Je ne suis pas dur avec Nolan (et son "Memento" et son "Prestige" surtout ne sont pas si mal), je ne fais que rechercher un sens à ce film (et je ne me contenterais pas de dire que je l'ai inévitablement compris parce que je suis un être humain -mais peut-être aussi que je suis un sot qui ne comprend rien à rien, et qui refuse de considérer le sens que Nolan et ses scénaristes maîtrisent parfaitement quant à eux, et que n'importe quel spectateur devrait saisir immédiatement ou intuitivement, même un enfant-) et je suis le premier à regretter pour ma part que ce film ne m'apporte rien que des nœuds inextricables dans la pensée, et non des sentiments (comme beaucoup de films qui se veulent aujourd'hui profonds, « Inception » et même les déjà anciens « Matrix reloaded », et « Matrix révolution » ; même si je suis moins dur avec la trilogie des Wachowsi, le premier étant une réussite, les autres comportant des développements de théories philosophiques et religieux vertigineux -mais malheureusement englués dans un syncrétisme monstrueux de bavardages et de sentences- mais qui n'ont que l'apparence de la profondeur sous des dehors lisses de « c'est scientifiquement prouvé, donc regardez, contemplez et approuvez bêtement la beauté »).
Dadid a écrit : Ce qui montre que quand on veut absolument voir une chose, on la voit, en critique comme ailleurs - et ça, c'est scientifiquement prouvé !

Ben non, je pense que rien n'est scientifiquement prouvé, que tout est constamment à retrouver et à reprouver. Et qu'il est dogmatique de dire que "c'est scientifiquement prouvé", et que cela doit donc engager l'achat ou la démission de la raison. Je ne disais certainement pas que "Deep Impact" constitue une influence massive et assumée (et consciente) de Nolan, mais qu'il y a bien un rapport thématique entre les deux films, comme il y en a un avec "Signes", d'ailleurs.
Dadid a écrit : Alors, juste pour répondre à cette histoire de puriste astrophysicien : je ne vois aucun purisme là-dedans, c'est juste que "trou de verre" ça ne veut rien dire. "Worrm hole" est une référence imagée aux réseaux de canaux labyrinthiques creusés par les vers (de terre), pas à la matière "verre" ni à l'ustensile de table .
Ceci dit merci, et sans ironie, car je ne le savais pas.
Je ne reproche d'ailleurs nullement à ce film d'être un film de science-fiction, mais de ne pas se revendiquer comme tel et d'avoir constamment la prétention de dire que cela est fondé scientifiquement avec des rappels théoriques constants qui alourdissent le sens du récit et appauvrissent la vie psychologique des personnages.
Leary a écrit : Heu... Oui, c'est un film de science-fiction, qui comme son nom l'indique, s'appuie sur quelques principes scientifiques pour s'aventurer dans des territoires hypothétiques faisant appel à l'imagination. Ceci dans le seul but de nous divertir et/ou nous faire réfléchir un peu sur notre condition. Je ne sais pas où tu as vu que Nolan se posait en documentariste rigoureusement scientifique délivrant un cours didactique. Tout film de science fiction passe par quelque discours pseudo-scientifique pour justifier ses enjeux, et que le spectateur est tenu de prendre pour argent comptant s'il veut faire partie du voyage. C'est un peu comme si je m'offusquais quand John Hammond nous explique comment l'ADN des dinosaures a été recréé dans Jurassic Park...
Le spectateur est donc ici intimé non de contempler et d'éprouver l'image, mais de suivre les circonvolutions théoriques. « 2001 » et « Blade Runner » sont de véritables films de science-fiction, car ils ne s'embarrassent à aucun moment de théories (et pourtant Dieu sait qu'il y a une profondeur théorique saisissante si l'on creuse, mais cela nous appartient ici librement de creuser théoriquement), mais laissent les images vivre. La science-fiction devrait être une négation totale des acquis scientifiques présents, puisque son principe est de voir au-delà du présent, et non une reprise exhaustive de la science passée et présente et ceci dans une perspective spéculative toujours scientifique.
