Meek’s Cutoff (Jeff Grace)

Voyage au bout du désert

Disques • Publié le 27/07/2011 par

Meek's CutoffMEEK’S CUTOFF (2010)
LA DERNIÈRE PISTE
Compositeur :
Jeff Grace
Durée : 21:52 | 7 pistes
Éditeur : Milan Music

 

3.5 out of 5 stars

Le travail de Jeff Grace pour Meek’s Cutoff (La Dernière Piste) a de quoi interpeller. Remarqué à l’origine pour ses musiques de films – la plupart horrifiques – éditées par MovieScore Media, ce compositeur se démarque toujours par une approche volontaire, souvent osée et parfois avant-gardiste. Alors que l’on ne sait jamais à quoi s’attendre avec lui, ce qui est plutôt une bonne chose, ce qu’il propose pour le film de Kelly Reichardt est à l’image de ses travaux précédents. Autant dire que la surprise est de taille.

 

Ceux qui taxent Marco Beltrami de froideur ou de rigidité devront modérer leur jugement à l’écoute de cette partition qui affiche sans complexe son austérité. Jeff Grace a évacué toute velléité orchestrale pour se concentrer sur l’essentiel et l’expression simple mais directe est rendue grâce au détournement ou à l’utilisation spécifique de quelques instruments. Dans The Desert, on a l’impression que le temps s’étire sous l’effet conjugué d’une guitare électrique lointaine et plaintive et d’un piano répétant les deux mêmes notes pesantes. Au début de Sighting And Capture, le violoncelle frôle le grincement pour un motif qui ondule de manière incertaine, peignant un paysage aride. Même dans Talking To Stars / Tree Of Life, la découverte semble bien trop mystérieuse pour apporter du réconfort. D’ailleurs, ce moment de pseudo magie au premier tiers du disque sera vite plombé par la suite : s’il est question dans ce western de la découverte des grands espaces de l’Ouest américain, le raccourci fastidieux de Meek et le pénible voyage forcent les personnages à se replier sur eux-mêmes.

 

La musique, en imposant des silences pesants et des textures sonores éthérées mais étrangement obsédantes, définit clairement une atmosphère d’attente mais, en tant qu’expression d’un profond désarroi, génère un écho intérieur. En ce sens, Jeff Grace rappelle Jonny Greenwood (There Will Be Blood, Norwegian Wood) par ses interventions ponctuelles et frontales qui mettent en exergue toutes les nuances d’un film, aussi bien dans son ambiance générale que dans ses aspects les plus intimes. Le résultat est difficile d’écoute, autant par ses sonorités peu avenantes que par son approche sans concession. Exactement le genre de partition qui ne procure aucun confort… Soyez prévenus !

 

Meek's Cutoff

Sébastien Faelens