Page 1 sur 1
The Artist
Publié : sam. 15 oct. 2011 18:24
par Lee Van Cleef
Dans l'inconcevable mansuétude dont ils aiment parfois faire profiter leurs séides, les hideuses divinités du monde d'en-bas m'ont permis de découvrir mon second coup de coeur de l'année une semaine seulement après m'être régalé du second, qui était Drive. "Tu m'étonnes qu'une vieille breloque naphtalinée, en noir et blanc, avec des acteurs qui causent pas, ça ne pouvait que faire saliver le Vieux", entends-je déjà maugréer les plus perfides et narquois de mes compagnons d'arme. Ô combien bornés pouvez-vous être ! Car The Artist est à cent lieues de la contrefaçon ankylosée du cinéma muet qu'ont dénoncée les esprits chagrins. Nulle trace de pastiche cynique ni de nostalgie geignarde dans ce projet, mais toute la générosité et la sincérité d'un Michel Hazanavicius définitivement à part, qui ne fait qu'écrire le nouveau chapitre d'une carrière vouée à la célébration, à la fois respectueuse et détonante, de ce que d'aucuns appellent avec une pointe de condescendance "les vieux classiques" : hier le divertissement coloré des sixties (les deux OSS 117) et tout un pan du cinéma américain des années 50 à 70 (le cultissime La Classe Américaine), aujourd'hui les serials truffés de rebondissements improbables et les mélodrames de King Vidor, Frank Borzage ou Pabst. Le résultat, croyez-en le vieux Van Cleef, est une petite merveille d'élégance, de drôlerie et d'émotion, que même les indénombrables réfractaires au cinéma hexagonal seraient bien avisés de foncer découvrir ventre à terre !
Re: The Artist
Publié : sam. 15 oct. 2011 18:46
par Brother Cadfael
Je plussoie à cet avis. En ce qui me concerne, je me suis effectivement régalé.
Mon seul bémol vient de l'utilisation pour une scène cruciale de la musique de Vertigo (la Scène d'Amour, le réenregistrement de Bernstein) qui selon moi ne fonctionne pas parfaitement. Pour le reste, c'est tout bonheur...
Re: The Artist
Publié : lun. 17 oct. 2011 14:16
par Sam Lowry
Mon seul bémol vient de l'utilisation pour une scène cruciale de la musique de Vertigo (la Scène d'Amour, le réenregistrement de Bernstein) qui selon moi ne fonctionne pas parfaitement.
Disons que, déformés que nous sommes par l'attention (sans doute disproportionnée et quasi maladive

) que nous portons à la musique de film en général, nous avons peut-être été, toi et moi (ma femme et un ami également ont ressenti cela), sortis du film un instant. En revanche, je trouve que ça fonctionne plutôt bien et que, surtout, c'est TRES intelligent d'avoir placé un morceau de VERTIGO à ce moment précis !! Je n'en dis pas plus pour les gens qui n'auraient pas encore succombé à l'envie d'aller voir ce film.
Je ne sais pas si le métrage en question fera un tabac (ça m'étonnerait) mais il le mériterait. Les acteurs sont excellents, la mise en scène est superbe, certaines scènes sont réellement magnifiques, le montage est très adroit, le propos (simple mais) intelligent et la musique, forcément remarquable, est splendide, pleine d'hommages divers et en même temps assez moderne (un beau numéro d'équilibriste de la part de Ludovic Bource) dans son traitement. Je voudrais aussi souligner le beau travail sur les orchestrations qui, sans être révolutionnaires, sonnent toujours justes, et les mélodies entrainantes et souvent aisément mémorisables. Chapeau l'artiste !
Re: The Artist
Publié : lun. 17 oct. 2011 16:39
par YuHirà
Je ne sais pas si le métrage en question fera un tabac (ça m'étonnerait)
S'il reste derrière
Un Monstre à Paris en nombre d'entrées, il a quand même fait un très bon démarrage mercredi, et de meilleure qualité que le film qu'il talonne: 72.521 entrées dans 295 salles alors qu'
Un Monstre à Paris a fait 80.393 spectateurs, soit à peine plus... dans 617 salles! J'imagine que la popularité de Jean Dujardin aide beaucoup au succès du film...
Re: The Artist
Publié : lun. 17 oct. 2011 18:59
par Lee Van Cleef
Brother Cadfael a écrit :Mon seul bémol vient de l'utilisation pour une scène cruciale de la musique de Vertigo (la Scène d'Amour, le réenregistrement de Bernstein) qui selon moi ne fonctionne pas parfaitement.
Il est certain que substituer brutalement les visages possédés de James Stewart et Kim Novak à ceux de Jean Dujardin et Bérénice Béjo n'est pas la meilleure façon de s'immerger dans ce qui est sans nul doute le climax émotionnel de
The Artist. D'autant que Ludovic Bource, sans pouvoir non plus prétendre rivaliser avec les cimes dramatiques de
La Scène d'Amour, était certainement en mesure de rendre un digne hommage au génie musical d'Herrmann. Qu'on se souvienne seulement du savoureux
Herrmann's Dance d'
OSS 117 : Rio ne Répond Plus !
