Basil Poledouris (1945-2006)

[SamSam]

Merci pour vos retours à tous les deux.
J'en déduis qu'il faut que j'arrive à en écouter un peu pour me décider. Il y a sûrement des podcasts de musique de films qui en ont parlé et mis des extraits, je vais chercher (rien trouvé sur Youtube au premier abord).

[Lee Van Cleef]

Si les compositeurs hollywoodiens actuels avaient eu le verbe (un peu plus) haut et le sens du tempo incrusté dans la moelle de leurs os, toutes ces musiques d'action de quat'sous, affligées du déplorable talent de faire suinter de mes oreilles un pus verdâtre en rigoles épaisses, auraient pu ressembler à Under Siege 2 : bourratif mais aéré en même temps, ceinturé de percussions électroniques ayant parfois la consistance pâteuse du mastic, mais que rehaussent heureusement les vives palpitations de synthés plus mystérieux, pas très finaud avec son thème bas du front, mais aussi efficace, tout bien pesé, qu'une cognée de bûcheron assénée à bras puissants. Okay, une certaine lassitude peut poindre face aux assauts continuels que mène dans la Deluxe Edition le leitmotiv du super-cuistot, notamment quand déboule un dernier acte potelé de testostérone. N'empêche que, nom d'un katana en rail ferroviaire ! ça fait du bien par où ça passe.

[Edern]

Ce que j'aime beaucoup avec la musique de Basilou en règle générale et dans cet Under Siege 2 en particulier, c'est qu'il parvient souvent à allier la trame de l'histoire avec une évocation du milieu où se déroule l'action (une écriture inspirée j'imagine par des visuels, plans larges ou de mouvement), comme sur ce passage du morceau Mercs Take Over Train (jusqu'à 4'13), où la musique prend d'un coup une ampleur qui évoque clairement le train se mettant en mouvement dans ce qu'on imagine être un large décor... Bref, c'est un tout petit détail, mais ce genre de choses m'a toujours énormément plu chez Poledouris.
Marrant aussi de noter qu'il illustrera des images semblables (un train dans les montagnes) deux ans plus tard avec Switchback.

[Lee Van Cleef]

comme sur ce passage du morceau Mercs Take Over Train (jusqu'à 4'13), où la musique prend d'un coup une ampleur qui évoque clairement le train se mettant en mouvement dans ce qu'on imagine être un large décor...

Pour être honnête, je trouve d'une force de persuasion bien supérieure le court mais spectaculaire The Train Departs, qui évoque à merveille le lourd ébrouement du train et les panaches d'étincelles arrachés par l'acier frottant contre l'acier. J'ai d'ailleurs pensé en cet instant à un passage tout aussi bref de Last Train From Gun Hill, où la puissance aveugle du léviathan des rails éclate avec un brio voisin.

[Edern]

C'est sûr, mais sur cette piste, ça me paraît bien plus évident (c'est même dans le titre de la piste), et on pourrait même dire que c'est le sujet direct. Ce que je voulais dire avec le passage que je pointais plus haut c'est que même au milieu d'un morceau "plongé dans l'action", Poledouris va souvent trouver le moyen de remettre ça dans un cadre "spatial" plus large (même si c'est pour quelques secondes seulement).

[Edern]

Tiens, suite à la sortie d'une version rallongée d'Operation Dumbo Drop de David Newman chez Intrada, je suis tombé sur cette interview de Simon Wincer, où il évoque Basil Poledouris.

Yeah. Sadly, Bas passed away last year. He was going to do Comanche Moon too. He… uh… he got lung cancer and he recovered from that, and then he rang and said “Oh, it’s gotten to my brain and I have to have another operation and then he said, “Look, I don’t think I’m going to get to do it,” but he did get to see it. I spent a day with him about two weeks before he died on his boat, which was great, out on Catalina. He was a very dear friend and—oh, so good! Of all the composers I’ve ever worked with Bas would struggle to get his themes, and they’d take him like weeks, and he’d go through agony, and then he’d eventually come up with a theme, and you’d go—oh, wow!

Note : la musique de Comanche Moon (2008) a finalement été signée par Lennie Niehaus.

[Lee Van Cleef]

Par curiosité, Trooper, as-tu eu l'occasion de jeter une oreille à l'inattendu doublé Poledouris dont s'est dernièrement fendu BSX ?

[Edern]

Pas encore, malheureusement, mais il est commandé bien entendu. D'après la boutique de Music Box, il ne sera pas disponible avant début août (si l'équipe de BSX ne prend pas du retard).
J'avais déjà eu l'occasion d'écouter quelques passages de Prison for Children. J'avais laissé mes impressions sur le forum d'FSM.

