Yuji Ohno

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Lee Van Cleef
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Yuji Ohno

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Le vieux Van Cleef, il ose tout, caquettent avec force gloussements les habitués du zinc crasseux d'UnderScores. C'est même à ça qu'on le reconnaît, aiment-ils à renchérir — sans que le principal intéressé n'ait jamais pu déterminer s'il convient d'y voir une louange de la plus belle eau, ou le reflet de bien moins charitables pensées... Ces entrefaites expédiées, il me faut admettre que l'audace sans borne qu'on me prête se tient en réalité calfeutrée dans un périmètre quelque peu exigu. Pour preuve accablante, le présent topic, où je n'ai pas la moindre intention de saisir à bras-le-corps la discographie labyrinthique d'un certain gentleman cambrioleur... Autant vouloir s'engouffrer au sein d'un dédale de ronces avec pour toute cuirasse un vulgaire calbute à pois verts !

Aussi, en attendant qu'un peu de courage me vienne malgré tout (car il n'est pas question d'escamoter entièrement les tripotées de Lupin III en l'absence desquelles la renommée de Yuji Ohno n'aurait pas chatouillé le même pinacle), laissez-moi ânonner deux ou trois mots au sujet d'Inugami-Ke no Ichizoku, premier des cinq films que le grand Kon Ichikawa consacra au détective Kosuke Kindaichi. Apparemment très fine mouche, le personnage mène l'enquête dans des décors et une atmosphère qu'on tenterait sans doute en vain de rapprocher d'autres fins limiers emblématiques, tels Sherlock Holmes ou Maigret — du moins, si l'on se fie à la musique d'Ohno. Il faut entendre celui-ci, étincelant d'une forme furibarde, lâcher carrément les chevaux comme s'il déversait un rock en fusion piqué de shamisen sur une scène de concert, pour songer que trench-coat et pipe en noyer ne doivent pas être de la partie. Au-delà de ces roboratives explosions, Inugami-Ke no Ichizoku lève le pied à l'approche de classieuses aires de repos, où le charme et l'élégance le disputent à des tonalités chambristes striées des veinules du marbre froid. Une grande réussite à savourer sans compter.
Rork
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Re: Yuji Ohno

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J'ai aussi ce magnifique album... Allez, pour t'encourager et parce que j'adore Yuji Ohno, une version en live (du dernier concert que je ne peux que recommander) du thème principal.

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Mortimer
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Re: Yuji Ohno

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Connais pas du tout mais j'aime bien le morceau posté par Rork. Il y a un petit coté Mancini je trouve. Je ne m'attendais pas du tout à ça.
Plus on est nombreux à penser la même chose,
moins il vient à l'idée qu'on pourrait tous avoir tort.
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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Quand faut y aller, ma foi, faut y aller, si fichtrement intimidante que soit la jungle cyclopéenne des albums sur lesquels Lupin troisième du nom a cousu son écusson. Mieux vaut, à l'orée d'une expédition qui promet d'être chaotique, s'en remettre pour un temps à des repères familiers de tous. Rupan Sansei : Kariosutoro no Shiro (Le Château de Cagliostro), second long-métrage consacré à l'improbable petit-fils du gentleman-cambrioleur de Maurice Leblanc, et à titre accessoire première tentative cinématographique d'un dénommé Hayao Miyazaki, fera amplement l'affaire. Les exégètes sourds à la corruption ne l'entendront pas nécessairement d'une oreille affable, eu égard au rachitique crédit qu'ils accordent à cette adaptation dans laquelle, d'après eux, le héros arrogant et cynique à ses heures imaginé par Monkey Punch ne se résume plus qu'à quelques (im)postures graphiques. Yuji Ohno lui-même, malgré une entame sur les chapeaux de roue, paraît céder peu à peu à une sensibilité "miyazakienne" et jeter au bénéfice des futures partitions de Joe Hisaishi les pavés liminaires.