D'un autre côté, je suis tout de même d'accord avec l'Être Bicéphale : pour qui n'a jamais vu
Vertigo ou n'en garde que quelques souvenirs effilochés, pareille reprise me semble tout à fait apte à susciter une émotion non feinte.
Re: The Artist
Publié : lun. 17 oct. 2011 19:07
par Lee Van Cleef
YuHirà a écrit :Je ne sais pas si le métrage en question fera un tabac (ça m'étonnerait)
S'il reste derrière
Un Monstre à Paris en nombre d'entrées, il a quand même fait un très bon démarrage mercredi, et de meilleure qualité que le film qu'il talonne: 72.521 entrées dans 295 salles alors qu'
Un Monstre à Paris a fait 80.393 spectateurs, soit à peine plus... dans 617 salles! J'imagine que la popularité de Jean Dujardin aide beaucoup au succès du film...
Ces premiers chiffres viennent quelque peu narguer mon pessimisme latent, je dois dire. Car voyez-vous, je n'arrive pas à envisager l'avenir commercial d'un film si peu orthodoxe sous un soleil radieux. On pourra toujours me rétorquer qu'en son temps, le succès d'un
OSS 117 totalement en marge des canons sclérosés de la comédie franchouillarde avait été une vraie et heureuse surprise. Mais cette fois, je crains que Michel Hazanavicius ait cumulé contre lui trop de sévères handicaps pour réitérer le miracle. Outre l'emploi d'un noir et blanc "passéiste" et l'absence de dialogues, dont on savait depuis le début qu'ils risquaient de réfrigérer plus d'un spectateur, je réalise aujourd'hui que beaucoup rouspètent après le format 1.33 "d'époque" qui ne remplit qu'une portion de l'écran large et vitupèrent à n'en plus finir contre l'omniprésente partition de Ludovic Bource, regrettant presque qu'elle ne soit pas couverte par les décibels à forer les tympans des coups de flingue et des explosions made in Jerry Bruckheimer.
Re: The Artist
Publié : lun. 17 oct. 2011 21:34
par YuHirà
et vitupèrent à n'en plus finir contre l'omniprésente partition de Ludovic Bource
Autant je serais prêt à leur donner raison en temps normal, autant j'ai du mal à comprendre qu'on puisse critiquer cette approche alors qu'elle s'inscrit logiquement, et même nécessairement, dans le concept initial (néanmoins je n'ai pas encore vu le film, j'ai juste écouté le CD)!
Pour le reste, je trouve ton analyse tout à fait juste. Sur le papier, le concept de The Artist, c'est le flop assuré, tant il s'inscrit à contre-courant des tendances actuelles, mais la qualité de son démarrage montre - à mes yeux - que rien n'est jamais vraiment déterminé.
Re: The Artist
Publié : mar. 18 oct. 2011 12:55
par Scorebob
Et certains réalisateurs gagneraient á faire des films muets.
Critiquer l'omniprésence de la musique pour ce genre de film c'est tout bonnement ridicule, à croire qu'ils n'ont jamais vus les classiques du genre.
Re: The Artist
Publié : mar. 18 oct. 2011 17:05
par Edern
Comptez-moi donc parmi les conquis !
Vu le film samedi soir en deuxième séance car la première de 20h était complète. à 22h la salle était bourrée à craquer, donc si c'est le même cas un peu partout, le film devrait au moins rentrer dans ses frais.
Re: The Artist
Publié : ven. 21 oct. 2011 12:19
par Rik Spoutnik
D'autant plus que celle ci est remplace la parole des comédiens. James Cromwell et Berenice Bejo sont formidables de bienveillance avec Jean Dujardin, celui ci étant souvent imbuvable.
Re: The Artist
Publié : sam. 22 oct. 2011 18:26
par YuHirà
Après avoir écouté la BO en boucle, je viens enfin de voir le film.
Et... il m'a laissé sans voix
"The Artist" est un vrai tour de force cinématographique, à tous les points de vue. Il y aurait tellement à dire sur le film que le meilleur hommage qu'on puisse faire à Michel Hazanavicius, Ludovic Bource, Jean Dujardin et Bérénice Béjo est peut-être encore de rester silencieux

Re: The Artist
Publié : sam. 22 oct. 2011 22:53
par Dadid
Silencieux, en effet, également pour respecter le plaisir de ceux qui n'ont pas encore vu ce petit bijou en forme d'hommage. J'ai aussi été très positivement surpris par la musique, qui joue pleinement son rôle et assume son lien avec l'époque du film sans être un pur pastiche (à l'exception heureuse des musiques des films à l'intérieur du film, jouissives), et en évitant tout côté sirupeux larmoyant "à la Chaplin". J'ai parfois pensé au "Mécano de la générale" de Hisaishi. Du coup le morceau de Vertigo semble en léger décallage de style, mais cette citation ne m'a pas gêné... Et puis, il est tellement évident que la scène a été montée précisément sur cet enregistrement, tenter de la remplacer aurait été du temps perdu pour un résultat moins satisfaisant - et donc pas utilisé (même si ce film n'a pas été réalisé par Ridley Scott). Sait-on d'ailleurs si Dominique Bource a tenté sa version ?
