CHE de Alberto Iglesias :
un vrai score d'atmosphère, d'ambiances, mais superbement écrit
le genre de musique qui convient parfaitement aux demandes musicales de Soderbergh qui ne privilégie pas, on le sait, dans ses drames, des partitions romantiques ou lyriques, tout simplement parce que sa manière de filmer, dans ce film en particulier, cette façon de faire progresser les comédiens dans un décor (naturel) ne nécessite absolument pas de sentimentalisme, d'autant qu'il nous raconte un moment d'Histoire très connoté idéologiquement (par son héritage) sans jugement de valeur, donc pas d'héroïsation superflue, c'est ce qui transparait dans cette partition
la musique dans le film est bien dosée, elle joue parfaitement le rôle voulue par le cinéaste
Cela ne veut pas dire que le compositeur est indifférent, car il revient à Alberto Iglesias le soin de distiller des moments psychologiques, qui s'accordent avec les personnages, leur situation, le lieu de l'action
Iglesias accompagne ces combattants révolutionnaires dans leur combat, leur peur, leurs doutes, leurs victoires
et en fonction de ces sujets là (action, personnages, etc) il accorde alors l'instrumention et l'écriture, soit un ensemble instrumental, soit des ambiances, soit un solo, un duo, etc
dans "ambush" j'adore cette idée d'utiliser les vents dans de longues tenues dissonnantes avec le son pincé de ce qui ressemble à des flûtes à bec
"camino a la habana", c'est le moment de la victoire, la marche est optimiste, généreuse, superbe !
Globalement la partition est acoustique, avec un complément électronique très subtil, petit ensemble orchestrale, rôle donné à toutes les familles : percussions, cordes, cuivres, vents, etc dans un style qui évoquerait parfois l'approche d'un Jerry Fielding (sans peut-être sa complexité), ou d'un Jerry Goldsmith, sans thématique mais des textures, des ponctuations, avec des moments très précis pour le cor anglais, les cordes en sourdine, des moments d'écriture très contemporaine des cordes, des moments où l'on se retrouve avec un duo de la flûte basse et la harpe
l'instrument qui incarne le Che, c'est la guitare ("doctor guevara"), l'écriture contraste alors vraiment avec les tensions orchestrales (l'action, l'Histoire en marche) la guitare est simple, pure, émouvante, elle est le portrait d'un homme
le plus beau moment de l'album : la musique qui accompagne l'éxécution du Che ("La Higuera, october 9, 1967"), quand la guitare apparaît, après l'angoisse exprimée par le quatuor et les ambiances électroniques, à 1:48, ces accords de guitare seule, que c'est beau, l'émotion est brute, elle exprime alors la solitude, la perte, un peu à la manière de Horner dans
Field of Dreams, puis le thème est repris par les cordes dans un adagio très émouvant, enfin le morceau se termine, un crescendo électronique qui s'interrompt brutalement !
ce moment d'émotion, on l'attendait dans l'album et il arrive de façon surprenante pour accompagner le moment le plus tragique
j'ai hâte de voir la scène qui correspond à cette musique (dès le 28 en salle) car je m'imaginais en l'écoutant tout à fait la manière de la filmer, la musique dictait les images...je serai curieux de voir si mon intuition correspond avec l'intention du cinéaste, c'est vraiment un moment magique quand une musique peut si bien déclencher l'imagination alors qu'on a pas encore vu la scène
la prise de son est superbe
pour terminer l'album, deux très belles chansons, j'adore le refrain de
Balderrama, ça prend aux tripes cette musique là ! Et Fusil contra Fusil, pareil !
