Il y a comme ça des compositeurs faisant preuve d'une instinctive compréhension des impératifs dramatiques à l'écran. Même s'il n'a pas toujours été traité en seigneur sur ce coup-là (témoin l'affrontement sur la jonque bientôt livrée aux flammes, dont votre serviteur s'est efforcé de restaurer au mieux de ses possibilités la musique sacrifiée), Franco Piersanti est parvenu à saisir, non d'une poigne d'acier, mais du bout de ses doigts caressants, l'esprit adorablement vaporeux d'un Corto Maltese, la Cour Secrète des Arcanes ayant décidé de faire honneur au style si particulier d'Hugo Pratt. Même le combat ferroviaire qui tourne à l'abattoir n'a rien d'un morceau de bravoure généreusement tape-à-l'oreille. Gloire à Franco !

En tant que fils de Dieu, maître Jerry savait évidemment marcher sur l'eau, mais pouvait aussi flotter au gré de sa fantaisie dans les airs ! Il le prouve ici, ballotté avec douceur tout au sommet du dédale de la forêt amazonienne, en caressant l'immense voûte moussue de ses cordes gracieuses et de ses scintillants synthés.

Depuis que FSM est tombé au champ d'honneur, Prometheus, avec ou sans le secours de Tadlow, demeure à quelques exceptions près le dernier des braves pour continuer à explorer les passionnants dessous télévisuels de la carrière de maître Jerry. Une passion envers la petite lucarne que nos amis belges entretenaient même avant ce début de millénaire, comme l'atteste l'indispensable édition de Contract on Cherry Street. Une musique redoutable écrite pour un téléfilm policier dont le vieux Van Cleef vous donne dès à présent un aperçu de bruit et de fureur.

C'est bien malgré lui que John Fitzgerald Kennedy a fini par devenir un véritable héros de cinéma, dont la plus singulière particularité tient à ce qu'il apparaît à l'écran plus souvent mort que vivant. Oliver Stone, spécialiste variablement inspiré du gratin des chefs d'état américains, n'a bien entendu pas manqué d'apporter au funèbre édifice sa propre pierre, taillée et polie tant par ses investigations maniaques que par la mémorable musique de John Williams. Tonino Valerii et Luis Bacalov les ont néanmoins précédé, devenant même, par le biais d'un solide western qui n'aurait sans doute jamais vu le jour sans la tragédie de Dallas, les premiers dépositaires d'un fantôme qui n'a pas fini de hanter les salles obscures.

A la vue des impressionnantes longueurs de chanvre que déroulent les deux extraits du jour, l'on aurait grande légitimité de croire que le vieux Van Cleef se consume d'une torride passion pour cette toute nouvelle manière d'exercer ses talents d'assassin de l'ombre... Rien d'aussi macabre, soyez rassurés gentlemen, n'est à déplorer chez Paul Verhoeven (malgré les apparences) et Larissa Shepitko, digne compagne de cinéma d'Elem Klimov. Et je ne parle pas des formidables musiques du roi Basil et du géant Schnittke, dont le talent coule et murmure à cent lieues de tout lit complaisamment mortifère.

Les envahisseurs d'outre-espace attaquent, et ils ont dépêché leurs plus féroces agents ! D'un côté, notre rastaman fétiche, qui n'a pas l'ombre d'un geste fraternel envers ses congénères chevelus, comme a pu le constater de ses propres yeux Alan Silvestri ; de l'autre, l'Ennemi personnifié, à la fois monstrueux danger venu d'ailleurs et incarnation faite chair du péril rouge, qu'un Dimitri Tiomkin pour une fois en rupture d'exaltants flonflons magnifie au cours d'une des plus mémorables scènes choc de la SF des fifties.

Seiji Yokoyama a quitté cette vallée de larmes, mais son confrère et d'une certaine manière concurrent, Shunsuke Kikuchi, se porte aux dernières nouvelles très bien malgré les quelques années supplémentaires qu'il affiche au compteur. C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité lui rendre un hommage qui ne fût pas posthume avec deux vidéos tirées de l'une de ses oeuvres phares, Dragon Ball. Monumentale erreur ! Le titre en question, me suis-je aperçu quelques secondes trop tard, comporte un mot propice à de graveleux quiproquos dont la brigade des moeurs, comme lors du malheureux épisode Octopussy, m'a aussitôt fait l'impitoyable reproche.