Re: The Artist
Publié : mar. 25 oct. 2011 12:02
par Odelay
Brother Cadfael a écrit :Je plussoie à cet avis. En ce qui me concerne, je me suis effectivement régalé.
Mon seul bémol vient de l'utilisation pour une scène cruciale de la musique de Vertigo (la Scène d'Amour, le réenregistrement de Bernstein) qui selon moi ne fonctionne pas parfaitement. Pour le reste, c'est tout bonheur...
J'ai eu une sorte de sensation euphorique durant le film. De voir qu'on peut mettre autant de d'argent dans un film muet en N&B tourné en 1.33 me rassure qq part car on est bien sûr loin de toute l'uniformité désolante qu'on trouve dans les grandes production que ce soit aux US ou en France.
L'utilisation de la musique de Vertigo constitue cependant aussi un bémol. Evidemment je l'ai reconnue dès les premières notes et du coup je suis sorti du film. En plus, je me demandais de quelle version il s'agissait. J'imaginais qu'il ne s'agissait pas de celle de Mathieson à cause du son, et quand je me suis rendu compte comme elle était tout en retenue, surtout vers la fin, j'ai penché pour celle de Bernstein parue chez Milan. Donc évidemment pendant que ça cogitait dans ma tête, j'ai un peu laissé passer ce qui se déroulait sur l'écran. Je me demandais aussi s'il s'agissait d'un utilisation voulue dès le départ ou d'un temp track qui finalement n'avait pas été enlevé. C'est d'autant plus dommage car la partition de Bource est vraiment formidable et sert à fond le film sans tomber le pastiche sans âme.
Re: The Artist
Publié : lun. 31 oct. 2011 11:00
par Le Yéti
C'est très étonnant cette utilisation de Vertigo... Je m'en suis pas tout à fait remis et ça m'a aussi sorti du film, mais plus parce qu'on avait déjà compris la référence à Vertigo auparavant...
Re: The Artist
Publié : ven. 18 nov. 2011 19:19
par Lee Van Cleef
Pour une surprise ! Voilà que j'apprends (sans trop oser y croire, bien que les chiffres ne mentent jamais, paraît-il) que The Artist a dépassé depuis déjà un bout de temps le million d'entrées, seuil glorieux et baigné de lumière ardente que je ne le croyais absolument pas capable de franchir, ni même de seulement approcher. Décidément, Michel Hazanavicius a l'art de transformer en jolis succès commerciaux les projets les plus casse-gueule.
Re: The Artist
Publié : ven. 18 nov. 2011 21:33
par Sam Lowry
Cette nouvelle me ravit, ô Lee.

Re: The Artist
Publié : jeu. 24 nov. 2011 17:17
par Cornélius
Odelay a écrit : J'ai eu une sorte de sensation euphorique durant le film. De voir qu'on peut mettre autant de d'argent dans un film muet en N&B tourné en 1.33 me rassure qq part car on est bien sûr loin de toute l'uniformité désolante qu'on trouve dans les grandes production que ce soit aux US ou en France.
Je suis d'accord avec toi à 100%. Pour moi, il figure dans le top 5 des films de 2011.
Michel Hazanavicius a réussi le tour de force de "digérer" les dernières années du cinéma muet et d'en extraire un scénario riche en rebondissements. Avec un naturel désarmant (sans didactisme prononcé), une malice et une inventivité débordante, il nous sert cette "madeleine" sur un plateau. Cela m'a surpris un tantinet car je n'avais pas complètement succombé aux
OSS 117.
A nouveau, il prouve que la qualité d'un film ne se mesure pas au nombre de plans à la seconde et aux effets spéciaux à la pelle. Comme Lee un peu plus haut, je suis agréablement surpris par l'acceuil du public.
Le film est truffé de gimmicks de la période du muet mais fait aussi référence à quelques fleurons du parlant.
Une des scènes finales m'intrigue. Une impression de déjà-vu me taraude sans pouvoir y rattacher un film particulier :
J'ignore quels sont les projets de
Michel Hazanavicius mais nul doute qu'il sera attendu au tournant par les cinéphiles. A noter que la musique de
Ludovic Bource est remarquable elle aussi.
Re: The Artist
Publié : dim. 4 mars 2012 22:26
par Misquamacus
Ce film est formidable et sincère. je me suis régalé. Une belle association de talent débouche sur un long métrage qui est un vrai plaisir de cinéma. Bravo les gars.