Lee Van Cleef a écrit :A la notable exception des festins sanglants que s'offre un saurien jamais rassasié (nettement plus convaincant, soit observé au passage, chez Greg McLean que ne l'est son pauvre homologue en plastoc dont Hooper s'escrime tant bien que mal à crédibiliser les attaques, plutôt clairsemées, Dieu merci), et peut-être aussi du vif plaisir que l'amateur de fantastique peut prendre à l'un et l'autre cas, j'ai peine à dénicher le moindre point commun entre ces deux chouettes films
Le film de référence en matière de saurien reste "Le crocodile de la mort" (quoiqu'en disent les académiciens, et Lee n'est pas de ce style), et il y a un parfum délicieusement dépravé dans le film de Hooper que j'ai inopinément retrouvé dans le de McLean (qui ne pouvait ignorer un tel héritage) : des touristes de passage, des gros bras ou des "petites frappes" écervelés, et un chien (le caniche Snoopy happé dans le Hooper, et le toutou de Kate transformé en hamburger craquant dans le McLean) comme menu de choix pour les crocs sur pattes ; la connivence tacite entre les habitants du bayou australien ou le tenancier de l'hôtel perdu en Louisiane et le monstre ; le jeu érotique entre le croco et la Kate dévêtue et inconsciente qui l'attend dans son antre pour être mâchouillée ou entre le Judd libidineux à la faux et ses diverses victimes en petite culotte ; la nature indomptable du croco qui ne répond qu'à l'instinct à non à une quelconque volonté humaine (comme il échappera finalement à son maître dans "Le crocodile de la mort") ; les ondes faussement tranquilles des eaux qui sont parfois lézardées de glissements suspects, etc. mais aussi l'ambiance du début de "Rogue" qui emprunte beaucoup à un espace désolé peuplé de ploucs arriérés, dans un bar avec des photographies délavées exhibant des sévices insupportables et des animaux empaillés (bon pour le coup évidemment plus "Massacre à la tronçonneuse" que "Le crocodile de la mort").
Il est vrai que l'animal de McLean est plus véloce que celui de Hooper mais le pauvre Hooper n'avait certes pas les techniques numériques requises pour une telle entreprise consistant à insuffler l'agilité à un aussi noble prédateur (à moins de sacrifier certains rôles secondaires pour la noble cause). L'absence de moyens ne fausse cependant pas les intentions, et d'ailleurs dans le Hooper la bête n'apparaît que très rarement. Et puis en faisant des hommes des bêtes sans recourir à des symbolismes visibles de cerveau reptilien (sans la nécessité de la technique donc, par ailleurs bien souvent corruptrice), Hooper a accouché du pulsionnellement inégalé "Massacre à la tronçonneuse".
Certes, deux mondes séparent les films de Hooper et de McLean, mais on peut oser certains rapprochements qui ne sont pas si gratuits. Mais nous sommes d'accord, les deux films que sont "Le crocodile de la mort" et "Rogue" sont relativement en désaccord mais restent tous deux pleinement fréquentables !
Lee Van Cleef a écrit :Quant à The Darkness et au portrait méchamment de guingois que tu viens juste d'en brosser, je ne peux que compatir à ta cruelle déconfiture, compagnon. Mais en toute franchise, à quoi pouvait-on s'attendre d'autre avec les margoulins de Blumhouse aux commandes ?
Une grande déception que ce "The Darkness" quand même ! On peut décemment croire qu'un réalisateur qui a véritablement du talent (ce "Rogue" était plus qu'estimable quand même ! Et ceci même si le score de François Tétaz -exceptionnel quand même avec cette "River suite"- amplifie l'insouciance exploratrice des touristes de la première demi-heure) devrait pouvoir préserver son intégrité quels que soient les financements et les compromissions. Le "Batman" de Burton (à l'époque évidemment ! Lorsque Burton était bien dépositaire de son art) laissait filtrer des éclairs de génie. Pour ma part, je pense que "Rogue" devait être (a posteriori) plutôt un accident, étant donné la livraison non seulement commanditée de ce "The darkness" (comme toujours en définitive, car rares sont les réalisateurs indépendants), mais surtout en raison du caractère innommable de la chose livrée.