À jeter un oeil gourmand à la pochette de l'album, dont les énergiques coups de pinceau promettent des flingues chargés à bloc et des mâles doués d'une pilosité triomphale pour en faire pétaradant usage, on cèderait en émettant maints rots de jouissance à la tentation de se croire devant un western rital qu'aucune des bibles dédiées au genre n'aurait jamais mentionné. Mais l'exotisme âprement musqué du titre a tôt fait d'éparpiller en lambeaux ce bienheureux fantasme, de même que le nom de Kilar au sommet de l'affiche. En 1968, il restait à l'homme, encore jeune, bien des choses à prouver, et c'est en artisan humble, docile soupireront peut-être certaines âmes chagrines, qu'il musicalise
Wilcze Echa. Au moins la providence l'avait-elle mis sur le chemin d'un futur (très gros) succès du cinéma polonais, qui dut l'aider par la suite, on peut le conjecturer, à confortablement épaissir son carnet d'adresses...
Quoi qu'il en soit, à défaut d'en avoir fait le creuset du style personnel que nous autres vieux de la vieille lui connaissons et estimons, Kilar est loin de s'être attelé à la tâche comme le dernier des je-m'en-foutistes. Son thème résonne avec les accents surannés, sans doute déjà ringardisés à l'époque par la vague déferlante pop, mais pétris de charme des trépidantes fantaisies en costumes que des cadors du standing de Delerue ou Misraki, portés par un entrain juvénile, laissaient alors caracoler toutes brides au vent et mors aboli. Le suspense, en revanche, témoigne d'un bellicisme plus cinglant et se donne même de vagues airs précurseurs lorsqu'un piano sur les nerfs déroule une obsédante ligne d'accords dont, sept ans plus tard, un boulimique
carcharodon carcharias fit son casse-croûte. Non sans un vif succès, crois-je d'ailleurs me souvenir... Certes,
Wilcze Echa n'a pas le moindrement l'ambition d'éperonner les sommets — une modestie qu'il partage avec
Późne Popołudnie, son compagnon de double programme, à califourchon sur une gravité dramatique qui ne l'est point trop (grave, donc) et quelques pastilles espiègles. Mais l'ensemble fait mieux que de simplement aider à tuer le temps quand celui-ci nous accable de sa très sadique élasticité.