Janus a écrit :D'autres compositions pour le cinéma de Leonard Rosenman m'ont conquis: l'une d'elle s'intitule Keeper of the City. Le film du même nom qui fut réalisé par un certain Bobby Roth, un réalisateur dont je n'ai jamais entendu parler, a l'air d'être une sorte de polar. La particularité de la musique, c'est qu'elle insère dans un style symphonique tendu et urbain un choeur de chambre constitué de quatre voix féminines, apportant une note religieuse dans le superbe thème principal et une dimension plus étrange dans les passages les plus climatiques. J'y aime aussi beaucoup l'usage des cuivres.
Janus a écrit : Je ne connais pas encore ce qu'il a composé sur Robocop II, c'est surtout Alien7 qui, par son commentaire, m'a mis l'eau à la bouche.
Entièrement d'accord avec la valeur de ce compositeur dont les scores furent trop rares, même si (pour ma part) ma préférence va décidement vers "The fantastic voyage" (même si je n'ai pas écouté son "Hellfighters", ni son "Beneath the planet of the Apes" - La faute à des éditions devenues rares et trop chères), car la patte expérimentale est ici poussée à son degré extrême (davantage que son "The cobweb"). L'aspect mélodique de Rosenman est aussi plus qu'appréciable, mais le seul reproche que j'ai à émettre, c'est que les thèmes sont souvent interchangeables ("The lord of the rings" avec "Star Trek IV", et "Robocop 2" avec "Keeper of the city"). Le "Robocop 2" est un score certes court, comme l'est celui de "Keeper of the city", mais tous les deux contiennent des passages exaltants, et (au passage) si tu apprécies le "Keeper of the city", le "Robocop 2" est strictement dans la même veine.
Voilà un disque intrigant dont le programme de bric et de broc flirte avec le joyeux fourre-tout, source d'autant de captivantes découvertes musicales (l'oublié Sybil, Alexander the Great qui porte en lui les germes de quelques-uns des classiques futurs de Rosenman) que de déceptions balafrées par un goût de trop-peu. Comme le veut le style du compositeur, tout le monde n'y trouvera pas son compte. Mais ses apôtres convaincus, s'ils n'ont pas encore fait l'acquisition de cette anthologie, seraient bien avisés d'y remédier séance tenante.
Alcibiade a écrit :Entièrement d'accord avec la valeur de ce compositeur dont les scores furent trop rares, même si (pour ma part) ma préférence va décidement vers "The fantastic voyage" (même si je n'ai pas écouté son "Hellfighters", ni son "Beneath the planet of the Apes" - La faute à des éditions devenues rares et trop chères), car la patte expérimentale est ici poussée à son degré extrême (davantage que son "The cobweb").
Comme je l'ai écrit dans l'introduction, c'est un compositeur qui m'intéresse beaucoup mais que je ne connais pas aussi bien que je le souhaiterais; c'est d'ailleurs ce qui a motivé l'ouverture de ce topic. J'ai écouté quelques extraits sur youtube, provenant de Combat!, Prophecy, Star Trek IV, Hellfighters et The Fantastic voyage, mais c'est ce que j'ai entendu de The Fantastic voyage qui a le mieux attisé ma curiosité. J'aimerais biensûr écouter davantage de chacun de ces titres pour m'en faire une idée plus précise, tout comme j'aimerais découvrir quelques oeuvres de concert aussi qui représente une facette non négligeable de son corpus. Ceci étant dit, la partition qui me touche le plus par sa dimension poétique et sa grande singularité demeure Un Homme nommé Cheval. Ce dont j'ai pris conscience aussi, c'est que, d'un point de vue plus global, il a un style, une "personnalité" musicale, qui me touche. Parmi les compositeurs qui occupent mes étagères, il y a deux catégories, ceux qui m'intéressent par le biais d'oeuvres bien précises mais dont le style ne m'interpelle pas particulièrement, et ceux qui me fascinent déjà par leur style propre: une manière de faire résonner un piano, d'utiliser les cordes, de faire gronder les cuivres ou de les élever, un type d'écriture, d'orchestration, etc...Rosenman, au-delà de quelques oeuvres-phare, c'est une forte personnalité musicale qui m'aimante.
