Voici un petit comte-rendu de cette soirée riche en émotions (pour moi) :
(je précise que j'ai assisté à ce concert avec ma compagne, que je ne remercierai jamais assez pour sa patience, le choix des places (bien que... fortuit

) etc, et mon meilleur ami, pour sa présence, les photos et le reste du séjour à Londres

)
19h15 : nous sortons du métro londonien. Un assez long tunnel pédestre débouche sur Exhibition Road dans le quartier de Knightsbridge. Le Victoria and Albert Museum nous accueille, mais nous n’avons hélas pas trop le temps de nous attarder. Nous laissons sur notre gauche le splendide Imperial College et enfin l’imposante et majestueuse bâtisse circulaire du Royal Albert Hall se dresse devant nous.
19h30 : Impressionnés, nous cherchons le numéro de la porte d’entrée indiquée sur nos tickets. Porte 9, nous y sommes !.. Un ouvreur, habillé de manière très distinguée, flashe les codes barres de nos tickets. La boite noire qu’il tient dans sa main émet un bruit digne d’un son de StarWars et nous voilà autorisés à pénétrer dans l’enceinte. Pas le temps de nous offrir le moindre rafraichissement, une voix nous indique que les spectateurs doivent rejoindre leurs places !
(Petit aparté) : cela va être le moment de savoir exactement à quoi correspondent nos réservations. Quelques mois auparavant, j’avais du faire appel à ma compagne restée à la maison pour prendre la suite de mon ordinateur défaillant au boulot (maudite bécane). Les places que j’avais réservées (pile au milieu de la scène et au premier rang) étaient, dans l’intervalle, devenues indisponibles... Angoisse… Dans la précipitation, je lui dis de prendre ce qu’elle trouvera de plus près de la scène. J’avoue sur le moment que je n’étais pas très satisfait du placement mais je n’allais pas faire la fine bouche. Après tout, c’était déjà énorme d’y être. (fin de l’aparté)
Il est presque 20h. Nous descendons quelques marches et là je découvre avec bonheur que nous sommes placés presque idéalement (j’y reviendrai plus tard) sur la droite de l’écran, à peine à deux mètres du premier contrebassiste !!! Juste sous l’écran qui arbore fièrement un
« DANNY ELFMAN’s Music from the films of TIM BURTON », dans le fond de la scène, un homme est placé dos à celle-ci dans une sorte de petit renfoncement. Je ne comprends pas tout de suite puis réalise que c’est la place de l’organiste. C’est alors que je lève les yeux pour constater qu’il y a bien en effet un orgue. Immense. Les tuyaux sont gigantesques. Jamais je n’avais vu un orgue aussi imposant ! Mes yeux s’écarquillent et je contemple, soufflé, la grandeur et la finesse de cette salle circulaire coiffé d’un dôme orné de milles dorures. L’assistance, déjà réceptive, prend progressivement possession des lieux. Il va y avoir du monde. Beaucoup de monde.
Les premiers musiciens arrivent et prennent place. Je commence à réaliser que nous avons de la chance. Le chef d’orchestre, John Mauceri, surgit de notre droite et passe devant nous (un vigil à l’air sévère et convaincant est présent pour empêcher toute tentative éventuelle de vouloir serrer la main du maestro). Il salue la foule, lui tourne le dos (comme il est de coutume pour diriger l’orchestre) et je m’aperçois que nous avons l’avantage, d’où nous sommes, de voir à la fois la scène, l’écran et le chef d’orchestre de profil ! Cette soirée commence bien en somme !
