Quand on évoque Nicola Piovani, les partitions anxiogènes du cinéma de suspense et d'horreur ne sont pas précisément les premières à effleurer l'esprit. Et pour cause, le compositeur n'ayant jamais éprouvé l'incoercible désir de faire durablement ami-ami avec ce type de bestiaux, hirsutes et mal embouchés. Il Profumo della Signora in Nero, l'une de ses rares tentatives en la matière (écrite, soit noté en passant, pour un film nimbé d'une très flatteuse réputation), donne à regretter qu'il n'ait pas voulu plus souvent s'encanailler, tant est flagrante et digne d'éloges son habileté à jongler avec les figures obligées du genre all'italiana : du lyrisme, en bonne dose, et des crissements maléfiques, beaucoup. Comme de bien entendu, l'album, étiré tel un bâton de caramel entre les mains d'un gosse hilare, ne lésine pas sur les redondances et se mord assez vite la queue malgré ses 50 minutes de prime abord pas excessives. Mais ce n'est pas comme si les Cinecittà-addicts, qui en ont vu d'autres, pouvaient s'en déclarer ébaubis.

A la première écoute de "La Più Bella Serata Della Mia Vita", j'ai d'abord cru que le CD avait un défaut... mais non, c'est bel et bien la musique d'Armando Trovaioli. Durant l'enregistrement du score, il devait sûrement tester différents cocktails PCP-LSD pour un pote chimiste amateur. Il y a des passages agréables, hélas rapidement parasité par un synthé vraiment moche et des sortes de pulsations assez infâmes.
Heureusement, cela s'arrange avec les deux scores suivant, qui eux sont vraiment sympas. Ouf !

On a toujours parlé, à juste titre, de la musique de Profondo Rosso comme d'un classique immédiat, un de ces coups de maître séminaux imposant sur-le-champ leur originalité conquérante. Mais pour être honnête, je ne me doutais pas que le chef-d'oeuvre de Goblin avait fait si rapidement venir la bave aux lèvres des pique-assiette : 1975, année d'exploitation du giallo écarlate de Dario Argento, n'était pas encore achevée que Morte Sospetta di una Minorenne déboulait dans les salles, flanqué d'un thème où Luciano Michelini fait un peu plus que s'inspirer de ses électriques confrères. A sa décharge, reconnaissons qu'il semble s'être pris pour les exclamations déjantées de l'orgue d'une passion absolument pas simulée, tant et si bien que ses joyeuses expérimentations feraient presque penser à la célébrissime Toccata et Fugue en Ré Mineur de Bach après qu'on l'ait jetée dans un laminoir pop. Ajoutez à cela les interventions impromptues d'un accordéon pour bal musette, ainsi qu'une mélodie chaleureuse dont la joliesse a suggéré à Michelini de très agréables dérivés, et vous obtiendrez un disque à la compagnie des plus agréables.

Côté italien, je viens de me faire...ou plutôt de me refaire...le somptueusement sombre et romantique Milarepa de Daniele Paris. Je ne serais pas étonné qu'il s'agisse-là de sa musique de film la plus aboutie. Une chose est toutefois acquise: du haut de ses 48 minutes sous la forme d'une suite pour orchestre symphonique, elle m'emporte très haut et pas seulement lorsqu'elle reprend le magnifique thème principal au violon solo qui me tétanise à chaque incursion... Mon cher Lee, j'espère que tu connais. Si ce n'est pas le cas, voilà une belle lacune à combler.

Daniele Paris... Le compositeur d'Il Portiere di Notte, c'est ça ? J'ai déjà aperçu, au hasard de mes pérégrinations tant virtuelles que parisiennes, le disque regroupant ces deux partitions, sans avoir néanmoins procédé à l'achat. "Oubli" ou "faute", comme l'on voudra, que je devrais incessamment réparer, eu égard à la galvanisante description que tu viens de donner de Milarepa, mon brave Janus.

Janus a écrit :le somptueusement sombre et romantique Milarepa de Daniele Paris (...) du haut de ses 48 minutes sous la forme d'une suite pour orchestre symphonique

Janus, tu ne sembles pas parler du CD évoqué par Lee, alors, lequel ?