Moins réelle que fantasmée a posteriori, sans doute, l'idée fort séduisante d'une filiation musicale entre deux géants s'épanouit surtout grâce à un thème magnifique, où le pupitre des bois fait merveille. Flûtes, hautbois, clarinettes et tutti quanti ont d'ailleurs fait main basse sur le score, nous éloignant d'autant de la coolitude sixties qui demeure la substantifique moelle des musiques de cette fripouille de Lupin III. N'allez tout de même pas en déduire qu'Ohno ait décidé sur ce coup-là de snober ses fondamentaux ! Une samba échevelée rapplique au détour d'un interlude moelleux pour nous filer la banane, tandis qu'ailleurs une trompette rondouillarde entonne le thème de l'inspecteur Zenigata, savoureuse régalade qui sourit des infortunes à répétition du Lestrade nippon.
Rork
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Re: Yuji Ohno

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Ooh. alors ça y est. tu es atteint...

De mémoire. il me semble avoir vu ou lu une interview dans laquelle Ohno-sensei confiait que c'était Miyazaki qui avait insisté pour qu'il n'utilise pas son (ses) fameux thème(s) pour ce film. mais quelque chose de différent (et donc de plus Miyazakien; certainement...).

Pour le coup nouvel extrait du même concert avec le générique de ce film (l'interprète est celle de la dernière série Sakura Fujiwara)

Fire treasure (live)
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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Rork a écrit : mar. 16 août 2022 21:21De mémoire. il me semble avoir vu ou lu une interview dans laquelle Ohno-sensei confiait que c'était Miyazaki qui avait insisté pour qu'il n'utilise pas son (ses) fameux thème(s) pour ce film. mais quelque chose de différent (et donc de plus Miyazakien; certainement...).
En ce cas, Miyazaki doit avoir omis de flanquer son oukase d'un froncement de sourcils ad hoc... car l'indésirable thème se trémousse d'entrée de jeu, à l'occasion d'une course-poursuite d'anthologie qui, selon des rumeurs récurrentes glanées ici ou là, gonfla d'admiration un certain Steven Spielberg. Par la suite, néanmoins, la fameuse signature musicale de Lupin III fait profil bas, comme pour signifier que notre héros, promu (ou déclassé, c'est selon) prince chevaleresque en plus d'être charmant, n'a pas cette fois-ci de rocambolesques projets de rapine au firmament de ses priorités.
Rork
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Re: Yuji Ohno

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Ma mémoire a probablement déformé un peu les choses (c'est pas beau de vieillir) mais il me semble pourtant avoir lu quelque chose dans le genre. Enfin l'important c'est surtout que l'ami Ohno soit entendu par de plus en plus de monde... Qu'est-ce que j'aimerais l'entendre en vrai. Dire qu'il continue de tourner!