John Mauceri lève les bras, indique le tempo et lance la toute première mesure du concert. L’orchestre joue le thème principal de
CHARLIE AND THE CHOCOLATE FACTORY alors qu’à l’écran défile, dans un montage serré, une multitude de scènes issues des différents films du tandem Burton/Elfman. L’entrée en matière est sans doute pensée pour ne pas démarrer par un uppercut (ce qui aurait été sans doute le cas avec EDWARD SCISSORHANDS ou BATMAN par exemple). Lydia Kavina se tient à la droite du chef d’orchestre et joue de cet étrange instrument électronique, appelé Thérémine, l’un des tous premiers puisqu’inventé en 1919. De sa main droite la soliste joue les notes, et de sa main gauche elle en donne la longueur et les nuances (vibrato par exemple). L’orchestre et les chœurs sont soutenus par une piste consacrée aux divers sons électroniques de la partition. Le rendu est tout à fait correct bien qu’un peu chaotique par instants mais il faut le temps que la mécanique se mette en place. On sent qu’Elfman n’a pas voulu s’étendre plus longtemps sur cette partition et le tout est expédié, avec rigueur et un certain enthousiasme, en 4 ou 5 minutes.
Quelques secondes de pauses dans un silence un peu interrogatif et voici les premières mesures du thème déjanté (et donc, idoine) de
PEE WEE. Elfman a choisi de commencer par la course de vélo (nous voyons à l’écran un PEE WEE qui rêve, qu’au guidon de sa vénérée bicyclette rouge, il dépasse les coureurs du Tour de France !!) en poursuivant avec le thème de la
Breakfast Machine. L’atmosphère du Royal Albert Hall se détend tout à coup, provoquant sourires et rires parmi les spectateurs. Le compositeur, pour l’occasion, a arrangé un peu ce morceau, ajoutant deci-delà quelques mesures pour assurer les effets de transition ou allonger tel ou tel segment. Les premiers applaudissements retentissent ! Le concert est enfin lancé.
A peine le temps d’une respiration que voici les chœurs masculins du Maida Vale Singers qui entonnent un
« Daaaaay-Oooo » reconnaissable entre milles pour les fans de Elfman et Burton. L’assistance ne peut s’empêcher de laisser entendre des rires étouffés tant l’effet est à la fois déconcertant et amusant. La harpe égraine les arpèges rapides et les cuivres s’approprient alors les si célèbres premières mesures syncopées. L’impact est immédiat : les spectateurs familiers des péripéties de
BEETLEJUICE dodelinent de la tête ou tapotent en cadence leurs cuisses de leurs doigts rapides, singeant le rythme du tambourin. Les cordes, comme possédées, virevoltent et se démènent avec succès pour assurer la frénésie du titre principal. Elfman place quelques inédites interventions fantomatiques des chœurs, ajoute ici où là quelques mesures mais veille au grain (de folie) en gardant intact l’esprit de la partition. Grande réussite que cette suite qui juxtapose le thème central avec celui de
Juno et de
The Fly - la mouche dans la maquette (les connaisseurs apprécieront). L’orchestre bio-exorcise alors le final et laisse l’audience applaudir cette danse macabre et vaudevillesque.
Les trois premières suites orchestrales proposées par Elfman frappent fort. Aussi choisit-il de nous emmener dans une direction plus éthérée avec le thème d’
Ichabod Crane pour
SLEEPYHOLLOW. Et c’est le jeune soliste Harry Jackson, à la voix de soprano pure et quasi-angélique, qui s’acquitte de la tâche avec un brio qui force le respect. Les chœurs se font plus menaçants et emmènent tout l’orchestre dans un
End Credits quelque peu revisité (par rapport à ce que l’on en connait dans le film et la bande-originale) mais néanmoins admirable. Le Royal Albert Hall semble conquis.
Le retour de notre soliste au Thérémine déclenche l’enthousiasme quand les premières notes du thème de
MARS ATTACKS ! résonnent… Le thème, dirigé de main de maitre, exploite à merveille la superbe acoustique de la salle. Les petits sons électroniques, si importants et reconnaissables dans ce morceau, font mouches. Applaudissements nourris pour cette musique qui nous rappelle si bien ces envahisseurs au cerveau vert et hypertrophié aussi méchants que drôles.