D'après SoundtrackCollector, camarade Dadid, il n'existe pas d'autre album que celui-ci.

Lee Van Cleef a écrit :D'après SoundtrackCollector, camarade Dadid, il n'existe pas d'autre album que celui-ci.

Tout-à-fait! Il s'agit bien de l'édition "Cam" évoquée par Lee. Si je n'ai pas mentionné Il Portiere di Notte dans mon précédent commentaire c'est parce que je ne l'ai pas réécouté. Cette musique a aussi son charme, seulement je n'avais envie d'écouter que Milarepa qui fait déjà 48 minutes à lui-seul. Dadid, si tu as l'occasion d'y jeter un oreille, n'hésite pas. Tu risques d'être positivement surpris.

Merci, j'ai découvert cet extrait sur Youtube, qui m'a plu - j'avais bien repéré le CD grâce à Lee, mais sans imaginer la durée de l'unique plage réservée à Milarepa. Du coup je me suis lancé et commandé, merci pour la recommandation !

Dadid a écrit :Merci, j'ai découvert cet extrait sur Youtube, qui m'a plu - j'avais bien repéré le CD grâce à Lee, mais sans imaginer la durée de l'unique plage réservée à Milarepa. Du coup je me suis lancé et commandé, merci pour la recommandation !

Lorsque tu auras mis cette suite entre tes oreilles, j'espère que tu me donneras ton avis ici, même court...

Ca va faire un certain temps que je guette le score d'Il portiere di notte, malheureusement le CD est vendu au minimum à 40 euros.

Si Frizzi, Bixio et Tempera, les trois mousquetaires qui n'étaient vraiment que trois, pensaient pouvoir embobiner leur petit monde, pas vus pas pris, avec La Preda, ils se fourvoyaient lourdement ! En 1974, le vol caractérisé qu'ils venaient d'effectuer sur la personne du Love's Theme de Barry White n'avait aucune chance, mais alors pas l'espèce d'une, de passer inaperçu. Heureusement pour le trio d'indélicats chapardeurs que La Preda, à cent lieues d'une superproduction susceptible d'attirer sur elle tous les regards, et par là même un procès revanchard, n'était qu'un minuscule B vite englouti par l'oubli (encore que Zeudi Araya, sa voluptueuse tête d'affiche, ne mérite absolument pas d'être happée toute crue par de tels blancs mémoriels)... Quoi qu'il en soit, si l'on parvient à faire abstraction de la kleptomanie des compositeurs, on pourra savourer dès lors, l'esprit léger, une très agréable musique, qui paillète de satin et d'étoiles l'exotique ciel bleu du film, où se découpent des myriades de palmiers dodelinant indolemment de la tête.

J'avais loupé l'annonce faite par Starfe en temps et en heure !
Au détour d'un fil sur le forum FSM, j'ai appris qu'un éditeur avait luxueusement (vinyle, CD, cassette) mis au jour la musique de Carlo Maria Cordio pour l'improbable Troll 2

Confronté avec un effroi subit aux souvenirs des synthés expectorant tout du long de cette suite abyssale un simili-rock glaireux, le vieux Van Cleef n'a qu'une chose à déclamer : rendez-nous Richard Band, nom d'un katana en plastique à bulles !

Tu n'as sans doute pas vu le film (qui propose des costume signés Laura Gemser ), sinon tu aurais su à quoi t'attendre

Lee Van Cleef a écrit :Confronté avec un effroi subit aux souvenirs des synthés expectorant

Et ça, c'est l'homme qui a chroniqué la musique de Robert J. Walsh pour REVENGE OF THE NINJA en lui attribuant un bicéphale 0/5 et 5/5 qui vous le dit !!

Je viens de voir que j'avais compris le message de Lee de travers

Sam Lowry a écrit :

Lee Van Cleef a écrit :Confronté avec un effroi subit aux souvenirs des synthés expectorant

Et ça, c'est l'homme qui a chroniqué la musique de Robert J. Walsh pour REVENGE OF THE NINJA en lui attribuant un bicéphale 0/5 et 5/5 qui vous le dit !!