Lee Van Cleef a écrit :Voilà un disque intrigant dont le programme de bric et de broc flirte avec le joyeux fourre-tout, source d'autant de captivantes découvertes musicales (l'oublié Sybil, Alexander the Great qui porte en lui les germes de quelques-uns des classiques futurs de Rosenman) que de déceptions balafrées par un goût de trop-peu. Comme le veut le style du compositeur, tout le monde n'y trouvera pas son compte. Mais ses apôtres convaincus, s'ils n'ont pas encore fait l'acquisition de cette anthologie, seraient bien avisés d'y remédier séance tenante.
Janus a écrit : Ceci étant dit, la partition qui me touche le plus par sa dimension poétique et sa grande singularité demeure Un Homme nommé Cheval. Ce dont j'ai pris conscience aussi, c'est que, d'un point de vue plus global, il a un style, une "personnalité" musicale, qui me touche. Parmi les compositeurs qui occupent mes étagères, il y a deux catégories, ceux qui m'intéressent par le biais d'oeuvres bien précises mais dont le style ne m'interpelle pas particulièrement, et ceux qui me fascinent déjà par leur style propre: une manière de faire résonner un piano, d'utiliser les cordes, de faire gronder les cuivres ou de les élever, un type d'écriture, d'orchestration, etc...Rosenman, au-delà de quelques oeuvres-phare, c'est une forte personnalité musicale qui m'aimante.
Il est une chose extrêmement précieuse, c'est lorsque, sans trop savoir pourquoi, quelques notes d'un compositeur ou quelques images d'un réalisateur nous orientent vers nous-mêmes, et que l'on s'y retrouve. Cela s'appelle littéralement l'adhésion, ou plus vulgairement "le coup de foudre". Les notes agencées peuvent certes être objectivement dites désagréables comme les images déroulées peuvent être décemment dites pénibles voire intolérables (comme dans du Visconti, ou du Cronenberg), mais c'est la cohérence d'ensemble, la signature d'un auteur qui produit le beau esthétique (et non le beau sensible) et dans lequel on ne peut que se reconnaître lorsqu'on recherche une émotion désintéressée. Inutile de dire que Rosenman n'est pas un compositeur "facile" (un peu à la manière de Bishara ou de David Julyan à leur manière), mais il y a une trame réellement classique ("post-moderniste") et incorporée chez lui et ceci paradoxalement au service de l'image (comme Elliot Goldenthal ou son mentor John Corigliano) que l'on se demande parfois comment certains réalisateurs ont pu prendre le risque de miser sur lui (sauf pour illustrer des séquences schizoïdes ou psychédéliques comme dans "Un homme nommé cheval", "The cobweb" ou encore pour transposer la fureur juvénile d'un James Dean). A ce titre évidemment, les supports cinématographiques que sont "The lord of the rings", "Star trek IV", "Robocop 2" (et encore ! Le film est véritablement schizophrène lorsqu'on y repense) et "Keeper of the city" semblent relever de l'exception c'est-à-dire semblent bien inoffensifs du point de vue des images et n'exigeaient en rien un tel compositeur dévoué à sa propre cause (même si ce n'est pas ce que Rosenman a pu faire de plus personnel - sauf le miracle de "The lord of the rings", mais il faut dire que l'essai en rotoscopie de Bakshi est royalement malade aussi). Je comprends par contre parfaitement en quoi "The cobweb" et "The fantastic voyage" ont pu épanouir une identité comme celle de Rosenman. Parmi les dix scores (seulement !) dont je dispose de Rosenman, le seul qui m'ait réellement déçu est "The prophecy" et ceci en raison de ses couleurs locales rustiques ; un score que je trouve moins personnel que les autres (avec peut-être "Star trek IV" et encore !). Une telle intégrité artistique explique d'ailleurs pourquoi Rosenman (et Corigliano ou Goldenthal) n'a pu officier généreusement comme "compositeurs de films" ; cela n'est généralement guère compatible avec des images récréatives.
