Un prophète

[Walden]

le dernier Audiard est largement à la hauteur de sa réputation depuis le festival de Cannes

minutie, aucune complaisance, des acteurs brillamment dirigés, aucun temps mort, des petites touches presque surnaturelles (les rêves, le personnage mort qui hante le personnage principal, la photo qui joue avec l'ombre et la lumière, les brèves interventions de Desplat,...)

du grand cinéma totalement maîtrisé, on pourra le voir comme le meilleur film de prison, mais c'est avant tout une épopée humaine d'une très grande richesse

encore bravo fiston

[Walden]

et en plus le bonhomme est intéressant à écouter !

http://sites.radiofrance.fr/franceinter ... p?id=82444

[Wyatt Earp]

Pas aimé. Pas détesté non plus, mais pas aimé. L'acteur principal fait illusion (il a un petit côté Banderas/ De Niro jeune), mais Niels Arestrup en Corse, on n'y croit pas une seconde, et pour le Gitan, j'ai regretté que ce ne soit pas Francis Renaud... Celui qui joue le pote du "héros" est en revanche excellent. Le film souffre tout de même d'une narration et d'un rythme très monocordes : je veux bien croire que ce soit volontaire, que ça veuille illustrer la monotonie et la tristesse de la vie carcérale, mais bon. Quant à la mise en scène, hormis 2-3 sursauts d'action fulgurants, j'ai été surpris que ce soit aussi...téléfilm. Pour finir, l'argument qui donne son titre au film arrive d'on ne sait où pour aller nulle part et affaiblit un script par ailleurs très réussi, tout comme l'est le score de Desplat.

[Walden]

je ne comprends pas comment tu peux voir dans une œuvre cinématographique aussi travaillée un vulgaire...téléfilm...pourquoi certaines façons de faire du cinéma, qui sont dans le cas d'Audiard, un équilibre subtil entre le réalisme, la véracité du sujet et cette façon de l'éloigner du naturalisme académique, ne te semblent pas dignes d'être commentées comme du "cinéma" ? Pourquoi rabaisser ce talent de cinéaste à la logique médiocre du téléfilm ? Quand je vois la bande-annonce de "No Pasaran" je me dis que oui, là on a bien le téléfilm calibré pour passer à 20h50 à la télé, un foutage de gueule franchouillard fait par des fumistes qui prennent le public pour une congrégation de neuneus...mais UN PROPHETE non....là on est dans du cinéma digne, formidablement travaillé, pensé, avec une grande honnêteté et un casting solide ! Que se passe t-il dans cette façon de rabaisser ces façons de faire du cinéma en France comme du téléfilm, s'agit-il d'une contamination de l'hystérie vide et aucunement maîtrisée venue de certains films américains ?

franchement, je préfère la maîtrise et l'honnêteté d'un "Prophète" à un Terminator renaissance" qui tente vainement de se donner une maturité inexistante... par l'esbroufe...

hé bé, ça fait plaisir de parler ciné mon Wyatt !

[Wyatt Earp]

Tu noteras que je n'ai pas dit "mauvais" téléfilm...parce que oui, il y en a des bons, mais simplement, je trouve qu'en termes strictement techniques, la mise en scène manque d'ampleur dans les scènes de prison (soit 2/3 du film) : les cadres et les angles sont figés, identiques...Je suis bien conscient que c'est volontaire égard au lieu de l'action, et que donc c'est un point de vue de mise en scène (la preuve, les scènes en extérieur sont très "à l'américaine", pour le coup), mais résultat ça se rapproche d'un (bon) filmage télé, d'ailleurs plus ricain dans la forme que français (variété des valeurs de plans, un peu à la Siegel). Toujours est-il que ce manque de dynamisme m'a gêné. Tout comme, d'ailleurs, l'enthousiasme démesuré de la presse à l'égard du film et de ses acteurs. Alors, oui, Un Prophète est un bon film en soi. Mais un chef-d'oeuvre ? Faut pas exagérer, non plus... Cela dit, ça traduit bien à quel point notre cinéma est pauvre, même si comme je l'ai déjà dit ailleurs ça me fait plaisir que Audiard marche bien, car il fait partie d'un cinéma de genre à la française haut de gamme, bien plus excitant qu'une tripotée de films d'horreur débiles et mal branlés (pas tous, mais une grande majorité)... D'ailleurs, je croise souvent de jeunes réals de courts d'horreur, et c'est flippant : ils se contrefoutent de l'histoire et des acteurs, n'envisagent leur métier que sous un angle technique et médiatique (faut les voir frimer à Cannes ou dans les soirées de festivals...)...alors que ceux qui s'attaquent au polar ont un discours tout différent et beaucoup plus humble, et ne rejettent pas en bloc le patrimoine du cinéma français. Pour faire simple, ils citent aussi volontiers Verneuil ou Boisset que Mann ou Friedkin, alors que les autres ne jurent que par Zombie, Evil Dead ou Peter Jackson...et se PRECIPITENT pou aller voir Transformers !!!
Mais pour ce qui est de "l'hystérie vide et non maîtrisée du cinéma américain", prends un autre exemple que T4, qui est une belle performance de mise en scène avec un acteur qui crève l'écran (Worthington, pas Bale) !
Bon, en attendant, très envie de voi L'Affaire Farewell, L'Armée du crime et Le Dernier pour la route !