La science-fiction devrait être justement un mépris de la science, et s'appuyer sans le dire sur des principes théoriques découverts pour en montrer toute l'inanité : comme Deckard découvrant soudainement dans le regard de Rachel que l'intelligence artificielle ouvre à l'humanité, comme Bowman régressant aux origines de la vie ou le monolithe sacré dispensateur de mondes. Ces images de pure « science-fiction » ne sont jamais justifiées et fondées scientifiquement à l'écran (et heureusement), et cette absence de discours didactique donne toute l'épaisseur et la saveur interprétatives : le spectateur ne se sent pas ici un élève ignorant recevant un savoir, il se sent enfin une « personne », un acteur du sens suggéré et de l'émotion.
Je ne comprends même pas comment on peut accorder à Nolan un sens de l'image ou de la suggestion.
Wyatt Earp a écrit :En revanche, pour ce qui est de créer de l'émotion par les images, ou en l'espace de quelques plans fugitifs (Cooper qui soulève le drap dans la voiture au cas où...), Nolan fait très fort.
Au cas où quoi ? Il trouverait sa fille ? Si je comprends bien c'est la phase où Cooper se rend avec les coordonnées décryptées à ce lieu dont il ne sait pour l'instant rien (et qui s'avérera être une station cachée de sauvetage de l'humanité), ayant préalablement dit à sa fille, Murphy, de ne pas l'accompagner, car cela pourrait être dangereux. Bon soit, et alors ? À la place du mort se trouve une couverture (il a pris aussi des victuailles, car il ne sait jusqu'où sa recherche le mènera), et la couverture bouge ! Bon, Cooper ne voit rien, et -semblerait-il- veut se saisir de quelque chose soit dans la boîte à gants, soit sous la couverture, et découvre inopinément sa fille (d'ailleurs, il le prend plutôt bien, et ne fait même pas marche arrière. Sa fille lui a désobéi mais cela n'est pas grave, de toute façon l'autorité parentale aujourd'hui relève de l'anecdote, plus besoin d'y croire, donc inutile de la rabrouer ou de lui faire la morale, mais pas besoin surtout de la ramener à la maison, car en fin de compte le risque n'est pas si grand, et s'il y a des êtres animés de mauvaises intentions au lieu-dit, sa fille s'en sortira certainement, ce n'est après tout qu'une enfant et une enfant a des ressources insoupçonnées !) !
Mais je ne vois pas en quoi il y aurait ici une suggestion quelconque, et même une émotion créée ! La couverture est soulevée par hasard, sans intention quelconque du personnage (enfin, on ne saura pas ce qu'il cherchait en tout cas), et même sans participation interprétative du spectateur (si on voit la couverture bouger -car on pourrait aussi ne pas la voir bouger, le plan étant très rapide-, instantanément, comme un réflexe, on est dubitatif -un raton-laveur, un être de l'espace... ?-, et après la découverte, on se dit : ah ben oui, qu'on était bête en fait c'était bien la fille Murphy qui a désobéi au père). L'émotion viendrait peut-être de la réunion entre le père et la fille face au danger futur ? Je ne ressens rien pour ma part ; le lien psychologique entre ces deux personnages n'étant pas creusé et m'apparaissant factice.
Que toutes les productions actuelles de science-fiction soient certes perverties par des exigences commerciales et économiques, c'est vraisemblable, mais qu'on ne me dise pas alors que certaines films sont intelligents parce qu'on ne peut en comprendre le sens, et ceci même en voulant exercer son jugement (qui appartiendrait aux spectateurs intelligents seulement). Ou alors, s'il faut s'abandonner à la sensibilité et aux images renvoyant à un sens réel, pas besoin qu'un film nous fasse de grands discours et des rappels théoriques constants, il faut (et c'est extrêmement difficile) soigner les images, le récit, la psychologie, etc.
Il est intéressant aujourd'hui de voir comment les productions cinématographiques actuelles considèrent le "statut" de spectateur en le ramenant soit à un élève sot qui va apprendre ce qu'est véritablement la science, soit à un consommateur passif de belles images qui ne renvoient rien qu'à elles-mêmes sans éveiller une once d'émotion ou de pensée libre.