Dark Vador a écrit :il y a selon moi 5 à 10% de la musique de film qui mérite qu'on en parle, et je trouve que c'est déjà suffisamment le cas (livres, émissions radio, forums internet).
Quant aux éditions, j'aurais plutôt envie de pousser un cri de joie, des labels se démènent vraiment pour nous sortir des joyaux attendus depuis des lustres, ou de bonnes surprises!
Ensuite, le fait qu'un type ne sache pas que c'est Reinhardt Wagner qui compose les chansons de FAUBOURG 36, franchement qu'est ce qu'on peut en avoir à faire...

Ce n'est pas un grand compositeur, de même que le film n'est pas un classique. Je veux dire, la musique de film (sauf exception) ça reste quand même une discipline assez "populaire", ne pas connaître son monde n'est pas signe d'inculture.
Et puis j'ai des amis amateurs de classique (au sens large) qui savent reconnaître la grandeur d'un Goldsmith (sur Patton) ou celle d'un Herrmann, ou encore celle d'un North (Spartacus). Mais selon eux, leur talent tient davantage dans la façon dont le film est musicalement illustré (exemple : le choix de Jerry pour Patton) que dans la qualité "intrinsèque" (pour ainsi dire) de la musique composée.
Voilà, j'ai donc possé mon coup de gueule contre les pousseurs de coup de gueule!

Salut Dark Vador !
Face à cette intervention, je dirais tout de même qu'il ne faut pas généraliser et tomber dans la caricature

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Je suis moi-même, comme d'autres ici (je suppose), un assez gros consommateur de classique (majoritairement fin XIXième/XXième/début XXIième siècle).
Comme l'a très bien fait remarquer kfigaro, tes amis, s'ils se penchaient sans aprioris (et dieu sait que c'est dur pour eux

) sur de nombreux cas, se rendraient compte que la maîtrise et la modernité formelle ou bien l'originalité et l'inspiration, n'ont parfois rien à envier à pas mal de productions classiques de la même période.
Je dirais même qu'une oeuvre comme "The Thing from another World" c'est plus moderne, ou en avance que la plupart des travaux post-romantiques de certains grands compositeurs de l'époque comme Vaughan Williams, Prokofiev ou Chostakovitch (et j'irais même jusqu'à dire que ça aurait pas mal de choses à apprendre à du Chosta)...
D'ailleurs les oeuvres cinématograpiques d'Herrmann (et même son corpus classique d'ailleurs) ne retardent en rien sur ces mêmes compositeurs qui sont pourtant si respectés du public classique (et moi le premier

!)... Même si c'est clair qu'à la même époque les Webern, Varèse et les petits nouveaux comme Boulez et sa clique sont déjà passés à la génération suivante.
Une oeuvre comme le "Planet of the Apes" de Goldsmith s'inscrit, par ailleurs, en plein dans la même mouvance que bien des oeuvres de compositeurs contemporains oeuvrant à cette époque et reste même toujours plus moderne, aujourd'hui, que bien des chefs d'oeuvres de compositeurs comme Rautavaara ou Florentz (qui comptent parmi mes compositeurs préférés)... De même que des oeuvres comme "CE3K" (bien que cette dernière s'inscrive également dans un pluralisme lui faisant simultanément réusiter des langages plus anciens). Je me demande bien ce que tes amis penseraient également de partitions comme "Les Seins de Glace", "Peur sur la Ville", "Quelque Part, Quelqu'un", "Le Locataire" ou bien le "Danton" de Prodromidès... Et des exemples de la sorte il y en a des tas !
kfigaro faisait remarquer que les compositeurs classiques d'aujourd'hui et les compositeurs de cinéma sortent des mêmes écoles, mais c'est peu de le dire puisque ce sont souvent les mêmes compositeurs. Et il arrive souvent que leurs BOF fassent partie du tout meilleur de leur production:
- "Altered States" de Corigliano n'a absolument rien à envier au reste de sa brillante production pour le concert (les symphonies 1 et 2, "The Mannheim Rocket", le concerto pour piano,...)...
- "Scott of the Antarctic" de Vaughan Williams est exactement la même oeuvre que sa 7ème symphonie (simplement avec un "montage" différent): ce serait tout de même assez ridicule de penser que l'une est un chef d'oeuvre (ce qu'est la symphonie), alors que l'autre ne serait même pas digne d'être écoutée hors film (dixit
la qualité "intrinsèque" dans ton message)... Alors qu'il s'agit des mêmes thèmes, des mêmes harmonies, des mêmes orchestrations et souvent, de passages en tous points identiques... Du coup, pour l'argument assez bidon de "la qualité intrinsèque", on repassera (surtout que le XXième siècle s'est vu un peu comme l'avènement de mouvements de plus en plus courts dans les oeuvres classiques ! Donc l'argument de l'impossibilité d'un développement correct n'est pas des plus crédibles non plus... d'autant plus quand la dramaturgie d'une BO suit celle d'un film, ce qui nous assure par là même une authentique cohérence dans la progression !)
- La musique de film de Takemitsu est assez hétérogène, mais certaines de ses BOF sont tout aussi exigeantes que sa meilleure production classique (la BO pour "Hanare Goze Orin" par exemple), et même, dans de rares cas, encore plus !
- La musique de film de gens comme Arthur Bliss, c'est pareil... Et il y en a des tas des cas du même type.
Quand on pense, en plus, que certaines BOF de compositeurs comme Williams, Goldsmith, Sarde ou autres sont encore meilleures que "Scott of the Antarctic" (aka la symphonie no.7 de Vaughan Williams), ça revient à dire que les mélomanes classique mésestiment des oeuvres supérieures à certaines oeuvres classiques qu'il portent haut dans leur coeur