Alcibiade a écrit :l'on se demande parfois comment certains réalisateurs ont pu prendre le risque de miser sur lui
ça peut paraitre étonnant surtout pour Star Trek IV, mais c'est peut-être la volonté de Leonard Nimoy (il faudrait vérifier dans le livret du CD intégral, que je n'ai pas). Et puis les producteurs résonnent souvent avec des techniques simples :
Si l'on considère que :
Star Trek = Science Fiction
Science Fiction = univers bizarres
Rosenman = musique avec des sons bizarres
On arrive facilement à : Rosenman = Star Trek !
D'autant qu'avec Fantastic Voyage, il avait connu un grand succès en SF. Mais bon, pour Star Trek, Rosenman a laissé de côté toute expérimentation, ce n'était pas le même genre de film et ce n'était plus la même époque. D'ailleurs les BO de la série originale flirtaient beaucoup plus avec l'étrange que ce que nous a ensuite donné un James Horner très classique (= post Star Wars)... Au passage, Goldsmith (pour le premier film) était encore à cheval entre les deux époques, je trouve...
Voilà un disque intrigant dont le programme de bric et de broc flirte avec le joyeux fourre-tout, source d'autant de captivantes découvertes musicales (l'oublié Sybil, Alexander the Great qui porte en lui les germes de quelques-uns des classiques futurs de Rosenman) que de déceptions balafrées par un goût de trop-peu. Comme le veut le style du compositeur, tout le monde n'y trouvera pas son compte. Mais ses apôtres convaincus, s'ils n'ont pas encore fait l'acquisition de cette anthologie, seraient bien avisés d'y remédier séance tenante.
Sybil est effectivement très intéressant. C'est une des partitions de Rosenman que je préfère. A partir d'une mélodie enfantine innocente, Rosenman superpose une musique sinistre et dissonante, ce qui a pour effet de créer un contraste étonnant. Dans l'esprit ça ressemble un peu à ce qu'avait fait Schifrin avec Amytiville, quelques années après. Et le téléfilm est même assez ambitieux pour une production tv. L'interprétation de Sally Field, qui interprète une jeune fille atteinte de troubles de la personnalité est remarquable. Par contre la musique présente sur le cd est assez incomplète, mais c'est déjà mieux que rien.
Tiens, tu tombes bien! Julien, toi dont les oreilles traînent partout, même dans les lieux les plus inaccessibles et improbables, aurais-tu eu cette chance quasi-miraculeuse d'écouter une de ses nombreuses oeuvres de concert?
Julien a écrit :Ah ben non justement. J'avais essayé de dégotter sa "Symphony of dinosaurs", qui m'avait l'air d'être intrigante mais c'est apparemment introuvable !
C'est fort dommage! J'aurais bien aimé aussi découvrir son Concerto pour saxophone ou, mieux encore, celui pour piano et bois, histoire d'écouter une oeuvre de lui sans les cuivres.
DarkCat a écrit :Waldinou, je rebondissais juste sur ton "conpositeur". Pas plus...
oops
BRAINSTORM main title (James Horner) http://www.youtube.com/watch?v=HMj_80T6cyg
Film composer great Elmer Bernstein (Magnificent Seven, To Kill A Mockingbird) once said to me, “The dirty little secret is that we’re not musicians – we’re dramatists.”(Michael E Levine)
J'ai revu ROBOCOP 2 hier, je suis toujours aussi dubitatif quant à la qualité du film (la première partie fonctionne à peu près mais la seconde est juste nulle...Kershner n'est vraiment pas Verhoeven, aucun doute là dessus !). Concernant le score de Rosenman, il manque effectivement une bonne demi heure de musique. Parmi les passages inédits les plus intéressants, il y a les nombreuses fanfares classiques que le compositeur a du écrire pour le film, outre la "Robo Fanfare" qu'on entend sur l'album (pour la présentation de Robocop 2 vers la fin du film au milieu de la maquette du New Detroit), et il y a surtout les développements du motif de 4 notes associé à Robo 2 dans le film, que l'on entend 1 seul fois sur le CD dans la piste "Robo I vs Robo 2", ce qui est assez ennuyeux étant donné l'importance de ce motif durant le dernier acte du film. Toute la longue confrontation entre les 2 robots à la fin du film se résume d'ailleurs à cette unique piste sur le Varèse, alors qu'il manque tous les morceaux entendus avant. Autre passage-clé manquant : la fusillade dans l'entrepôt et la mort de Hob (peut être l'une des pires scènes du film : quelle idée de mettre un gamin de 12 ans en tant que chef d'un gang ??? Même pour un film de 1990, c'est juste super nul !), super morceau malheureusement absent du CD. J'espère maintenant que ROBOCOP 2 fera partie des prochains CD Club de Varèse !