Je plaide coupable, mais sans repentance aucune. Car voyez-vous, dans Troll 2, on ne trouve pas la moindre trace de ninjas multicolores sautillant sur d'invisibles (heu, pas toujours, en y réfléchissant) trampolines. Et ça, à mes yeux vitreux, c'est une carence rédhibitoire.

Edern a écrit :(qui propose des costume signés Laura Gemser )

Des années durant, avant que l'évidence ne puisse plus être niée, j'ai voulu croire à une étonnante homonymie, voire à un pseudonyme dont les racines auraient témoigné d'un esprit pour le moins farceur. S'il est un métier de cinéma dans lequel on n'imaginait pas même une fraction de seconde l'inoubliable Black Emanuelle se reconvertir, c'est bel et bien celui de costumière !

Une compil thématique de Lavagnino qui mérite particulièrement d'être signalée, puisqu'elle l'associe à Orson Welles et Shakespeare, ce qui n'est pas dégueulasse. Le style musical risque de ne pas plaire à tout le monde mais pour moi c'est achat direct !

THE ORSON WELLES / A. F. LAVAGNINO COLLABORATION (THE MERCHANT OF VENICE / FALSTAFF / OTHELLO)

... et on peut aussi écouter une Petite video

Je ne connais que Falstaff, déjà édité plusieurs fois en CD par CAM dans le courant des années 90. Et effectivement c’est pas mal du tout.

Lavagnino, compositeur lumineux par excellence, arpentant aux seules lueurs de son aura flavescente les ténébreux boyaux dont le plus mythique de tous les dramaturges et le formaliste génial brimé par Hollywood avaient fait leurs terres d'élection. Sans conteste, il n'y a pas à y réfléchir à deux fois.

Ô ! Janus, fakir ineffable parmi les sages, érudit aux dimensions prométhéennes, qu'es-tu donc devenu ? Dans la pénombre de quel cloître solitaire, où jamais la voix du vieux Van Cleef ne soulèvera quelque écho que ce soit, as-tu choisi de te retirer, hors d'atteinte des vicissitudes béophiles ? Avec qui diable, en ton absence, vais-je pouvoir partager les lancinantes vertus de Sotto il Segno dello Scorpione ? Car ce score, jailli de nulle part ou d'un no man's land équivalent, a toutes les cartes en main pour faire fondre sous ton écorce de renard rusé l'adorateur des ténèbres atonales. C'est bien simple, nonobstant les interventions mélodieuses du Nora Orlandi Choir, qu'à chaque fois un orphéon guttural envoie valser dans le décor, la partition de Vittorio Gelmetti donne l'impression d'un chemin caillouteux le long duquel saigneraient des pieds nus. Dans son illustration d'une société préhistorique, le compositeur, connu surtout, dit-on, pour son rôle de pionnier de la musique électronique italienne, oublié des éditeurs malgré deux ou trois petites dizaines de scores pour le cinéma, s'est fichu comme d'une guigne des gentilles facilités vouées à glisser sur le conduit auditif au lieu de l'emplir de sibyllins murmures. Tous les chats du Cheshire de l'univers s'en désoleront en frémissant des moustaches, les autres se laisseront peut-être happer par les chants arides des premiers âges.

Les super-bonshommes trônant avachis au firmament de la pyramide hollywoodienne n'exercent plus d'effet notable sur vos terminaisons nerveuses ? Les éructations dignes d'un champ de mines ou d'une carrière de gravats que déclenchent Batman, Superman & Co dans leur sillage ont agacé jusqu'au sang vos tympans sans défense ? Gentlemen, L'Uomo Puma est fait pour vous ! La musique de Renato Serio, aussi souple, foudroyante et griffue que le terrible prédateur dont elle a emprunté sans aucun complexe le nom, est sur le point d'atterrir au terme d'une acrobatique cabriole chez GDM. L'achat, cela va sans dire, est inéluctable et primordial.

Il ferait une belle paire avec Supersonic man !