André Previn (1929-2019)

Le compositeur et chef d’orchestre avait remporté quatre Oscar

Portraits • Publié le 28/03/2019 par

Il aimait, disait-il, garder d’Hollywood les bons comme les mauvais souvenirs, à parts égales. Il est probable par contre que Andréas Ludwig Priwin dit André Previn, né à Berlin un 6 avril, sans doute celui de l’année 1929 (son certificat de naissance ayant été perdu à son arrivée aux Etats-Unis dix ans plus tard), sera à l’avenir présenté avant tout comme une éminente personnalité du monde de la musique dite classique, compositeur de plusieurs œuvres de musique de chambre, de concertos et de deux opéras, mais surtout chef d’orchestre accompli dont les innombrables enregistrements des répertoires de Prokofiev, Tchaikovsky, Rachmaninov, Mozart, Strauss ou Bruckner, notamment, figureront longtemps en bonne place au sein de toute bonne collection discographique. Pourtant, le parcours de cet élève de Pierre Monteux à Los Angeles est d’une richesse bien plus typiquement américaine, comme a pu l’être auparavant celui de Leonard Bernstein, auquel il vouait une profonde admiration.

 

Ainsi, il n’a que seize ans lorsqu’il rejoint la Metro-Goldwyn-Mayer, vraisemblablement à l’instigation de son grand-oncle Charles (ancien directeur musical d’Universal Pictures oscarisé en 1937 et lui-même de passage à la firme au lion), pour y faire ses premières armes, de menus travaux qui consistent d’abord pour l’essentiel à orchestrer quelques chansons, garnir la bibliothèque musicale ou pianoter au besoin sur un cartoon de Tom et Jerry. Tour à tour pianiste, superviseur musical, orchestrateur, arrangeur, chef d’orchestre ou même, déjà, compositeur, il en vient à œuvrer à l’un ou l’autre de ces postes sur des long métrages tels que Undercurrent (Lame de Fond) de Vincente Minnelli, It Happened In Brooklyn (Tout le Monde Chante) de Richard Whorf, The Bride Goes Wild (La Mariée est Folle) de Norman Taurog, Scene Of The Crime (La Scène du Crime) et The Outriders (Le Convoi Maudit) de Roy Rowland, Border Incident (Incident de Frontière) d’Anthony Mann ou encore On An Island With You (Dans une Île avec Vous), The Sun Comes Up (Lassie Perd et Gagne), Challenge To Lassie (Le Défi de Lassie), Three Little Words (Trois Petits Mots), tous les quatre de Richard Thorpe. Ce travail multi-casquettes est souvent ingrat aux yeux du jeune musicien, peu satisfaisant sur le plan artistique et pas ou peu reconnu, digne d’une « bête de somme musicale » comme il le résumera même plus tard, mais l’expérience et la discipline acquises n’en sont pas moins inestimables. Au cours des années 50, alors qu’il trouve tout de même le temps de poursuivre en parallèle une carrière de pianiste de jazz, enregistrant plusieurs albums, les contributions les plus diverses s’enchaînent à la MGM : directeur musical sur Kiss Me Kate (Embrasse-moi, Chérie) de George Sidney, simple musicien sur Young At Heart (Un Amour pas comme les Autres) de Gordon Douglas ou Four Girls In Town (Quatre Filles Ravissantes) de Jack Sher ainsi que chef d’orchestre sur The Prodigal (Le Fils Prodigue) de Richard Thorpe, il compose notoirement les partitions de Give A Girl A Break (Donnez-lui sa Chance) de Stanley Donen, Bad Day At Black Rock (Un Homme est Passé) de John Sturges, The Fastest Gun Alive (La Première Balle Tue) de Russell Rouse, Designing Woman (La Femme Modèle) de Vincente Minnelli ou encore quelques séquences pour Silk Stockings (La Belle de Moscou) de Rouben Mamoulian.

 

Andre Previn

 

C’est en 1959 que le nom d’André Previn s’inscrit définitivement dans le marbre hollywoodien, ou plutôt dans les dorures d’un premier Oscar qu’il décroche pour son travail d’écriture et d’adaptation sur le Gigi de Vincente Minnelli. Il en obtiendra trois autres dans les quelques années qui suivent (sur un total de onze nominations), le second pour Porgy And Bess de Otto Preminger en 1959, qu’il partage avec Ken Darby, puis deux autres pour Irma la Douce de Billy Wilder en 1963 et My Fair Lady de George Cukor en 1964. Entre temps, il signe également les musiques, tout aussi remarquables, de Who Was That Lady? (Qui était donc cette Dame ?), The Subterraneans (Les Rats des Caves), Elmer Gantry (Elmer Gantry, le Charlatan), The Four Horsemen Of The Apocalypse (Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse), Long Day’s Journey Into Night (Long Voyage vers la Nuit), Two For The Seesaw (Deux sur la Balançoire) et Dead Ringer (La Mort Frappe Trois Fois). Cependant, ses lettres de noblesse désormais acquises dans le septième Art à force de travail, André Previn préfère en ce milieu des années 60 s’en détourner. Après Goodbye Charlie (Au Revoir Charlie), Kiss Me, Stupid (Embrasse-moi, Idiot!), Inside Daisy Clover (Daisy Clover) et The Fortune Cookie (La Grande Combine), il délaisse donc les salles obscures au profit des salles de concert.

 

Prévin prend dès 1967 la direction du Houston Symphony Orchestra, première étape d’une seconde carrière qui l’amènera donc à diriger durant les décennies suivantes moult orchestres à travers le monde (Londres, Pittsburgh, Vienne, Oslo…) et à écrire pour des artistes tels que le sitariste Ravi Shankar, les sopranes Kiri Te Kanawa et Kathleen Battle, le pianiste Vladimir Ashkenazy ou bien entendu la violoniste Anne-Sophie Mutter, sa cinquième et dernière épouse. Ni regret, ni rancœur : « La MGM était le plus grand studio à cette époque » expliquera-t-il, « c’était amusant, tout simplement amusant d’être là, en particulier pour quelqu’un aussi jeune que moi. Mais j’ai toujours su qu’arriverait le moment où je partirais. Ce que le studio m’a offert, et c’est indéniable, c’est une chance, à un très jeune âge, de me tenir devant un orchestre de premier ordre et faire répéter aux musiciens une musique qu’ils ne connaissaient pas. Le fait que la musique n’était souvent pas très bonne n’avait aucune importance. Tous les musiciens sous contrat dans ces orchestres étaient de vrais virtuoses (…). Et c’était un sacré luxe, parce que vous appreniez par expérience. Si vous écriviez quelque chose qui ne marchait pas, vous pouviez entendre pourquoi plutôt que d’attendre qu’on vous l’explique. Mais la musique dans les films peut aussi être merveilleuse (…). Pour chaque musicien sans instruction que j’ai croisé à Hollywood, j’en ai rencontré à l’inverse quelques-uns qui étaient assez remarquables. » De fait, proche du compositeur John Williams, il disait apprécier tout particulièrement l’écriture de Miklós Rózsa, Erich Wolgang Korngold, David Raksin, Alex North, Jerry Goldsmith et Dave Grusin. Dans les années 70, ses derniers véritables contacts avec l’image seront le thème principal de la mini-série Jennie: Lady Randolph Churchill et la direction d’orchestre sur The Music Lovers (La Symphonie Pathétique) de Ken Russell ainsi que les films Jesus Christ Superstar et Rollerball de Norman Jewison.

 

André Previn est mort le 28 février 2019 à New York.

 

Andre Previn (1929-2019) Photo 02

Florent Groult
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