où l'utilisation de synthés sur pas mal de passages. Je le dit clairement ça fait mal aux oreilles par moment. Et c'est dommage car avec un orchestre complet la musique aurait plus d'impact et de gueule.

Ça débutait pourtant pas mal, avec ce thème ne manquant pas d'une certaine puissance et derrière lequel il nous semble voir affleurer l'ombre tant crainte de l'hôte des bas-fonds. Mais déjà, quelque chose nous chiffonne, dans l'utilisation hautement superfétatoire de synthés freluquets qui paraissent chahuter à plaisir la modestie de l'orchestre. Et quand, un instant plus tard, commence au sein de l'Opéra Garnier jouant à guichet fermé un ample ballet... Honnêtement, j'aurais préféré en cet instant me coltiner même une trente-douze millième reprise du Lac des Cygnes que ces bredouillis Bontempi, dont on s'étonne presque qu'ils n'aient pas entrainé, à l'écran, huées homériques et jets d'agrumes putrescents de la part des nobles spectateurs furieux de l'arnaque. Bref, va falloir s'accrocher si je compte suivre jusqu'à son terme cette "safanerie" fagotée un peu n'importe comment... Ou plutôt non ! Mieux vaudrait arrêter dès à présent les frais — et rêver à l'opulence de la version "concert", condamnée, fort probablement, à demeurer aussi éthérée et intangible que le Fantôme lui-même.

[Julien]

Mon bon Lee, peut-être que cette curiosité (interprétée par un véritable orchestre) sera plus à ton goût :



C'est un Ciné-Concert "mystique" pour orchestre et gamelan qui aura lieu au théâtre du musée du quai Branly.

Le film est assez récent mais il est intégralement muet. Je n'ai trouvé aucune véritable critique donc je ne sais pas trop ce que ça vaut mais ça a l'air intrigant. La partition musicale est signée conjointement par l'australien Iain Grandage et l'indonésien Rahayu Suppangah. Deux compositeurs assez obscurs que même Janus ne connait pas.

Le pitch :

Prenant pour décor l'Indonésie coloniale, la pièce raconte l'histoire du villageois Setio, qui scelle un pacte avec Setan, âme torturée dont le pouvoir lui permet d'épouser la riche Asih.

[Lee Van Cleef]

La partition musicale est signée conjointement par l'australien Iain Grandage et l'indonésien Rahayu Suppangah. Deux compositeurs assez obscurs que même Janus ne connait pas.

Plus pour très longtemps ! En ce moment même, notre auguste camarade compulse fiévreusement ses archives afin de combler l'inqualifiable blanc :