Et voilà, pour la seconde fois en quelques mois, le vieux Van Cleef jeté tête la première dans le ruisseau ! Non sans qu'on ait pris la précaution, bien entendu, de le délester des clefs de Vimeo City... Le quignon de pain rassis d'UnderScores renaîtra-t-il encore de ses cendres un jour prochain ? Je dois confesser un certain abattement pesant lourd sur mes épaules pointues, gentlemen. Sans doute vais-je arrêter les frais, en tout cas sous cette enseigne n'ayant aucun égard pour les hommes d'âge mûr... Enfin, maintenant, un peu de repos me tend ses bras de velours et de coton moelleux ! C'est que c'est harassant, de soliloquer à longueur de post, on se rend pas compte.

Le vieux Van Cleef a peut-être baissé pavillon (peut-être, oui, peut-être...), mais sur le Tube, de vaillants guerriers refusant de s'en laisser conter par les grenouilles de bénitier et les copyrights infranchissables (râââhh ! Mais quel est leur secret ?) poursuivent le combat. La chevaleresque cause de la musique de film mérite ces efforts herculéens, à plus forte raison lorsqu'elle est portée jusqu'aux cieux et même au-delà par le saint patron de la discipline, maître Jerry himself. Rien que pour vos yeux dilatés et vos oreilles saisies de ravissement, gentlemen, voici déjà venir Damnation Alley (et ses grappes de cancrelats vénères) ! Quelques bruitages et bouts de dialogues en vadrouille viennent narguer le principe avant tout musical de notre beau topic, mais rien qui exigerait qu'on laisse cet excellent montage au placard.

Living soundtrack : voilà un patronyme sonnant telle la plus enjouée des ritournelles aux oreilles du vieux Van Cleef. Son détenteur, en tout cas, ne racontait pas des craques. Sous son toit, la bonne zique répond présente, en l'occurrence celle de deux excellents John, Barry et Scott, qu'une impressionnante palanquée de vidéos affuble tous deux du crin noir et hirsute de certain roi de la jungle. Gentlemen, faites donc votre petit marché ! Pour ma part, je distinguerais surtout le sacrifice toutes clameurs dehors de la Belle à la Bête et le tête-à-tête dans les gigantesques entrailles du tanker, deux scènes que magnifie la musique qu'on a rarement connu aussi caverneuse et tribale de Barry. Quant à l'hilarant King Kong Lives... Pas facile de choisir parmi un tel florilège de morceaux de bravoure quatre étoiles ! Allez, pour le bonheur des zygomatiques...

Un de ces quatre matins, il faudra quand même que je me botte énergiquement l'arrière-train (exercice de contorsion pour le moins extrême et réservé aux seuls prodiges de sveltesse tels que le vieux Van Cleef) pour procéder enfin à l'achat du coffret Jurassic Park où m'attendent, nimbées de toute leur hargne primitive, les charges tribales de The Lost World. D'autres n'ont évidemment pas tergiversé avant de fondre sur le précieux comme la vérole sur le bas-clergé. Résultat, un florilège de vidéos gavées d'adrénaline non coupée ! Le valeureux gaillard qui en est l'auteur a pioché dans bon nombre de morceaux de bravoure, comme le sauvetage ric-rac des héros suspendus entre ciel et mer et l'attaque vicieuse de nos chers raptors, qui n'étaient pas encore devenus d'aimables Médor toujours prêts à tirer les humains d'un mauvais pas.

Après une salve inaugurale composée d'Empire of the Sun et d'Apollo 13, le sympathique Just The Score, internaute bien nommé s'il en est, prouve avec la seconde fournée que les majestueux essors hollywoodiens et les mélodies ciselées (un peu trop sagement, parfois) représentent sa came favorite. John Barry au faîte de sa gloire, James Newton Howard cravachant comme un beau diable pour son ancien comparse Shyamalan et Thomas Newman jouant de sa lénifiante boîte à musique sont au programme. Des choix guère périlleux, mais qui ont néanmoins le mérite de nous changer plus qu'agréablement des isolated scores n'ayant d'yeux que pour le méphistophélique clan Zimmer. Dans les entrailles souvent malfamées du Tube, combien de vidéos musicales façonnées en l'honneur douteux des Transformers et Pirates of the Carribean ?