Concernant le contenu de l'album, hormis le "Robocop Overture" qui présente le thème principal kitschissime dans son intégralité (et qui donne un côté volontairement ridicule à Robocop : je ne sais pas si c'était une idée de la production ou du compositeur, mais c'est vraiment très étrange...), j'adore "Creating the Monster" : on y ressent tout le génie de Rosenman pour les harmonies atonales/polytonales du XXe siècle, les accords pryamidaux, et surtout ces voix féminines entêtantes et hypnotisantes, qui apportent un vrai plus à la partition, évoquant aussi bien les souvenirs humains de Murphy que ceux de Cain au moment où l'équipe médicale charcute son visage et retire son cerveau - la scène, bien que fortement suggérée, reste quand même bien gore et assez crado...j'ai toujours été étonné du côté totalement gratuit de la scène où le médecin se ballade avec le visage vidé et entièrement sectionné de Cain dans ses mains : ça servait pas à grand chose à part mettre du gore gratuit, et en plus, on voit clairement que c'est un accessoire en plastoc ! Je pense que Kershner a voulu faire un truc style "Frankenstein" version futuriste, c'est d'ailleurs probablement l'une des scènes les plus mémorables du film, en plus d'être la plus outrancière.
Et je confirme ce qui a été dit au dessus : KEEPER OF THE CITY est exactement dans la même veine. Ce fut l'occasion pour Rosenman de prolonger son approche sur ROBOCOP 2 dans cette série-B policière modeste et franchement molle, dans laquelle un tueur secoue une ville en abattant systématiquement des parrains de la mafia.
Je suis entrain d'écouter sur Youtube et j'aime beaucoup. Même le thème au lyrisme un peu "grotesque" avec ses "Robocop", d'une vulgarité qui me semble (étrangement?) pertinente, me plait bien; probablement son côté décalé et fantaisiste, comme s"il y avait une forme de moquerie, de dérision, et pourquoi pas d'auto-dérision. Aussi kitschissime qu'il puisse être, il est superbement bien construit et porteur d'une idée thématique solidement charpentée. Franchement, ce "mauvais goût" parfaitement assumé m'a séduit et si au cinéma on ne peut se permettre cette fantaisie ou ce sens du "grotesque", où peut-on le faire, je me le demande. Je n'ai pas vu le film et ne suis pas sûr d'avoir envie de le voir, mais la première chose qui me frappe pendant l'écoute, c'est justement le caractère ludique de cette musique. Alors certes, elle se crispe par moment, répond aux impératifs visuels de l'intrigue, mais même dans l'extrait qui suit le thème principal et invite avec art des éléments jazzy, il y a là-aussi une forme d'ironie qui se glisse dans la "chair" symphonique et dramatique du morceau. Il s'intitule "City Mayhem". A ce moment-là, j'aime beaucoup l'ambiguité qui en émane. Ensuite, il est vrai que la musique finit par perdre cette ambiguité stylistique entre ironie et gravité, légèreté et rudesse, "sérieux" et "pas sérieux", pour se soumettre à une phase définitivement encrée dans le suspens et l'action avec de brefs interludes plus doux où, par exemple, une flûte solo va instaurer un soupçon d'apaisement bien précaire: une courte fanfare surgira enfin de nulle-part. J'avoue qu'au fur et à mesure que j'avance dans la B.O. qui, ici, s'étale sur une trentaine de minutes, cette ambiguité me manque un peu. Le compositeur développe tout son savoir-faire dans une routine rigoureuse et parfaitement huilée. J'aurais aimé qu'elle revienne me faire un dernier clin d'oeil, sur le final. Peut-être est-elle trop en décalage avec le film, je ne sais pas...mais, pour le coup, c'est dans cette partie-là que ce ROBOCOP II de Rosenman m'a finalement le plus intéressé.