[Walden]

entretien Michel Ciment / Jacques Audiard


http://sites.radiofrance.fr/chaines/fra ... rojection/

[Misquamacus]

J'ai aimé certains Audiard, d'autres un peu moins mais sans jamais trouver ça excellent. C'est chose faite ce soir avec ce "Prophète" dont je n'attendais pas grand chose. C'est un grand film avec un personnage incroyable et une histoire que j'ai trouvé passionnante. Incroyable de suivre l'évolution de ce type dont on se rend compte en prison qu'il est tout simplement génial. Un enfant abandonné qui devient un être finalement terrifiant modelé par le mal. C'est fort, c'est bien joué, le côté calmement onirique est très réussi et la musique superbe. Bravo.

[Orion]

Un enfant abandonné qui devient un être finalement terrifiant modelé par le mal.

Ben justement... est-il terrifiant ? A aucun moment, il me semble. C'est ça qui est paradoxal : on pourrait penser que le film donne à voir la naissance d'un homme mauvais (un peu comme Le Parrain, à sa manière), mais il n'est jamais montré comme tel. Il est même franchement sympathique. On pourrait dire que c'est ce qui fait son ambiguïté, mais il n'a même pas l'air ambigu (Tom Stall dans A History of Violence est ambigu, à titre de comparaison). C'est sur ce point que je suis assez réservé.

Cela étant dit, j'aime bien le film, aucun doute : ça fait du bien de voir un film carcéral qui ne soit pas un énième Prison Break. Et même si j'ai du mal à voir ce que les scènes oniriques viennent faire dans le film, elles sont vraiment appréciables et lui donnent une autre dimension, assez inattendue. La plus saisissante étant peut-être celle où le "héros" revit le meurtre en rêve, dans une scène en sourdine du plus bel effet !

[Misquamacus]

Ben justement... est-il terrifiant ? A aucun moment, il me semble. C'est ça qui est paradoxal : on pourrait penser que le film donne à voir la naissance d'un homme mauvais (un peu comme Le Parrain, à sa manière), mais il n'est jamais montré comme tel. Il est même franchement sympathique.

Nous n'avons visiblement pas vu le même film ! Ce type est calculateur, charmeur, génial et donc... Absolument terrifiant puisque tout cela est mis au service du mal. A AUCUN moment je ne l'ai trouvé sympathique pour ma part. Si égorger un homme par calcul avec une lame de rasoir n'est pas terrifiant... Alors là, je ne vois pas ! C'est marrant de voir que le ressenti n'est pas le même d'un spectateur à l'autre. Moi j'ai vu un gars que la société n'a pas réussi à détecter ("J'ai arrêté l'école à 11 ans"), qui ne sait pas lire mais qui est extrêmement doué ! Il apprend le Corse à force d'écoute (c'est balèze) il sait pousser ses pions au bon moment... Bref, la société n'en a pas voulu, le mal va s'en délecter !

[Orion]

Oui, oui. Par le jugement, on comprend ça. Mais pour le meurtre, j'ai trouvé que c'était la scène qui était terrifiante plus que le personnage. Il est quand même super stressé, complètement bouleversé, mal à l'aise. Il n'a pas du tout le choix.
Après, en y repensant, c'est vrai qu'il est assez calme une fois qu'il a commis le crime. Il devient calculateur, un peu contraint et forcé. Et on est d'accord pour dire qu'il est balèze. En y repensant aussi, finalement, je verrais bien un certain lien avec Le Parrain dans la dernière scène, où il marche avec la femme comme si de rien n'était alors qu'il a toute une escorte de véhicules derrière. Je ne sais pas pourquoi, mais ça fait assez penser à la scène finale du baise-main dans le film de Coppola.
Bon, voilà, je me suis converti et je parle contre moi. C'est gagné !

Mais je persiste à penser qu'il n'apparait pas d'emblée comme un monstre et qu'il n'est pas vraiment montré comme tel (cf: scène sur la plage : héros goûtant la liberté et le calme... pas vraiment l'image qu'on se fait d'un monstre). Ou pour parler plus humblement, puisque ça reste subjectif, telle n'a pas été mon impression.