YuHirà a écrit :Il y a un peu plus de dix ans, alors que j'étais pourtant intervenant dans une émission de musique de film, une camarade de promo bien sous tous rapports avait fait devant moi une réflexion sans ambiguïté sur le fait que cela n'avait aucun intérêt d'écouter de la musique de film.
Alors ça, c'est un commentaire que j'entends encore assez souvent aujourd'hui et que j'ai toujours entendu, hélas! Il y aura toujours des gens qui penseront de cette façon.

Mais je suis d'accord avec toi sur le fait que la réputation de la musique de film s'est améliorée. Puis, c'est vrai aussi qu'il ne faut pas voir les choses que du sol français. Le cinéma touche le monde entier.
YuHirà a écrit :Je te parle bien du grand public en général. Des gens lambda que tu rencontres dans la rue, qui n'ont pas un intérêt aussi prononcé pour la musique classique que nous. Ceux qui connaissent la musique contemporaine et ceux qui l'apprécient sont nombreux mais représentent tellement peu de gens au regard de la population en général (il y a dix ans, la musique classique représentait seulement 4% des ventes de disque selon le SNEP... si déjà tu retires tout Mozart, Beethoven et Verdi, qu'est ce qu'il doit rester à la musique contemporaine!). Et effectivement, leur appréhension de ce qui est inécoutable est bien plus large que la nôtre.
Il me fallait réagir sur ce point. J'en suis bien conscient. Tout ce que tu écris là est vrai et au fond, il est logique que l'appréhension du grand public de ce qui est inécoutable soit bien plus large que celui du mélomane averti. Je n'ai pratiquement jamais entendu quelqu'un me dire qu'il n'aimait pas la musique, à partir du moment où l'on ne précise pas le genre, qu'il n'aime pas lire, oui, assez souvent, qu'il n'aime pas la peinture ou plutôt qu'il n'y connait rien, oui, très souvent même, mais la musique, presque tout le monde a quelque chose à dire dessus. Et lorsque j'en discute avec quidam, il est stupéfait par mes connaissances, complètement étonné que toutes ces choses que je lui évoque existent vraiment...et cela à l'ère d'internet...Un monde nous sépare. La question qu'il faut se poser, c'est pourquoi? Moi-même, et ce n'est pas une expérience unique, il y a de nombreuses musiques que j'aime aujourd'hui et, il y a bien des années en arrière, je n'aurais jamais aimées et n'aurais cru les aimer un jour. Si j'étais resté à la surface des choses, j'en serais encore, en résumant, au "Piano bien tempéré" (le morceau archi connu) de Bach et au "Clan des Siciliens" de Morricone, des musiques que j'aime toujours autant aujour'd'hui, ceci-dit. Alors pourquoi j'aime désormais des musiques que je n'aurais jamais aimées avant? Parce que la musique est aussi une affaire d'initiation et surtout, plus encore, de familiarisation, sans excepter l'envie bien évidemment. La musique s'apprivoise. La musique est une ascension, un parcours, pas un parcours linéaire, un parcours complexe et truffé de déviations. La musique nous amène d'ailleurs souvent à nous contredire. Le mélomane averti approfondit, aiguise son goût, son approche de la musique, élargit ses connaissances, écoute, réécoute avec patience et attention, apprivoise: il est dans l'approfondissement d'un art qui le passionne alors que le grand public, il faut bien le reconnaître, et ce n'est qu'une simple observation pas une critique, reste davantage à la surface des choses. Le mélomane ne se contentera pas d'aimer le classique par le biais de "La petite musique de nuit" de Mozart et "La Moldau" de Smetana, tout comme le "béophile" ne se contentera pas du thème de "Mission Impossible" ou de "Chi mai", il ira beaucoup plus loin que ces "hits". A partir de là, la personne lambda et le mélomane ne peuvent pas avoir les mêmes aspirations ni les mêmes exigences et n'auront évidemment pas les mêmes notions de ce qui est écoutable ou non. Maintenant, si le jeune compositeur savant d'aujourd'hui souhaite davantage se mettre à la portée du grand public, il devra effectivement trancher avec l'élitisme intransigeant d'une certaine époque pourtant déjà révolue.