Si je reste aussi convaincu que le score de Robocop 2 est une partition qui mérite largement le détour (et qui figure parmi les plus accessibles de Rosenman, et ceci sans trahir outre mesure son style), je conserverai toujours inchangée la conviction que le film d'Irvin Kershner (qui est plus qu'un simple "bon faiseur" : "Les yeux de Laura Mars" quand même, et bien évidemment "L'empire contre attaque" !) vaut davantage qu'un simple regard diagonal ; ayant vu ce film plusieurs fois et le considérant toujours comme étant un sommet de violence "psychologique" (et je maintiens ce côté "psychologique", car il ne s'agit pas ici de détruire pour détruire : les personnages anéantis et qui anéantissent ont tous un vécu propre que l'on peut comprendre et s'ils ne peuvent s'empêcher de violer allégrement la loi et de nier les droits d'autrui, c'est que leur passé est trop lourd, trop pesant, trop traumatique, comme "Cain", comme le gosse "Rob", comme la pute accro "Angie", etc. pour leur permettre un quelconque salut - sauf dans et par la mort) qui use de toutes les ficelles de l'attendrissement pour pervertir les codes du genre. Encore une fois, rarement un film n'a été aussi loin dans la décrépitude des valeurs et dans le nihilisme d'une théorie du déterminisme social rendant dérisoire toute croyance en un libre arbitre (la pauvreté comme cause essentielle de criminalité avec comme seuls moyens de survie la dépendance amoureuse et la drogue nuke). L'entrevue entre Murphy "conditionné" pour ne plus ressentir aucun sentiment et sa femme révèle justement en quoi les nécessités de la société peuvent avoir raison de toute humanité. Pour tout cela, je me permets ce renvoi à un topic ancien dont je me rappelle encore le propos. http://www.underscores.fr/forum/viewtop ... op#p135122
Le film est effectivement hyper nihiliste et va loin dans l'évocation de la déchéance sociale et humaine, y compris dans la violence psychologique (on a rarement vu une grosse production hollywoodienne montrer la mort d'un gosse de manière aussi brutale). Je trouve juste que le film est totalement bancal, car ces thèmes qui sont abordés dans la première partie (l'humain dans la machine, l'ambiguïté de la relation entre Murphy et sa femme, les médias américains satiriques et totalement cyniques, le conglomérat capitaliste qui cherche à faire main basse sur la ville et ses habitants pour leur plus grand profit, etc.) sont totalement abandonnés dans la seconde au profit d'un défouloir barbare complètement nul. Il manque à Kershner ce truc que Verhoeven avait su trouver, un juste équilibre entre l'humour noir, la satire sociale et la violence brute façon comic book U.S. ROBOCOP 2 essaie de refaire tout ça mais en moins bien et avec un certain mauvais goût. J'avoue avoir été rarement gêné par un film comme ROBOCOP 2 : la séquence où Cain force le gamin à regarder le policier corrompu se faire ouvrir le ventre est assez atroce niveau violence psychologique...En plus, autant je trouvais le film de Verhoeven très drôle avec des répliques cultes assez connes ("j'en prendrai pour un dollar !", "va te faire huiler !"), autant le film de Kershner ne me fait absolument pas rire.
C'est d'autant plus dommage que le film aborde pourtant des thèmes forts : niveau cynisme, un plan est tout à fait représentatif, celui où le grand chef enjambe le cadavre d'un civil à la fin du film sans s'en soucier, ou, comment après un carnage incroyable au pied du building, les dirigeants de l'OCP ne trouvent rien de mieux que de se soucier des retombées financières de la catastrophe ou des menaces de procès qui leur pendent au nez (on pourrait aussi parler de la municipalité de Detroit qui doit avoir recours à un téléthon télévisé pour renflouer les caisses de la ville, ou qui se retrouve obligé à négocier avec des trafiquants de drogue pour sauver la ville !). Mais tout ça, j'ai envie de dire, ça ne m'impressionne pas, car pour moi, ce n'est qu'une resucée des thèmes du premier film, en moins bien. Il manque cet humour noir qui se transforme ici en bêtes gags absurdes et complètement décalés avec la violence psychologique et physique du film (Robocop qui tire sur un type qui fume, Robocop qui fait la morale à des gamins qui tabassent un vieux commerçant, Robocop qui empêche les enfants de gaspiller l'eau dans la rue, etc.). D'un autre côté, c'est ce décalage qui est intéressant, mais à mon avis pas assez maîtrisé pour en faire un bon film et trop brouillon en l'état (le problème vient avant tout du scénario : je trouvais d'ailleurs l'intrigue originale de Frank Miller bien plus intéressante que ce qu'ils en ont fait dans le film !). Il faudrait voir aussi avec les quelques scènes coupées, qui apportaient des détails intéressants, notamment sur Murphy et le mysticisme de Cain et des adorateurs du Nuke.