Le concert des 80 ans était double au Japon avec une partie consacrée justement à Cagliostro et une autre qui revient sur l'ensemble de sa carrière et est disponible en blu-ray dvd et cd dont j'ai donné quelques liens...
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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L'éminence ineffablement grise qui commande à nos destinées (Manu Macron, quoi) a de récente date prévenu : nous vivons les soubresauts derniers de l'insouciance. Ce à quoi le Lupin des eighties aurait à coup vraisemblable rétorqué par un rire railleur, ainsi qu'un pied de nez pour faire excellente mesure. Drapé dans une esthétique plus caoutchouteuse que jamais, "pour les mioches", soupireraient d'aucuns, lancé au coeur de cartoonesques aventures comme un môme trépignant dans un bac à sable, notre héros écume Rupan Sansei : Babiron no Oogon Densetsu (L'Or de Babylone) à un train frénétique, qu'éperonne avec panache et malice la musique de Yuji Ohno. Elle aussi, une nouvelle fois, se laisse aller à un badinage de gouleyant aloi, électrisé par l'énergie juvénile des années 60 et 70, sans se douter que les onomatopées électroniques des divertissements new look s'apprêtaient à chambouler la donne. En attendant, quelques fulgurances gorgées de mouvement, une source music du tonnerre pour boîte de nuit en fusion, ainsi qu'un thème principal d'allure admirable qui susurre sa tristesse à mots couverts, composent autant de fiers atouts surgis des manches de la jolie veste rose saumon d'un Lupin grimaçant.
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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Au fond, tout est affaire de clichés — dans le merveilleux domaine qui nous passionne comme ailleurs. Une fois que les éminences élues (pas forcément pour le meilleur, mais ceci est une autre palabre) ont enfoui lesdits poncifs, plongeant leurs racines assez profondément pour que nul n'échappe à leur influence, le reste de la horde n'est en règle générale pas long à se pointer, prêt à pérenniser les nouveaux codes. Avec génie, comme il peut arriver ici ou là, le plus souvent en faisant preuve d'une application stérile. L'horripilante image d'Épinal dans laquelle demeure empêtrée notre tendre France est un de ces lieux communs dont rien ne paraît en mesure d'égratigner l'épiderme. Béret crânement incliné comme jadis les canotiers des danseurs étoiles, baguette coincée avec nonchalance sous le bras, minuscules rues pavées qu'on ne parcourt qu'à coups de pédales rêveurs... et comme vous le savez bien sûr tous, gentlemen à qui on ne la fait plus, petit air d'accordéon laissant affleurer la cordialité à la bonne franquette des bals musettes.

Forcément j'ai envie de dire, quand Yuji Ohno s'en va à la remorque de Lupin troisième du nom, pour une virée parisienne où la tour Eiffel tape l'incruste dans tous les plans ou presque, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il réinvente la roue. Mais le charme et la coquetterie, pour téléphonés qu'ils soient, se révèlent tout bonnement irrésistibles. Avec l'élégance innée d'un Mancini dans sa veine "exotique", ou même, pourquoi pas, du George Bruns des Aristocats, Ohno parfume à l'eau de violette et de rhododendron le mythique thème du cambrioleur du Levant et transforme les pérégrinations de celui-ci en son pays natal (en quelque sorte) en une balade aussi mouvementée qu'acidulée. Régulièrement, nos deux bougres ne dédaignent pas s'accorder un crochet par Saint-Germain-des-Prés, dévalant les marches des fameuses caves où le jazz tombé en même temps que la Libération battait souterrainement son plein. Même le track-listing s'y colle, sortant de sa hotte quelques titres francisés qui fleurent bon les plus désuets parfums de la capitale : Pour le Vent de la Seine, Mon Paris (Aime-Moi), Beau Temps Comme d'Habitude, Si Bon ! Si Bon !

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Re: Yuji Ohno

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Il circule quantité d'autres clichés moins sympas sur Paris et la France, pas toujours dénués d'un fond de vérité hélas, donc autant se concentrer sur cette musique bien pêchue en effet. :D En plus des références citées, j'ai le sentiment que Ratatouille est passé par là, au moins comme un trait d'union, un rappel des plus anciens.
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Re: Yuji Ohno

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D'un autre côté, Yuji Ohno fait partie de ces compositeurs avec lesquels l'achat d'un album implique peu de risques d'être déçu. C'est une valeur sûre !
Rork
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Re: Yuji Ohno

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A noter que pour chacune des séries récentes (Italienne, française et anglaise), ce n'est pas un mais deux albums qui sont parus. Tout ça sans compter l'album "The first" pour le film en synthèse, etc... On est plutôt gatés avec M. Ohno...
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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Parce qu'il ne saurait y avoir que cette insaisissable crapule de Lupin III dans le gymkana discographique auquel se livrent les zélotes d'Ohno, voici, sous vos applaudissements, le cultissime comédien Yusaku Matsuda. Emporté beaucoup trop tôt, au sortir du tournage de Black Rain, par un cancer de la vessie, l'homme aux bouclettes canailles aura trouvé le temps malgré tout de devenir l'empereur archi-plébiscité du cool, dont l'une des plus populaires incarnations demeure le tueur à gages Shohei Narumi. Un personnage haut en couleur, faut-il préciser, que la trilogie Yugi robustement mise en scène par Toru Murakawa fait passer par une foultitude d'états à l'occasion antinomiques : rouerie narquoise, lassitude désabusée, fureur volcanique, romantisme gibbeux... Autant de facettes que l'ami Yuji s'escrime à polir jusqu'à les faire aussi violemment briller qu'un miroir de lupanar.

