Metropolis (Gottfried Huppertz)

La renaissance de Maria

Disques • Publié le 29/07/2011 par

MetropolisMETROPOLIS (1927)
METROPOLIS
Compositeur :
Gottfried Huppertz
Durée : 76:51 | 32 pistes
Éditeur : Capriccio

 

5 out of 5 stars

La découverte en 2008 de séquences perdues de Metropolis a permis le montage d’une nouvelle version totalisant environ 2h30 et de multiples projections ont eu lieu à travers le monde, notamment à Berlin où l’Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin a interprété en direct sous la baguette de Frank Strobel la partition originale de Gottfried Huppertz. Le score complet est à présent disponible en disque dans une présentation chronologique : une redécouverte majeure car les avantages de la réinterprétation d’une œuvre relativement ancienne sont on ne peut plus appréciables pour le score d’Huppertz qui, s’il a peu de travaux cinématographiques à son actif, a fait preuve d’une grande modernité d’écriture et de conception.

 

Outre la grande musicalité de cet enregistrement et la direction d’un Frank Strobel à la fois méticuleux et passionné, l’on peut apprécier l’ambition ahurissante dont Huppertz a fait preuve pour l’époque, autant thématique que stylistique, pour un score finalement très opératique. En trois actes qui témoignent à eux seuls d’un grand souci de la dramaturgie, les courants post romantique, impressionniste et même expressionniste se côtoient dans une profusion de leitmotivs dont l’utilisation est un véritable moteur narratif au film et lui apporte une cohérence et une richesse admirables. Le film s’ouvre sur le thème triomphal de la cité que son créateur voudrait idéale mais le rythme du «thème industriel» est écrasant pour les ouvriers et la relève sonne comme une marche mortuaire. Le ton s’adoucit avec la valse des jardins et le thème romantique de Maria mais la pression se fait sentir à nouveau avant l’apparition diabolique de Moloch, entité qui transforme les hommes en esclaves, et celle de Fredersen dont le thème reste implacable et insensible à cet état de fait.

 

A noter la douceur un peu candide du thème de Freder, personnage bien plus humain que son père, ainsi que l’étrangeté des thèmes de l’homme machine et du laboratoire qui ne seront pas sans rappeler un certain John Williams, un écho récent alors que l’influence de Huppertz s’est exercée dès l’Age d’Or. Il faut aussi mentionner quelques citations dont le compositeur a émaillé sa partition, leur orchestration étant toujours modelée afin d’épouser parfaitement le récit, en particulier La Marseillaise censée évoquer la révolte des ouvriers et le Dies Irae de Celano présageant du destin des personnages. C’est avec une aisance incroyable que Huppertz brasse tous ces éléments tout au long de Metropolis pour atteindre un point culminant avec le troisième acte, véritable climax où l’héroïsme le dispute à la romance pour aboutir au triomphe durable de la cité.

 

Alors que le cinéma parlant n’existait pas encore (The Jazz Singer allait sortir quelques mois plus tard), c’est pour un film muet que Gottfried Huppertz impose une musique définitive, dans le sens où les styles d’écriture et l’utilisation de leitmotivs sont devenus des modèles par-delà l’Atlantique pour les décennies à venir. Du haut de ses 85 ans, la partition magistrale et historique de Metropolis arbore une jeunesse éternelle.

 

Metropolis

Sébastien Faelens