Protocol (1984)
A light in tone orchestral score, with some classical pastiche (like in The House of God of Making The Grade) and a lot of typically "arabic" Hollywood music for a large array of percussions, woodwinds and strings. There are a few "action" cues that are quite impressive and powerful in that orientalist style. I'd be very happy to see this one released. It's clichéd but very entertaining.

Prison for Children (1987)
It's a very dramatic score for orchestra (and some synth), very close to what he wrote for Amerika, with lots of passionate strings and woodwinds (both warm and tragic), piano and some brass in a few cues. The score has some very nice flourishes. There are some very dark bits for low synth and live percussion (similar to some tension cues from Iron Eagle), and a circus-like tense motif that reminds me of some of his Twilight Zone music. Like Kev McGann wrote earlier in this thread, this one is quite lovely, it has a lot of heart.

Le style est très proche d'Amerika, avec parfois des petites touches qui rappellent les sonorités d'Iron Eagle ou encore Robocop. Le thème principal typique de son auteur est très touchant et mélancolique, souvent décliné aux bois. Il y a également une sorte de motif menaçant qui a des airs de "musique de cirque", qu'on peut entendre dans cet extrait.
C'est une partition dramatique modeste mais qui donne l'impression d'être écrite avec le cœur, comme c'est souvent le cas avec Basilou.

[Edern]

Curiosité :
Justin Boggan, un forumeur FSM, a posté des liens vers deux "poèmes filmiques" réalisés par un certain Robert Brown. Les deux court-métrages ont bénéficié de musiques de Basil Poledouris (avant Big Wednesday), et comme il s'agit de "film poems" sans paroles, la musique y tient une place importante.

Buttercup (1970) (le plus intéressant des deux)

Chick Chick Chick (1974)

[Edern]

Pour les hésitants, Intrada en est à ses 200 derniers exemplaires de la rééditon de The Blue Lagoon.

[Edern]

Avec la sortie de Bunyan & Babe de Zoë Poledouris-Roché et Angel Roché Jr. chez NoteForNote, je peux enfin identifier précisément le thème écrit par Basil Poledouris et interprété à Ubeda l'an dernier (si je me souviens bien du déroulé de la soirée, la première partie de la vidéo présente en fait un morceau écrit en hommage à Basil Poledouris et désigné par concours).

Malheureusement le résultat final pour le film est très, trèèèès, trèèèèèèèèèèèès loin de cette version en plein air

[Lee Van Cleef]

D'aucuns, serviles apôtres d'un Bon Goût moins salutaire que castrateur, s'en gausseront très certainement. Mais le vieux Van Cleef, aussi imperméable qu'un ciré à la bienséance gluante, l'affirme d'une exclamation de stentor : Steven Seagal est un type bien. Pourra-t-on seulement quantifier un jour tout le bonheur dont il inonda jadis petits et grands, lorsqu'il triomphait sur les écrans de cinéma en soumettant les cartilages de l'anatomie humaine à rude épreuve ? Et maintenant, grâce au livret d'On Deadly Ground, on lui découvre une admiration sans borne pour le roi Basil. Entre les deux hommes, le courant passa si crépitant qu'ils remirent derechef le couvert pour le survolté Under Siege 2, autrement gourmand d'action électro-symphonique que l'odyssée écolo de notre maître zen favori. Enfin, ça, c'était avant que Bob Townson ne présente de cette dernière une intégrale bigrement plus mouvementée que le bon vieux Varese à la cage thoracique étroite des nineties. L'ultime acte, notamment, fait parler la poudre avec un engouement pareil à celui de Steven bousillant des raffineries de pétrole sans trop s'inquiéter des conséquences cataclysmiques sur l'environnement. Ceci dit, cette très belle édition réussit à préserver sans l'égratigner l'équilibre, plus subtil qu'il n'y paraît, que Poledouris, expert es-orfèvrerie, avait dosé entre la méchante castagne saturée d'os brisés et le mysticisme planant par lequel la misérable humanité sauvera son âme. Fans du roi Basil (et les autres aussi, tant qu'à faire), à votre tirelire !