UN PETIT coup de Mission to Mars sous la baguette du grand Ennio :

Magnifique trouvaille dont tu nous fais le cadeau gracieux, Bobby-boy ! J'imagine qu'il faudrait également remercier le Yéti velu, qui, même si très involontairement, semble t'avoir donné l'idée sur un topic voisin d'aller farfouiller dans les entrailles du Tube à la recherche d'extraits musicaux de Mission to Mars. Voilà ce qu'il convient d'appeler un travail d'équipe impeccablement huilé.

La spéciale The Mummy chez Intrada a fait plus d'un heureux. Mais d'aucuns n'ont pu réprimer une moue passagère de dépit, après avoir tant cru et espéré que le morceau épique annoncé aux couleurs "goldsmithiennes" serait le somptueux Mulan. A l'intention de ces pauvres diables, le vieux Van Cleef extirpe généreusement de la corne d'abondance appelée YouTube de quoi leur rendre l'existence plus douce... Ah, mais c'est décidément jour de bonté de la part du barbon vermoulu d'UnderScores : voici venir un autre remontant, encore plus vitaminé que le premier !

Lee Van Cleef a écrit :Ah, mais c'est décidément jour de bonté de la part du barbon vermoulu d'UnderScores : voici venir un autre remontant, encore plus vitaminé que le premier !

Nous sommes bien d'accord que c'est cette charge des Huns empêchée par une "Ping" androgyne aidée par un Mushu irrésistiblement drolatique qui constitue le point culminant de cette partition exceptionnelle, mais je me suis moi-même raisonné après avoir revu par inadvertance ce Mulan tout à fait respectable pour un Disney contemporain : ce score était fièrement désuet avant l'heure et comportait incongrûment en 1998 (à l'instar de presque toutes les compositions maîtresses de la déité) des plages entières de combinaisons électro-orchestrales dont Goldsmith avait le secret, et je rangerai donc aussi, parmi les moments grandioses de ce score, la prise de décision ferme de travestisme de Fa Mulan ( ; plage dantesque (bien que trop courte) qui plagie sans vergognes et sans mots dire "Hoosiers", "Gladiator" et même "Mr. Baseball" (le tout enrubanné dans la patte de l'époque "Small soldiers").
Une once de virilité dans un univers mièvre exige un rappel historique ! N'en déplaise aux puritains.

Morceau (revu et corrigé en dernière minute) étonnement absent de l'album commercialisé mais bel bien dans le FYC des Oscars ou le score est privilégié, reste à savoir si Intrada va nous sortir une édition bien complète ou Disney tout seul dans sa collection.

Une plage présente (mais ramenée à 1'16 de façon à exposer ce jingle synthétique dans son plus simple appareil en guise d'introduction au score de Goldsmith) dans l'édition française d'excellente facture sonore sous le titre "transformation" ; d'ailleurs je n'ai jamais compris l'omission de l'édition américaine.

Tu parles de la version purement orchestrale.

Non, de la version française de la bande originale de Mulan intégrant aussi les chansons et à l'époque beaucoup n'ont pas soupçonné que seule l'édition française comprenait cette plage inédite et précieuse (mais en réalité une rapide recherche indique qu'il y eut une multiplicité d'éditions "locales" Walt Disney excluant ou non capricieusement cette piste "Haircut" raccourcie ou non). Bref, rien ne vaudrait de toute façon le score complet dans un bel écrin.

J'ignorais, il faut dire que j'ai privilégié l'album Ricain parce que la Version Française des chansons était médiocre pour Mulan de mon point de vue.

Alcibiade a écrit :ce score était fièrement désuet avant l'heure et comportait incongrûment en 1998 (à l'instar de presque toutes les compositions maîtresses de la déité) des plages entières de combinaisons électro-orchestrales dont Goldsmith avait le secret

Je ne vois vraiment pas ce que l'utilisation de l'électronique pouvait avoir de si "incongru" dans une décennie telle que les nineties, où les vieux de la vieille (maître Jerry et le roi Basil, l'on pourrait en citer bien d'autres encore) tout autant que les requins aux dents longues (l'infâme Hans et ses hordes de nervis ricanants) en firent abondamment emploi au sein de l'orchestre.

Alcibiade a écrit :et même "Mr. Baseball"

"Dis donc, gamin, je me souviens carrément pas de t'avoir appris
à déblatérer ce genre de carabistouille !"

