The Light Thief (Andre Matthias)

Que la lumière soit

Disques • Publié le 13/06/2011 par

The Light ThiefTHE LIGHT THIEF / SVET-AKE (2011)
LE VOLEUR DE LUMIÈRE
Compositeur :
Andre Matthias
Durée : 39:14 | 13 pistes
Éditeur : Kronos Records

 

4 out of 5 stars

C’est au théâtre qu’Andre Matthias débute sa carrière professionnelle à la fin des années 90 avant de signer plusieurs albums concepts inspirés de divers romans et d’œuvrer pour l’image sur plusieurs courts métrages. En 2007, il se fait remarquer avec Zhan Gu (The Drummer) du réalisateur Kenneth Bi, une coproduction qui lui apporte une nomination pour la meilleure partition originale au festival du film de Hong Kong. Trois ans plus tard, c’est au tour du cinéaste et comédien kirghiz Aktan Arym Kubat de faire appel à lui.

 

Pour ce qui est donc de son second long-métrage, le compositeur allemand convoque une petite formation cosmopolite constituée d’un violon, un alto, une guitare, un oud, et dominée par la présence de quatre flûtes traditionnelles : le naï arabe, le suling balinais, le duduk arménien et le shakuhachi japonais. Premier et immédiat constat : retrouver soudainement ces deux dernières dans des postures de solistes véritables peut fort bien sonner à nos oreilles de cinéphiles occidentaux comme une redécouverte. En effet, à force de vibratos outranciers pour l’une et de salves immodérées pour l’autre, interventions peu à peu banalisées années après années au sein de partitions (pour la plupart hollywoodiennes) massivement orchestrales qui en ont usé et abusé, on en avait presque oublié les qualités intrinsèques de ces instruments, et en premier lieu la beauté et le pouvoir d’évocation réels de leur timbre.

 

Les quatre flûtes sont en tout cas ici les atouts majeurs d’une musique qui, au travers d’éléments de folklore, à peine soutenus par d’infimes touches de synthétiseurs, seule concession à la modernité, instaure une atmosphère qu’on croirait volontiers hors du temps si elle n’était pas à l’évidence tout simplement si éloignée de nos paysages technologiques. Andre Matthias rythme ainsi les pérégrinations du personnage principal (« Svet-Ake », littéralement Monsieur Lumière), un électricien humaniste dans un Kirguizistan rural, et en dresse un portrait musical tout en nuances : la sonorité bienveillante, chaude mais mesurée du duduk le nimbe notamment d’une aura de réconfort tandis que la sobre mais très belle ligne mélodique, selon qu’elle soit franche ou discrète, lui confère une impression mêlée de force tranquille et de relative fragilité. Dans un geste proche de l’imitation, le compositeur traduit également le bourdonnement du courant électrique qui, dans le contexte du film, apporte autant la lumière que l’espoir et la vie : grâce aux seuls accords lancinants qui lui sont attribués, et pour banale qu’elle puisse apparaître dans nos sociétés, la fée électricité apparaît ici telle une manne providentielle, porteuse d’un mysticisme fascinant. De ces deux idées majeures naît alors une partition humble dans ses effets mais qui n’en est pas moins envoûtante, rassurante même. En ces temps de débauches musicales en tout genre qui peinent trop souvent à trouver leur pleine justification, voilà qui fait un bien fou…

 

The Light Thief

Florent Groult
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