.
De toutes façons, il faut bien se dire que si le mélomane classique le plus exigeant, qui s'émeut aux larmes sur le "Prélude à l'Après Midi d'un Faune" (et il a bien raison: ce chef d'oeuvre est à chialer !), découvrait un jour que ce morceau a été écrit en réalité en 1986... et bien d'un seul coup, ce mélomane se mettrait à penser que c'est une oeuvre désuète d'arrière garde, le truc "post-neo" par excellence... et les larmes disparaîtraient comme par enchantement ! Ce qui est assez dingue puisque la composition resterait la même !
Mais ça donne juste une petite idée du genre d'à prioris qui régissent parfois leurs jugements de valeur...
Après si tu persistes à dire que les oeuvres de gens comme Silvestri, Newton Howard, McNeely ou Broughton (compositeurs parfois excellents et dont j'apprécie énormément certaines oeuvres par ailleurs !) ne sont pas à la hauteur de la production classique, là oui je serais assez d'accord avec toi,... Mais il reste bien des compositeurs de cinéma qui n'ont pas eu/n'ont pas grand chose à envier à leur contemporains du milieu classique (que ce soit dans la maîtrise et réutilisation brillante de langages anciens, ou bien dans l'inventivité qu'il ont à s'inscrire dans un langage contemporain de leur époque *).
En réalité, tout ça, c'est surtout un mythe généralement colporté (d'après ma propre expérience) par trois types de mélomanes:
- Les mélomanes du milieu classique n'écoutant que peu de BOF (donc superficiellement)... ou alors en écoutant pas mal, mais juste ce qu'il faut pour ne pas avoir à bousculer leurs aprioris (donc, paradoxalement, encore plus superficiellement

)
- Les Béophiles n'écoutant que peu de classique, et du coup fantasmant un peu sur la qualité/avance/originalité (même si de la manière la plus générale, elle existe bel et bien

) que l'on trouve dans le répertoire classique !
- Des personnes issues d'une de ces deux catégories, mais n'ayant pas encore acquis une capacité d'écoute analytique suffisante (basée sur le langage, le rythme, les orchestration etc,...) pour pouvoir se rendre compte par eux même... ce qui n'est absolument pas un tort en soit par ailleurs ...
D'ailleurs Dark Vador, d'après ce que j'ai pu lire de tes messages, tu ne sembles faire partie d'aucune de ces 3 catégories (d'après un de tes messages tu sembles pouvoir, sans problèmes, reconnaître les influences du langage de Messiaen sur d'autres compositeur etc,...), donc mon seul souhait, ce serait que tu ne te fies qu'à ta propre opinion, purgée de toute forme de préjugés, puisque tu connais sans aucuns doutes 1000 fois mieux la BOF que tes amis

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...Et là encore, avec tout ça, on a pas pu parler du corpus classique de gens comme Williams, Goldsmith, Waxman ou Morricone... Pourtant ça mériterait fort qu'on s'y attarde

!
* d'ailleurs tout ça ouvre de nouvelles voies pour un sujet sur le pluralisme musical inhérent à la BOF (ce qui permet, par exemple, de rendre beaucoup plus accessible la musique moderne au grand public: ce que font admirablement des gens comme Sarde ou Williams !), là où une oeuvre classique décide la plupart du temp d'être 100% spectrale ou 100% post-romantique ou 100% sérielle etc,...