Oups ! Je n'aurais pas dû jouer avec le feu et Mr. Baseball. Mais que fait donc la censure ?

Pour en revenir à ce canevas initial sur lequel il y a peut-être eu incompréhension :

Lee Van Cleef a écrit :Je ne vois vraiment pas ce que l'utilisation de l'électronique pouvait avoir de si "incongru" dans une décennie telle que les nineties, où les vieux de la vieille (maître Jerry et le roi Basil, l'on pourrait en citer bien d'autres encore) tout autant que les requins aux dents longues (l'infâme Hans et ses hordes de nervis ricanants) en firent abondamment emploi au sein de l'orchestre...

Il est évident que le propos demeurait la tonalité électronique utilisée jadis, que ce soit par Goldsmith, Horner, Poledouris, Jarre, Williams, etc. et qui est désormais kitsch (l'outillage technique, quoi ! Effectivement ainsi que l'ancien Zimmer singeant Vangelis paraît aujourd'hui poussiéreux). Le son électro-orchestral d'un Zimmer contemporain ou d'un Djawadi ou d'un Jablonsky paraîtra, à l'oreille d'un auditeur actuel, familier (et dans vingt ans, ce son sera, pour les générations futures, dépassé et "vintage" à son tour), mais il y aura de la part de ce même auditeur de notre temps (je le suppose de façon convaincue) un étonnement notable (voire un rejet hilare) face à un "Tangerine dream" ou à un "Gorgio Moroder" ou à une plage quelconque d'un Goldsmith expérimental style "Link" ou "Gremlins". Il n'est pas question de comparer un Moroder à un Goldsmith, mais simplement de remarquer qu'il pouvait y avoir une similarité de "sons" (je me rappelle à l'époque une critique assassine de Mad Movies sur "Gremlins 2" déplorant les concessions faites à la mode ambiante de l'"électro dance" - enfin en résumant grossièrement : "ce qui a l'air inquiétant, c''est que Goldsmith fait de plus en plus appel à son ordinateur pour composer"). Voilà pourquoi (et de manière spéculative) il est certainement sensé de dire que "Mulan" est foncièrement daté (mais l'était déjà à l'époque - en définitive) et, pour preuve, cette plage qui condense avec bonheur la fibre "expérimentale" et désuète de Goldsmith ("Transformation" dans la version française) ; plage que j'apprécie tout particulièrement. Autrement dit (et pour faire court et avec le temps passant et aidant), toute composition trahit son époque par l'usage des moyens techniques en vogue à cette époque, et certaines compositions jouent encore plus la carte du "daté" en reprenant, consciemment ou non, certains schèmes du passé.

Ah, la magie des mots... Le négatif "daté" et sa réciproque acceptable (et commercialement titillante), "vintage" ! En complément des justes explications d'Alcibiade, j'attends toujours que l'on m'explique comment une œuvre ne pourrait pas être datée (comprise comme émanant de son époque) d'une manière ou d'une autre, et donc comment tout amateur de musique pourrait faire autrement qu'aimer des choses datées - y compris utilisant des instruments, modèles et techniques passés de mode ? Ou alors il faut assumer et s'exprimer clairement : ça sonne tout moisi, c'est de la musique de Louis XIV... etc. Et risquer un complet retournement de veste si par malheur ces sons datés devenaient classieusement vintage !

Concernant Mulan et d'autres Goldsmith de cette époque, il est vrai que certains sons électroniques (surtout la batterie) créent un décalage temporel immédiat ! Surtout plaqués sur un orchestre... ça peut choquer le manant converti aux effets de mode. Mais s'agit-il seulement d'un problème de datation ? Pas sûr, car il faut admettre que leur utilisation par Goldsmith était déjà décriée au moment de la sortie des albums... Contrairement à des Vangelis, TD ou même Moroder qui ont fait plus que suivi la mode (et à mon avis tombent dans la catégorie "vintage" ), Goldsmith a parfois fait le choix d'un faux modernisme malheureux. Après, je pourrais avouer que les aime plus maintenant qu'à leur sortie (ces Goldsmith critiquables), mais on va me "dater" en me taxant de nostalgie... et on aura sûrement raison !

Lee, elle est horrible cette scène !!! c'est quel film ?