[Alcibiade]

Que Seagal ait du coeur ne saurait le racheter de tant d'inepties scénaristiques et scénographiques (mais le jugement est sévère, puisqu'après tout on en parle, et parler de Landru déjà auréole son auteur d'une aura coupable) ; qu'il ait eu une affinité élective avec Poledouris est autre chose (la chose est aisée, l'homme devant être d'une bonhomie somme toute bien appréciable). "Deadly Ground" est si infâme de stupidités écologiques que cela donnerait même caution à un scepticisme trumpien de pulvériser le restant de terrain vierge par pur plaisir d'expansion économique et de vigilance protectionniste, mais il est aussi (si on devait plaider pour une cause perdue d'avance, à la façon d'un Gorgias plaidant pour Palamède) si délicat de naïveté contemplative que cela donnerait même raison au score de Poledouris d'exister pour lui-même. Il me tarde d'écouter ce joyau "expanded" qui arrivera certes un jour dans mon antre mais en attendant ce jour-là pour juger sur pièce, le "Under Siège 2" (dont le support filmique est tout aussi exécrable) résonne de timbres électroniques et de fulgurances verhoevenniennes que je ne soupçonnais même pas ; l'ancien Varèse ayant été lâchement délaissé par manque de passion sur la durée, durée évidemment insuffisante pour apprécier à sa juste valeur la teneur réelle de l'ouvrage qui ne démérite certes pas.

[Sam Lowry]

C'est vrai que ce ON DEADLY GROUND (le film) est sacrément gratiné ! J'ai même un souvenir d'avoir bien rigolé tellement c'était con !
La musique de Basil, là c'est autre chose ! Il faut vraiment que je le prenne ce titre là...

[Mortimer]

Je voulais m’en tenir à la première édition même s’il n’y a que 30 minutes de musique. Mais le post d’un certain grabataire m’a fait changer d’avis. Je vais arrêter de fréquenter le forum, il me ruine.

[Dadid]

"... Ce décousu général est tel qu'il est difficile de s'attacher au détail, surtout lorsqu'une débauche de musique symphonique - écho fidèle de celle d'Excalibur - s'applique lourdement à expliquer l'action plutôt qu'à la commenter". (F. A. Levy, Écran Fantastique 24, à propos de Conan le barbare)

Comme quoi il est bon de ressortir les archives pour vérifier combien la critique est relative (surtout à chaud), et combien la considération que l'on donne à la musique dans un film l'est tout autant. Visiblement la dimension volontairement opératique du film avait un peu échappé à F. A. Levy - ou lui avait tout simplement déplu. Moi, c'est justement ce qui m'enchante dans ce film certes imparfait. Même les emprunts musicaux flagrants ne m'ont jamais gêné dans Conan alors que c'est parfois le cas ailleurs, peut-être parce que le film est lui-même un patchwork pseudo-historique, mais surtout parce que, toutes analyses cessantes... bin, le plaisir est là !

[Pierrebrrr]

une musique qui explique l'action plutôt que la commenter ? ça veut dire quelque chose, cette phrase ?

[Dadid]

Je pense qu'il voulait dire "souligner au lieu de compléter", c'est à dire une musique illustrant au premier degré ce qui est à l'écran plutôt qu’apportant une dimension qui ne s'y trouve pas. Ce qui est sans doute vrai et nécessaire pour certaines scènes, mais ne rend pas justice à cette partition.

[OliVDB]

En tant que mélomane qui n'a longtemps regardé que très peu de films (contrarié par l'idée de rester juste deux heures assis à regarder l'écran passivement), c'est entre autres à Poledouris que je dois ma réconciliation avec le cinéma... En effet, j'ai décidé de me remettre à cet art après avoir regardé "A la poursuite d'Octobre Rouge", attiré par la superbe et prenante bande son du film!

[DarkCat]

En effet, j'ai décidé de me remettre à cet art après avoir regardé "A la poursuite d'Octobre Rouge"

Je t'incite à stopper là ton aventure jackryanienne. Ou du moins, à zapper, sans regrets, les piteux "Jeux de guerre" et "Danger immédiat" (les livres sont vraiment meilleurs) dans lesquels un papy incarne Jack Ryan.

[OliVDB]

Merci pour le conseil, j'ai vraiment bien aimé les livres et préfère donc ne pas les voir "gâchés" par une adaptation douteuse! Je vais plutôt, pour l'instant, regarder les autres films mentionnés dans cette discussion

[Misquamacus]

une musique qui explique l'action plutôt que la commenter ? ça veut dire quelque chose, cette phrase ?

Pour quelqu'un qui aime bien s'entendre parler, certainement !

[Edern]

Une vidéo de 3 minutes datant de 1994 à propos du travail de Poledouris sur The Jungle Book (on le voit jouer le thème principal au clavier).

[Shardar]

Merci Edern . C'est un score que j'adore bien que je n'ai toujours pas vu le film!

[Night Fury]

Merci Edern pour le lien ! Je ne m'étais jamais intéressé à ce score jusqu'à maintenant, je pense que je vais y remédier