Les premières notes de l’un des thèmes de
BIG FISH (film que je n’avais pas beaucoup apprécié la première fois et qui résonne maintenant, à chaque vision, un peu plus en moi autant pour le propos du film que pour sa musique bien sûr) distillent une atmosphère calme et sereine, empreinte de nostalgie. Elfman réussit un assemblage fort adroit des principales mélodies du film dont le sublime
Jenny’s Theme, si tendre et touchant.
L’entracte approche. Elfman nous livre alors un des morceaux de choix de cette soirée (qui en comptera beaucoup, pour peu qu’on soit, comme moi, fan de la première heure). Une suite des musiques pour les aventures Burtoniennes du Dark Knght :
BATMAN et
BATMAN RETURNS. Dès le premier accord de l’orgue et les fameuses notes du thème de Batman (Si-Do#-Ré-Sol-Fa# ou La-Si-Do-Fa-Mi et ainsi de suite si vous le jouez plus bas), le public frissonne et des applaudissements surgissent. Elfman nous donne à entendre d’abord le
Main Title du premier film, imposant et sombre à souhait, dont il allonge ici les premières mesures pour former un crescendo quasi-extatique ! John Mauceri, invite les cordes à tourbillonner, les bois à virevolter (superbe nouvel arrangement !) et les chœurs à chanter les syllabes mystérieuses du
Descent Into Mystery (ces derniers s’emmêleront un peu les pinceaux pendant une petite mesure mais il faut dire que ce morceau n’a rien de facile en terme de rythme) alors qu’à l’écran, nous voyons une Vicky Vale (Kim Basinger) alternativement effrayée et intriguée de se trouver à bord de la Batmobile lancée à pleine vitesse. Lorsqu’elle pense que le bolide va s’écraser sur ce qu’elle croit être un immense rocher, dans un synchronisme presque parfait, les chœurs et l’orchestre explosent en libérant triomphalement les notes du thème ô combien indissociable du chevalier masqué. Sans temps mort aucun, l’orchestre nous envoie valser dans les cordes en compagnie du Joker et de Miss Vale au sommet d’une cathédrale dont le caractère néo-gothique n’a d’égal que la musique d’Elfman. La
Waltz To The Death, exécutée toute en nuances par un orchestre aux ordres précis d’un Mauceri, sautillant, qui se prend au jeu, prend une ampleur dantesque lorsque les chœurs décident d’épauler le reste de l’orchestre. Direction un
Up The Cathedral où l’orgue donne toute sa puissance et où (arrangement une fois de plus inédit) les chœurs ne sont pas en reste ! La musique glisse sans effort vers un (nouvel) arrangement du final de BATMAN RETURNS où des chœurs célestes accompagnent le destin tragique du Pingouin. Ce sont encore ces mêmes chœurs, impressionnants, qui nous attirent vers des cordes louvoyantes, évoquant indubitablement le superbe thème de CatWoman
(Selina Transforms), avant de revenir une dernière fois vers le thème du Pingouin. Une harpe glisse vers un final dantesque (un de mes morceaux préférés du premier film, intitulé justement
Finale) ou l’orgue, les cloches tubulaires, l’orchestre et les chœurs déploient toute leur puissance dans un crescendo qui fait vibrer le sol sous nos pieds. Les applaudissements jaillissent de tous les côtés comme si les parois mêmes du Royal Albert Hall s’effondraient ! John Mauceri, les chœurs et l’orchestre tout entier quittent la scène pour un entracte bien mérité sous des cascades d’applaudissements et de cris d’enthousiasme que vient renforcer une première standing ovation, pas tellement « soooo british » tout ça mais le public, entièrement acquis à cette soirée, avait envie de manifester sa joie. Cette suite musicale de près de 16 minutes, superbement arrangée pour l’occasion par Elfman, m’a mis K.O. Au point que je me demande même si cette musique n’aurait pas du conclure le spectacle. Car nous n’en sommes qu’à la moitié ! Le reste sera-t-il à la hauteur ?...