Julien a écrit :Parfois l'imitation peut quand même donner des résultats intéressants. Maurice Jarre par exemple sur Witness qui s'est inspiré du Canon de Pachelbel; une musique que Weir souhaitait utiliser à l'origine. Et je trouve que dans le film ça fonctionne merveilleusement.
Je pense,cher Julien,que pour chaque exemple donné,il y a un contre-exemple forcément quelque-part,et cultivé comme vous l'êtes,il ne tarde pas à m'être servi sur un plateau doré.

Beau contre-exemple,en effet. Toute fois,ne s'agirait-il pas d'une réinvention très adroite du Canon de PACHELBEL,avec un emploi savant des synthétiseurs,plutôt que d'une imitation toute bête,comme ce fut le cas dans L'armée des ombres par DEMARSAN? Excellente B.O. par ailleurs,hormis le point qui nous intéresse ici. C'est peut-être naïf ce que je vais écrire,mais est-ce qu'en art il est réellement possible de tricher sans en affaiblir l'objectif (le résultat) recherché?
Moi,je pense,qu'en art,de manière général,plus l'apport créatif est fort,plus le résultat recherché sera probant. Sur Witness,si
PETER WEIR avait conservé le Canon de PACHELBEL dans sa version d'origine,ce qui aurait été une solution plus simple,je pense que le résultat à l'image aurait été plus faible et que ça aurait brisé l'homogénéité sonore du film. Il aurait détonné avec les parties synthétiques composées par JARRE. Si WEIR changea d'avis,c'est sans doute parce qu'il fit confiance aux suggestions du compositeur et,renonçant ainsi à la solution de facilité,le résultat obtenu s'avère à la hauteur de l'effort
employé pour l'obtenir. Il est là le vrai travail entre un réalisateur et un compositeur,comme celui qui eut réuni CHABROL
et JANSEN,CRONENBERG et SHORE,ROSI et PICCIONI,et cet exemple de WITNESS n'est,au fond,guère différent de celui que
j'avais cité entre PONTECORVO et MORRICONE sur QUEIMADA!.
Misquamacus a écrit :Ok, mais utiliser magnifiquement un morceau déjà existant sur des images, c'est AUSSI de la création.
Oui,d'une certaine façon,mais pas pour le compositeur attitré! Et ce sera toujours moins créatif d'employer un
thème préexistant,qu'il s'agisse d'un standard de la pop ou du classique,que de demander à un musicien de composer un thème pour la scène en question,à condition bien sûr de ne pas exiger de lui une bête imitation,et qui fonctionnera peut-être tout aussi bien. Ceci-dit,l'exemple que tu prends,LE GRAND SAUT,me paraît être un bon contre-exemple,effectivement,mais,
ce cas de figure semble diverger avec ce que je souhaitais dénoncer dans mon propos initial. Il faut pour cela retourner à la
source,c'est-à-dire,au sujet-même de ce topic duquel nous nous sommes vaguement égarés. C'est en partie ma faute car
j'ai pris PHILADELPHIA comme exemple et j'ai provoqué une polémique en partie justifiée. En fait,je me mettais tout simplement à la place de SHORE,se voyant ainsi privé des points stratégiques du film,voilà tout. Je pense que dans chaque
film,il y a des points stratégiques qui permettent au compositeur,appelons le X,de se surpasser,d'écrire un thème qui va aller
au-delà de la partie fonctionnelle et technique de sa musique,ce que j'appelle le moment de grâce dans une B.O.,le moment
d'intensité émotionnelle,jamais gratuit,même chez les plus grands,conditionné par une scène précise et qui n'aurait sans
doute jamais existé autrement,ce thème ou passage qui va permettre à un "score" d'atteindre une hauteur inespérée dans sa simple "réalité illustrative".(de musique appliquée,de musique asservie par l'image.)
Ceci étant dit,mon défaut serait peut-être de voir les choses trop du côté du compositeur,parfois,et c'est sûrement le cas ici.