Quentin Tarentino est un plasticien merveilleux, un réalisateur extrêmement talentueux sur le plan formel, et pour cela je l'admire beaucoup. C'est un virtuose. Malheureusement c'est aussi un planqué, qui ne met son talent qu'au service de films creux, hommages cinéphiliques sans âme. Il garde ses tripes bien à l'abri derrière ses références au genre, aux genres. C'est un designer. Il produit de magnifiques objets, à la fois modernes et vintage, mais ça reste des objets.
Il a effectivement une attitude postmoderne, mais elle aussi tient souvent plus de la posture que du geste artistique. Il ne revisite pas le genre, comme ont pu le faire par exemple Peckinpah, Eastwood (notamment avec
Unforgiven) et même Leone (après tout le western "spaghetti" est un lecture postmoderne du western), il se contente d'en adopter les codes pour y inscrire son goût pour le formalisme virtuose. Gageons que
Django unchained ne dérogera pas à la règle, et les trailers qui émaillent la toile me confortent dans cette idée (ils sont d'ailleurs empreints d'un verbiage frisant le logorrhéique qui laisse à craindre qu'il a conservé les pires effets du genre).
Concernant la musique, il me semble évident qu'un réalisateur aussi incapable de produire une œuvre vraiment originale (et à chaque nouveau film j'espère vraiment qu'un jour il osera le faire, qu'il osera enfin se mettre les tripes à nu), est également incapable d'oser une musique originale, se cantonnant confortablement dans la réutilisation de musiques préexistantes, dont ses goûts si sûrs en la matière (ayant les mêmes, il m'est facile d'affirmer cela

) le mettent à l'abri de toute déconvenue.
Et devant cette démarche, le béophile que je suis est ma foi fort partagé :
D'un côté, il m'est agréable de voir (d'entendre) ouvertes à un large public ces merveilleuses compositions que j'affectionne et qui sans cela resteraient cantonnées à la chapelle des connaisseurs (les films qu'elles illustrent étant bien souvent peu prisés (et sans doute avec raison...)).
D'un autre côté, ce n'est jamais sans un certain malaise (d'autant plus grand si je connais le film dont est issue la musique, et plus encore si je l'apprécie) que j'assiste à ce placage de mes musiques favorites sur des scènes pour lesquelles elles n'ont pas été composées, dans un film à la modernité tout de même suffisamment criante pour être en décalage avec le style authentiquement daté de ces compositions. Et ce décalage est malheureusement le ressort dont use bien souvent la parodie, parodie que frisent alors les scènes en question. Ainsi, pour reprendre l’exemple évoqué par ce cher vieux Lee, "The Demise of Barbara and the Return of Joe" utilisé pour la mort de Bill fait effectivement carrément mouche, mais est aussi à la limite du parodique, notamment par résonnance avec l’utilisation du thème du
Green Hornet qui pour le coup l’est complètement.
Bref, je ne désespère pas de voir enfin un jour Tarentino réaliser un vrai film personnel, illustré d’une vraie musique originale, et que les deux soient des chefs d’œuvre.