Du coup, j'en viens à la musique et à ce que disait Janus un peu plus haut, mais il y a effectivement ce décalage dans la musique de Rosenman, y compris dans "City Mayhem" : le passage jazzy qui fait brusquement irruption dans un contexte atonal et torturé correspond au moment où deux prostituées tabassent dans la rue un voleur qui se fait à son tour dérober son larcin : les deux femmes s'empressent d'ailleurs de ramener le butin pour "payer" leur père (on voit déjà le thème de la décrépitude sociale et individuelle du film se dessiner dans ces premières scènes, qui figurent parmi les plus réussies du film !). La raison pour laquelle cet humour noir absurde disparaît par la suite vient avant tout de 2 raisons : l'absence de nombreux passages du score (il manque une demi heure comme je disais plus haut), et l'assombrissement du film qui devient trop sérieux sur la fin et rate le coche, obligeant Rosenman a suivre l'action pure et dure dans sa partition, qui s'axe essentiellement sur le motif de Robocop et celui de 4 notes de Robo II (motif qui fait très "monster movie" un peu caricatural, genre thème à la Godzilla). On peut reprocher à Rosenman de ne pas avoir pris le film au sérieux, mais c'est ce qui fait tout l'intérêt du score, qui s'avère au final très sombre et immersif - "Creating the Monster" est de loin le morceau le plus impressionnant du score, avec la chorale féminine flottante qui semble surgir d'un autre monde - Et si la seconde partie semble elle aussi plus inégale, la faute en incombe essentiellement au film et au séquençage incomplet du Varèse, d'où la nécessité d'une intégrale !
Leonard Rosenman à l'honneur chez Caldera Records avec la musique du film Ambition. Film de 1991de Scott Goldstein, avec Lou Diamond Phillips.
Le CD est dispo chez Music Box
Plus on est nombreux à penser la même chose,
moins il vient à l'idée qu'on pourrait tous avoir tort.
Pourquoi tant de dédain, toutes ces années durant, à l'encontre de la musique de RoboCop 2 ? Immanquablement enduits de goudron et asphyxiés de plumes, non sans raison faut-il bien dire, les mythiques "RoboCoooooooop !" braillés à poumons débordants de vigueur par des cantatrices zélées ne peuvent à eux seuls tout expliquer. La deluxe edition pas franchement messianique que vient de sortir Varese parviendra-t-elle à corriger ce qui s'apparente, n'ayons pas peur des mots, gentlemen, à une révoltante injustice ? Le menu, dont on ne peut qu'admirer la richesse, ne saurait être incriminé au cas où cette noble mission de sauvetage échouerait. Tout au plus lui adresserait-on le même reproche qu'à l'ancien album : pourquoi, après qu'il fut bien fallacieusement retitré Overture, avoir laissé le formidable End Credits inaugurer les festivités ? Rosenman, pourtant, ne l'imaginait que dans le rôle d'une éblouissante coda, où le nouveau thème du flic d'acier déployait tout entiers des apparats sur lesquels la partition, d'un bout à l'autre du film, laisse choir des rais d'ombre savamment sculptés. Mais ce n'est là que dispensable ronchonnerie au regard du spectaculaire précipité qu'incarne RoboCop 2 de l'art de Rosenman, froid comme la pierre (ou comme le métal, en l'occurrence) et violemment organique dans le même temps. Le roi Basil avant lui avait frappé un grand coup. Mais ne comptez pas sur le vieux Van Cleef pour dire de Rosenman qu'il aurait, à sa suite, tristement démérité.
Mouais. Faut pas trop déconner non plus. Le score de Poledouris, au minimum pour la symbiose qu'il propose avec l'image, est très très au-dessus de celui de Rosenman, même si je lui en ai revu les qualités à la hausse récemment...
