Mes propos, introductifs, s'adresseront néanmoins, à ceux qui ne connaissent peut être pas encore très bien cet immense monsieur de la BO .
Si durant l'âge d'or, nos compositeurs hexagonaux (Auric, Kosma, Jaubert, Honegger, Poulenc, Misraki, Van Parys... et même Dutilleux !) sont aussi incontournables que les Korngold et autres Waxman, Newman, Steiner, Raksin, Herrmann, Tiomkin, North, Kaper ou Skinner...
... L'âge suivant voit surgir les Williams, Goldsmith et Morricone. Et si, dans la même période, il y a bien un compositeur qui se hisse à leur niveau de maîtrise technique, d'inspiration, d'exigence et d'éclectisme c'est très clairement Philippe Sarde ! ... Puisqu'il a notamment livré une partition qui mérite l'accès aux marches les plus hautes du panthéon béophile: La Guerre du Feu (à titre personnel, cette musique demeure parmi mes 4 ou 5 BO favorites, avec CE3K, "Legend" et "Mission to Mars") !
Objectivement, il mérite véritablement que l'on parle tout autant de lui que des trois vénérables personnages susnommés !
De très belles collaborations à son actif: Polanski (dont la fameuse nomination à l'oscar musical pour le superbe "Tess": la même année que les monuments "Altered States" de Corigliano et "Empire Strikes Back" de Williams, quelle fournée !), Annaud, Tavernier etc,... et une excellente petite carrière aux USA (beaucoup plus courte que Delerue et Legrand tout de même).
Quelques phrases plus tôt, il était question d'éclectisme dans sa production, et c'est tout à fait ça puisque, comme chez les Goldsmith ou Williams, on peut parfaitement aborder sa carrière sous différents angles, selon que nous soyons complets néophytes en BOF, ou amateurs plus chevronnés, friands des compositions les plus pointues !
Par exemple, aux néophytes complets à la musique d'orchestre, souvent très demandeurs de belles mélodies limpides (même si ces travaux ne se limitent pas qu'à ça, loin de là !), on peut leur conseiller de commencer par ces quelques pistes:
- Les Choses de la Vie, toute première BO composée par un Sarde tout jeune et déjà prometteur !
- Deux Homme dans la Ville, musique vraiment poignante !
- Le Train (pareil !)
- Le Fils
- La Veuve Couderc
- Garçon !, espiègle et dynamique !
- Les Soeurs Fâchées, pareil !
- L'Adolescente/Les Égarés, d'un impressionnisme carrément magnifique !
Les amateurs de thèmes amples, orchestrés avec opulence (et forts d'une écriture d'une extrême précision), on les orientera davantage vers les travaux suivants:
- L'Ours, dans lequel il s'agissait d'arranger et orchestrer une pièce pianistique de Tchaïkovsky (Barcarolle des "Saisons")... Pour un splendide résultat !
- Le Choix des Armes, partition ravélienne en diable qui demeure l'un des plus énormes chefs d'oeuvre de Sarde: rhâââ, mais cette chatoyance impressionniste ! C'est à en chialer ! Non mais écoutez moi cette splendeur orchestrale !
- Ghost Story, impressionnante et gracieuse musique pour orgue et orchestre (ainsi qu'une soliste pour des vocalises fantômatiques !).
- Lovesick, partition assez irrésistible pour ma part !
- Allons z'Enfants, qui mérite vraiment le détour !
- Pirates
- Le Petit Garçon
- Music Box, très émouvant.
- Rendez Vous (lui aussi !)
- Tess, évidemment...
- Lord of the Flies, partition vraiment fameuse, à qui il arrive de convoquer Stravinski.
- Nelly et Monsieur Arnaud, une merveille pure et simple dotée d'une écriture splendissime ! Que d'émotions bon dieu !
... et bien d'autres ("Manhattan Project",...)!
Pour les amateurs friands de partitions modernes, audacieuses ou expérimentales, voici venu le versant parfait pour aborder Sarde... si vous êtes néanmoins déjà familier de musique à tendance "savante" !
Et là c'est du bonheur ... Puisqu'il s'agit, peut être, du pan de sa carrière le plus fascinant !
Pour eux, c'est notamment du côté des énumérations suivantes qu'il faut chercher:
- Le Locataire (chef d'oeuvre de Polanski), l'un de ses tous meilleurs travaux... Pour lequel il fera appel à un sepharium (instrument étrange constitué de verres accordés) afin de recréer une atmosphère complètement glauque !
- Les Seins de Glace, partition approchant du dodécaphonisme, est une autre merveille du genre !
- Sortie de Secours, notamment pour les très impressionnantes pistes "Café du Centre" et "Messe Noire/Square des Innocents"... à clouer sur place !
