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Liu Chia-liang (1936 - 2013)

Publié : sam. 13 juil. 2013 22:57
par Lee Van Cleef
Il était peut-être la plus colossale figure de proue du cinéma martial. En rendant son dernier souffle, le 25 juin dernier, Liu Chia-liang a jeté un suaire opaque sur les belles heures passées du wu xia pian et du film de kung-fu, qu'il a su mieux que personne arracher au marasme qui a toujours menacé de les engloutir. Dans les années 60 déjà, le discret Tang Chia et lui, bombardés maîtres-chorégraphes, ont beaucoup fait pour l'essor de l'ambitieuse Shaw Brothers, au sein de laquelle ils ont réglé d'affolantes pléthores de combats dantesques. L'ogre Chang Cheh, au premier chef, bénéficia tout particulièrement de leurs largesses martiales. Mais Liu ne pouvait se satisfaire toujours de ce poste d'artisan de l'ombre. Et la mise en scène de The Spiritual Boxer, qui lui fut confiée par la redoutable femme d'affaires Mona Fong au milieu des seventies, acheva de lui mettre le pied à l'étrier.

S'ensuivirent bien d'autres films, pour la plupart classiques instantanés de l'ex-enclave britannique, que notre homme-orchestre envisageait autant comme d'excitants objets de pur cinéma (devant sa caméra, tout n'était que mouvement et gestuelle gracieuse) que comme des outils pédagogiques, empreints jusque dans la moelle de leurs os du wu de et de la philosophie séculaire des arts martiaux. L'un des nombreux tours de force de Liu Chia-liang étant que cette dernière dimension, pourtant prépondérante, n'a jamais transformé ses oeuvres en pensums gentiment raseurs. Plus qu'un simple faiseur de castagnes à tout va, c'est un très grand cinéaste qui s'en est allé. Adieu, monsieur Liu. Le vieux Van Cleef ne vous oubliera pas de sitôt.

Re: Liu Chia-liang (1936 - 2013)

Publié : dim. 14 juil. 2013 08:36
par Krull
Aaaah La 36ème Chambre de Shaolin... Premier film impérissable d'une trilogie à voir et à revoir ! Merci Monsieur Liu pour ces beaux films qui ont bercé mon enfance et me réjouissent encore.

Re: Liu Chia-liang (1936 - 2013)

Publié : mar. 16 juil. 2013 21:43
par Lee Van Cleef
J'ai toujours eu envers la fameuse trilogie Shaolin des sentiments assez ambivalents. Classique souverain et oeuvre ô combien emblématique de son auteur, La 36ème Chambre... me paraît pourtant un chouïa surestimé sur les bords, tandis que sa (fausse) suite, le beaucoup plus léger Retour à la 36ème Chambre, qui m'enchante par sa stupéfiante fantaisie chorégraphique (ah, le "kung-fu de l'échafaudage" !), mériterait à mon sens une considération plus grande que le petit peu qu'on daigne lui accorder.

Je dois pourtant dire que mon film favori de Liu Chia-liang est aussi, probablement, le plus déroutant de tous. Celui dans lequel il fait voler en éclats avec une rage estomaquante la vertueuse philosophie martiale dont il s'était fait, toute sa carrière durant, le plus talentueux et dévoué ambassadeur. Celui, enfin, où plane de bout en bout l'ombre de son ancien complice Chang Cheh, chantre de l'individualisme ténébreux et des massacres orgasmiques que Liu a toujours toisés d'un oeil peu amène. Je parle bien sûr du fabuleux Les 8 Diagrammes de Wu-Lang, qui voit notre sifu adresser ses adieux à une Shaw Brothers au bout du rouleau en s'abandonnant, pour la première et dernière fois, à l'exploration jusqu'au-boutiste de ses plus sombres pulsions.