Un Roi Sans Divertissement (Maurice Jarre)

Le Juge et l'Assassin

Disques • Publié le 03/04/2019 par

Le Cinéma de Maurice JarreUN ROI SANS DIVERTISSEMENT (1963)
Compositeur : Maurice Jarre
Durée : 3:21 | 1 piste
Éditeur : Universal Music France

 

 

4 out of 5 stars

 

Une adaptation exceptionnelle du roman éponyme de Jean Giono magnifiée par une superbe photographie et une narration envoûtante, accompagnée d’une chanson écrite et interprétée par Jacques Brel. A l’époque du TNP, Jean Giono et Maurice Jarre avaient déjà un projet qui finalement ne se concrétisera pas. Durant la pré-production d’Un Roi Sans Divertissement, l’écrivain souhaite une complainte désinvolte en opposition avec la gravité du propos, et a d’ailleurs pressenti Georges Brassens, qui n’est pas intéressé. L’essai avec Jacques Brel ne s’avère pas plus concluant, ce dernier refusant car il ne se retrouve pas dans l’univers musical atypique de Jarre et que la tonalité n’est pas compatible avec la tessiture de sa voix. Au final, Brel obtient toute liberté et le résultat, infiniment plus sombre, s’avère prodigieux, dans la lignée des complaintes poétiques et réalistes, annonciatrices des drames à venir, de L’Auberge Rouge ou du Juge et l’Assassin.

 

L’idée d’une partition pour guitare solo, pourtant très en vogue à l’époque, est d’emblée écartée au profit d’une orchestration pour cuivres ponctuée de cors. C’est l’une des musiques les plus créatives, mais aussi les plus parcimonieuses de l’artiste (avec Le Tambour) apportant aux images un surplus de sens. L’ambiance générale du score est texturale et suggère des sensations psychologiquement très troubles. En ce sens, la scène de la chasse est un moment clef, extrêmement mystérieux, qui illustre parfaitement l’efficacité de la musique à l’écran alors que le risque de déséquilibrer le film était ici particulièrement important. En effet, la perception de la durée de cette scène est très inférieure à sa durée réelle (une douzaine de minutes) grâce à l’impact de la musique sur les images.

 

Un Roi Sans Divertissement

 

Le film est tellement épuré et dépourvu d’artifices, y compris au niveau pictural, qu’on aurait même pu l’imaginer sans accompagnement musical. La partition dépeint l’atmosphère au même titre que les paysages enneigés et renforce l’impact dramatique du scénario sans appuyer sur les effets. Elle ne romance pas l’histoire mais la fait vivre de l’intérieur, sans aucun sentimentalisme. Le climat ainsi instauré est générateur d’instabilité : la connexion qui s’établit alors entre les spectateurs et les protagonistes est le reflet de celle qui se crée entre le personnage principal et le meurtrier.

 

On pourra lire par la suite dans quelques interviews du compositeur qu’il ressentira une certaine nostalgie vis-à-vis de ses premières collaborations, celles où  les rapports réalisateur / compositeur étaient fondés sur une véritable complicité, où toute l’équipe du film s’impliquait à fond dans son travail avec beaucoup de conviction et d’enthousiasme… Ce genre de relations qui peu à peu disparaîtra du paysage cinématographique français et international.

 

Charles Vanel dans Un Roi Sans Divertissement