- Sept Morts sur Ordonnance, (splendissime) quant à lui, ne peut pas nous empêcher de penser à Debussy (notamment "La Mer"), jusqu'à l'apparition inquiétante des choeurs !
- Coup de Torchon, folle fantaisie, à la fois ironique et machiavélique (c'est un peu "La Valse" de Ravel, mais transposé au cas du tango). C'est violent, ça part dans tous les sens et c'est très impressionnant: une tuerie !
- Le Sucre qui, dans le genre barré, ne se défend pas mal non plus d'ailleurs !
N'oublions pas non plus Une Histoire Simple, fameux (Le Crabe Tambour non plus d'ailleurs) !
Pour les amateurs de jazz à tendance symphonique, on peut toujours citer les travaux suivants (immanquablement, il s'agit là d'oeuvres nostalgiques... particulièrement le poignant "Mort d'un Pourri" !):
- Liza
- Mort d'un Pourri
Quelques mots sur La Guerre du Feu (que j'avais écrit pour un autre forum):
Jetez vous sans conditions sur sa réédition !!!Décidément 1981 ("Le Choix des Armes" ! "Ghost Story" ! "Coup de Torchon" !) est véritablement le sacre de Sarde puisque c’est l’année de son chef d’œuvre absolu, une œuvre magistrale, audacieuse et mystique, à l’impact aussi violent que l’époque qu’elle illustre : "La Guerre du Feu"... qui entame sur les chapeaux de roue sa collaboration avec Jean Jacques Annaud.
Je connais peu de BOF dont rien que l’ouverture ("La Création du Feu") demeure un chef d’œuvre à elle toute seule. En vérité j’en vois deux : "Mission to Mars" et "La Guerre du Feu".
Déjà, là tout est dit, mais si je rajoute que c’est l’une des œuvres les plus modernes du compositeur, résolument encrée dans le XXème siècle, aux audaces et à la violence rappelant par moment Varèse ou Stravinski et faisant preuve d'une écriture splendide… A noter que cette violence "moderne" se marie merveilleusement bien aux images préhistoriques du film, ce qui pourrait paraître paradoxal mais reste en fait tellement logique !
Une œuvre sophistiquée et exigeante qui fait appel à deux orchestres, dont le LSO, afin d’associer leurs meilleurs pupitres à des orchestrations superbes.
Au final on a vraiment droit à un authentique chef d’œuvre qui se hisse tout en haut de ce que peut produire de meilleur la musique de film, rien que ça ! Et c’est sûrement la raison pour laquelle Sarde plane à 10000 au dessus de bien d'autres compositeurs qui, malgré tout le plaisir que j’ai à les écouter, n’auraient jamais pu faire naître une telle musique, ample, audacieuse, exigeante et hyper précise, appartenant pleinement à son auteur (les sempiternelles cordes Sardiennes du love theme, c’est toujours à en fondre de BOs en BOs ! Un peu de douceur dans ce monde de brutes néandertaliennes ).
C’est également l’œuvre sans laquelle je ne me serais sans doute jamais intéressé autant au compositeur !
Quelques oeuvres qui, selon moi, n'ont pas très bien vieilli (et donc à éviter, du moins au début):
- "César et Rosalie", "L627", "Mon Beau Frère a tué ma Soeur", "Flic ou Voyou", "Quelques jours avec moi", "Lancelot du Lac", "L'Horloger de St. Paul", "Max et les Ferailleurs", "Eve of Destruction",...
...Et quelques autres encore, mais c'est comme chez Goldsmith ou Morricone, il y a évidemment des choses un peu plus ringardes que d'autres !
Mon top perso :
- La Guerre du Feu: l'une des 4 ou 5 meilleures BO du monde
- Le Choix des Armes
- Le Locataire
- Lovesick
- Ghost Story
- Sept Morts sur Ordonnance
- Nelly et Monsieur Arnaud
- Sortie de Secours
- Les Seins de Glace
- Lord of the Flies
Suppléants:
- Coup de Torchon
- Mort d'un Pourri
- Le Sucre
- Deux Hommes dans la Ville
- Le Train
- Une Histoire Simple
- Tess
- L'Ours
- Les Égarés
A noter que, comme ses estimés confrères Herrmann, Rota ou Horner, Sarde possède une certaine propension à réutiliser certains de ses propres thèmes d'une BO à l'autre: lors de chacune de ces réutilisations, il transforme quasi-systématiquement l'harmonie, le rythme ou les orchestrations de ce thème (si bien que la seule correspondance qui reste entre le thème original et sa nouvelle forme relève de la simple succession de notes... alors que la Musique c'est précisément tout le reste: harmonie, rythme, instrumentation ! Du coup, je n'ai jamais vraiment compris comment certains se débrouillaient pour en faire un argument capable de décrédibiliser à leurs yeux toute l'oeuvre d'un auteur...).
A vous maintenant !