Un accusé est cuit quand son avocat n'est pas cru. (Pierre DAC)
Même la musique de Robocop 3 est meilleure que celle de Robocop 2. Le thème du flic de métal est imbattable et incarne parfaitement le héros stoïque et implacable, les synthétiseurs de Poledouris se mélangent avec une science toute goldsmithienne et le thème de la résistance est un des plus galvanisants de son auteur. Rosenman s'en sort avec un thème dans la même veine (pétarade cuivrée et rythme martial) mais tente de se démarquer avec ce choeur de sopranos tout droit sorti de Shaft, déjà anachronique en 1990 et décalé dans un film d'action/SF des années 90. Mais il a eu raison d'essayer quelque chose de différent et d'oser !
À bien des égards, la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-chose, et pourtant, nous jouissons d’une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail, à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative plaisante à écrire et à lire. Mais l’amère vérité, qu’il nous faut bien regarder en face, c’est que dans le grand ordre des choses, le mets le plus médiocre a sans doute plus de valeur que la critique qui le dénonce comme tel.
Au sujet du final musical devenu Overture sur disque, il semble que ce soit bel et bien le choix du compositeur quand il s'est agit de monter l'album. Ils ont décidé de garder ce parti pris pour la version Deluxe.
Il faut aussi souligner que la réputation de Robocop 2 tient essentiellement à quelque chose qui n'a rien à voir avec la qualité de la musique elle-même : c'est l'absence des thèmes de Poledouris. Et il y a aussi une citation de Rosenman qui traîne sur le net, où il exprime son mépris pour le travail de son prédécesseur, ce qui a pu ternir le jugement de certains béophiles.
La citation en anglais (publiée dans un numéro de Starlog Magazine) :
“I thought the score for the first film was so absolutely dreadful. There was no sense of the orchestra, no sense of drama. It was just a dopey, lousy score, and it just didn’t work. I’m not a fan of Poledouris. The end credits, which is the best opportunity for any composer, was just pasted together. My end title is a real piece of music, and the middle part is something very different from most film scores.”
Edern a écrit :il y a aussi une citation de Rosenman qui traîne sur le net, où il exprime son mépris pour le travail de son prédésseur
Sérieusement, il faut être d'une prétention sans fond pour dire un truc pareil ! C'est comme si Zimmer (et il ne l'a pas fait, enfin je crois !) exprimait son mépris pour le travail de Williams sur SUPERMAN !
Un accusé est cuit quand son avocat n'est pas cru. (Pierre DAC)
Sauf que HZ apprécie certainement Williams, donc... Rosenman était un compositeur exigeant et moderniste, avec un point de vue (trop?) arrêté sur la composition, on aime ou pas mais je ne lui dénierais pas le droit de ne pas apprécier Poledouris... Ce qui ne rend pas sa remarque très intelligente d'autant qu'il n'y va pas de main morte : critiquer ainsi un collègue/concurrent passe toujours pour du ressentiment ou un manque d'ouverture d'esprit, à tort ou à raison, alors quand on est compositeur, il est préférable de garder ses opinions pour soi.
Je pense qu'il devait trouver la musique de Robocop trop "facile" et axée sur le synthé, un peu balourde voire populacière, ce qui est injuste mais pouvait mieux se comprendre à l'époque, quand des compositeurs plus pop comme Moroder ou HZ (sans les mettre dans le même panier) venaient écraser les plates-bandes de la BO, venant d'un compositeur qui désormais peinait à imposer son style et défendre une certaine modernité orchestrale. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il penserait de certaines compositions type RC actuelles, mais ça, heureusement, nous ne le saurons jamais.
Dans la même interview, il évoque Mark Isham de manière positive, pour indiquer que si les producteurs des films Star Trek avaient voulu des partitions novatrices, c'est à des gens comme Isham, spécialisés dans l'électronique moderne avec un style personnel établi, qu'ils auraient dû faire appel. Il signale que c'est sa partition pour le quatrième fim qu'il considère comme la plus singulière de toutes les partitions de cette série de films, qu'il jugeait comme étant toutes interchangeables et se fondant anonymement dans la masse des partitions pour ce genre de cinéma (déglinguant nommément James Horner au passage).