Patrick Williams (1939-2018)

Le compositeur aux multiples facettes est mort ce 25 juillet

Portraits • Publié le 27/07/2018 par

« Pat Williams. Man. Talent. Skill. The Best! ». C’est avec cette simplicité directe et touchante que Richard Bellis a salué la mémoire de son ami Patrick Williams, mort ce mercredi 25 juillet à l’âge de 79 ans, des suites des complications liées à un cancer. Et au vu des réactions que suscite cette disparition, le moins qu’on puisse dire est que nous mesurons sans doute mal, de notre côté de l’Atlantique, l’influence qu’a pu exercer ce compositeur, arrangeur, interprète et chef d’orchestre, immensément respecté de ses pairs et admiré des nombreux musiciens qui lui doivent tout ou partie de leurs débuts de carrière.

 

Né le 23 avril 1939 à Bonne-Terre, dans le Missouri, Patrick Williams porte très tôt un grand intérêt à la musique, « dès le jardin d’enfants » plaisantait-il volontiers. Bercé par les disques de Duke Ellington et Count Basie, il joue enfant de la clarinette, de la trompette et de la batterie. Plus tard, il dirige à la Duke University de Durham, de 1959 à 1961, le big band maison constitué de dix-huit étudiants, les Duke Ambassadors, où il tient lui-même la place de trompettiste de jazz. C’est un premier enregistrement avec cet ensemble qui le conduit ensuite à New York afin de travailler au sein d’une petite maison de disques nouvellement créée, signant également au même moment ses premiers arrangements. Là, il est fortement marqué par le jazz tel qu’il est pratiqué depuis la fin des années 50 par les nombreux grands musiciens présents dans la ville (il cite en exemple à ce sujet les albums Miles Ahead et Legrand Jazz), et en tire une leçon qu’il appliquera aussi souvent que possible par la suite : choisir méticuleusement ses solistes et écrire spécifiquement pour eux et leur manière toute personnelle de jouer de leur instrument. Pendant toute sa carrière, il travaillera ainsi avec nombre de musiciens et chanteurs venus de tous horizons : citons simplement ici Bill Watrous, Dave Grusin, Barbra Streisand, Natalie Cole, Tom Scott, Patti Austin, Barry Manilow, Hubert Laws, Gerry Mulligan, Eddie Daniels, John Pizzarelli, Gloria Estefan, Deana Martin ou encore Frank Sinatra, pour qui il signera les arrangements des derniers albums studios. Ces contributions, en plus d’une trentaine d’œuvres de concert, lui rapporteront pas moins de deux victoires pour dix-neuf nominations au Grammy Awards.

 

Patrick Williams

 

Mais évidemment, la passion de Patrick Williams le mènera presque inévitablement au travail pour l’image. Il rejoint en 1968 la Californie pour dénicher de nouveaux terrains de jeu : ce sera essentiellement, et pendant trente-cinq ans, la télévision américaine. Il compose d’abord ponctuellement, ici pour un épisode de The Virginian (Le Virginien), là pour deux segments de The Name Of The Game (Les Règles du Jeu) avant d’enchaîner les shows, séries et téléfilms en tout genre à un rythme soutenu. Il signe ainsi dans les années 70 puis 80 les musiques de The Mary Tyler Moore Show puis de The Bob Newhart Show, de plusieurs épisodes des séries The Magician (Le Magicien), Cannon, The Streets Of San Francisco (Les Rues de San Francisco), Lou Grant, After-MASH et The Days And Nights Of Molly Dodd. Il participe aussi entre 1978 et 1992 à plusieurs épisodes de la fameuse série Columbo, dont en particulier les excellents Try And Catch Me (Le Mystère de la Chambre Forte) avec Ruth Gordon et The Conspirators (Des Sourires et des Armes) avec Clive Revill. Par ailleurs, jusqu’en 2005, date de son dernier crédit (pour les deux épisodes de la mini-série Hercules) son travail pour la TV sera récompensé par quatre Emmy Awards et dix-huit autres nominations.

 

Le cinéma ne tiendra quant à lui qu’une place relative dans sa production, même s’il tâte de la comédie (Pigeons de John Dexter) et du western (Macho Callahan de Bernard Kowalski) dès 1970. On lui doit ainsi la musique de titres qui pour la plupart sont quasi-oubliés chez nous : The Cheap Detective (Le Privé de ces Dames) avec Peter Falk et Casey’s Shadow de Martin Ritt en 1978, Wholly Moses! (Sacré Moïse) et Hero At Large (Captain Avenger) en 1980, Violets Are Blue… (L’Été Indien) en 1986, Fresh Horses (Comme un Cheval Fou) de David Anspaugh en 1988… En 1979 toutefois, son adaptation de musiques de Mendelssohn, Rossini et Von Flotow pour le film Breaking Away (La Bande des Quatre) de Peter Yates lui apporte son unique nomination à l’Oscar. Cette même année, Richard Lester le choisit pour Butch And Sundance: The Early Days (Les Joyeux Débuts de Butch Cassidy et le Kid) et surtout Cuba, avec Sean Connery. L’année suivante, Patrick Williams participe au second long métrage de Robert Zemeckis, Used Cars (La Grosse Magouille) et, en 1982, Richard Donner lui confie The Toy (Le Joujou), remake américain du film de Francis Veber, Le Jouet. Enfin, dans le courant des années 90, il compose notoirement les partitions de Cry-Baby de John Waters, The Cutting Edge (Le Feu sur la Glace) et That Old Feeling (C’est ça l’amour ?).

 

Directeur artistique du Henry Mancini Institute de 2001 à 2006, Patrick Williams était également réputé pour son sens inné de la pédagogie, et particulièrement apprécié pour sa simplicité, sa gentillesse et son humour.

 

Patrick Williams Photo 02

Florent Groult
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