Bon, va pour le hors sujet, le sujet m’intéresse trop pour que je résiste à l'envie de te répondre.
Sur le rapport à Demy...
lui a un vrai univers et des thématiques fortes
Gans aussi. Chacun de ses films est reconnaissable aussi bien pour son esthétique que pour ses thématiques: le retour du passé dans le présent- la hantise- l'affrontement de mondes masculins et féminins, les figures héroïques étant toujours capables d'exprimer les deux principes, le rapport au sacré, celui avec la sauvagerie ou la nature- au sens géographique et au sens symbolique. Voilà des thèmes que tu retrouves dans TOUS les films de Gans, inclus son sketch de Necronomicon.
Il n'a pas d'univers ? As-tu remarqué, par exemple, que TOUS les films de Gans commence par un dessin qui devient image filmique ? Dans Crying Freeman, c'est le tatouage sur le corps du Freeman, évidemment, puis l'écriture de la jeune femme- une calligraphie japonaise, une écriture dessin, donc, qui entame le récit. Dans le pacte des loups, à nouveau une écriture dessin, celle du marquis d'Apché, une calligraphie cursive très soigneusement dessinée encore. Dans Silent Hill, ce sont les dessins de la petite fille qui préfigure le monde fantomatique, avant qu'il ne soit montré dans le récit filmique. enfin, dans la Belle et la Bête, sans surprise, le procédé est encore plus direct: des illustrations dans un livre qui se fondent en image cinématographique... Difficile de faire plus programmatique.
Je voulais dire que ses films sont influencés par une esthétique "très mode"
Exactement comme Demy, qui fait Les parapluies dans les 60's, le joueur de flûte de Hammelin dans les 70's, et Parking dans les années 80. Que des films reprenant tous les clichés esthétiques de leur époque.
Gans plombe ses images de dialogues trop plat, trop "dictés", ça ne vit pas
Un peu comme dans les Demoiselles de Rochefort, Les parapluies de Cherbourg ou tous les films de Demy ?
Enfin, je ne veux pas te convaincre, je ne me fais pas de soucis, je sais que tu sais reconnaitre un vrai cinéaste quant on t'en mets un sous les yeux.
Je rapprochais Gans de Demy pour des raisons plus essentielles: je parlais du malentendu autour d'un premier grand succès: pour Gans La pacte des loups, pour Demy Les Parapluies, qui tiennent plus à une adéquation imprévisible entre un film et son époque qu'à une adhésion profonde au projet d'un auteur. Il y a aussi l'isolement par rapport aux modes, malgré une apparence d'adhésion à l'air du temps. Demy est exactement comme Gans: un auteur, mais qui veut faire du cinéma populaire- voire familial, un homme fasciné par les univers féminins, qui ne se trouve de compagnon de route nulle part. Pour Demy, ni parmi les cinéastes nouvelle vague, ni parmi les cinéastes "populaires" du moment- Verneuil, Lautner etc.... Chez Gans, il est évident qu'il n'est pas du côté des Zeitoun ou Besson, ni de celui des Ozon, Larrieu etc..., sans même parler du genre "french touch"...
Demy était fasciné par la description des mondes masculins et féminins comme deux mondes existant presque sur des niveaux de réalité différents- il a été très loin sur ce thème dans un film méconnu que j'aime beaucoup: l'évènement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (Marcello Mastroiani tombe "enceint") et a réalisé avec Lady Oscar un film dont Gans pourrait très bien faire le remake. N'oublie pas, aussi, que Demy a été un cinéaste cinéphile aussi: Les parapluies, et les demoiselles sont deux films qui n'existe que parce que Demy était fasciné par la comédie musicale américaine.
C'est peut-être là que le cinéma de Gans, fondamentalement, ne peut pas satisfaire le grand public. C'est un cinéma d'esthète au sens ou, c'est vrai, ce qui interesse Gans avant tout, c'est le langage des formes- au mieux ça donne un cinéma symboliste, au pire un cinéma "maniéré" ou rococo. Mais j'aime ça chez lui: il aime tellement les images qu'il se passe complètement de psychologie pour chercher un cinéma strictement mythologique. J'aime chez lui, par exemple, cette résistance au langage de la série TV, qui envahit tout le cinéma populaire et semble la planche de salut pour les films de genre: portrait psychologiques "complexes" et intrigues à tiroirs comme un grand huit formel. Rien de tout ça chez lui, et si tu vois la Belle et la Bête tu sera très étonné du rythme du film, très "lent" selon les standarts actuels, très surprenant, même si on connait l'histoire. Ce n'est pas un film qui cherche un équilibre rythmique, en organisant des petits climaxs pour maintenir l'attention du public avant le grand feu d'artifice final, c'est un film qui prend le temps de fasciner de déployer ses images.
Enfin Bref, je crois que j'aime tout dans la vision que Gans a de ce que sont les images, et cela n'exclut pas d'aimer des cinéastes très différents...
sinon, on t'a pas dit que la musique est très bien ?