Connaissant le gaillard, il n'y a pas lieu d'être surpris de l'entendre surtout travailler la nonchalance comme il se doit imbibée de Matsuda, via un thème traînant la patte à l'envi. Pas le moins du monde contrariante, la trompette cède de-ci de-là son rôle de boussole à un saxophone débonnaire ou à la friponnerie de la flûte, tandis qu'à l'arrière-plan une batterie de percussions, mieux évocatrices des swinging sixties que des seventies quasiment révolues où Mottomo Kiken na Yugi vit le jour, renchérit dans la désinvolture générale. Un peu trop, peut-être, pour le bien du second volet, à deux doigts de succomber à la torpeur d'une cocktail party arrosée de xylophone. In extremis, le dernier film, Shokei Yugi, corrige cette trajectoire titubante en bandant ses biceps, occasionnant entre autres démonstrations de hargne virile un long free jazz dont l'énergie s'accommode même des feulements impromptus d'une guitare électrique.
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Lee Van Cleef
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Re: Yuji Ohno

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Il a beau être de tous les mauvais coups (ne comptez pas sur l'infortuné inspecteur Zenigata, qui a usé à sa poursuite quelques centaines de paires de ses gros souliers, pour prétendre le contraire), le lointain descendant nippon de notre Arsène Lupin national entretient consciencieusement à l'appât du gain le dévorant un rival tout aussi impérieux : les plaisirs fondants du farniente. Il ne pouvait dès lors que mettre un jour le cap sur une Italie de carte postale, où des bordées de sifflements "alessandroniens" et une mandoline au goût de paradis donnent chair sapide à l'hédonisme dont quantité de mythes et légendes font l'alléchant apanage de la Méditerranée. Qu'on se rassure, quelques embrouilles de derrière les fagots sont là pour corser ce trop paisible océan de paresse des fragrances piquantes de la dynamite — exercice, faut-il le rappeler, au service duquel Yuji Ohno excelle con brio. Tout de même, il eût été dommage que l'escapade transalpine de Lupin III ne lui donnât pas l'opportunité de faire vrombir le moteur de sa fameuse Fiat 500, l'enfant du pays.



Pour la petite histoire, il semblerait que ce Rupan Sansei Pāto Fō, à titre exceptionnel, fut d'abord diffusé sur les petits écrans de la Botte avant d'accoster l'Archipel. Le pianiste et compositeur Nerio Poggi, coiffé de son pseudonyme Papik, gratifia à cette occasion la série d'une nouvelle partition originale, que certains échos décrivent sous un jour aussi nonchalamment remuant que celle d'Ohno. De quoi motiver chez le béophile affamé de coolitude le désir d'une rencontre prochaine.
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Re: Yuji Ohno

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Il existe encore des braves qui n'ont pas froid aux yeux et tiennent à ce que ça se sache. Témoin l'auteur de la croquante bêtise de Cambrai ci-dessous, laquelle cumule sur plus de deux heures la pléthore de variations qu'Ohno (majoritairement lui, en tout cas) agença durant les 45 dernières années autour de son thème savoureux pour l'inspecteur Zenigata. L'une des signatures musicales parmi les plus populaires de Rupan Sansei, d'où ressortent essentiellement la bougonnerie renfrognée et la malchance plus collante que la poix du zélé chien de chasse, dont les efforts herculéens pour mettre le facétieux cambrioleur hors d'état de nuire ne seront à l'évidence jamais couronnés de succès. Ledit leitmotiv passe par bien des humeurs, un coup prêt à renverser des montagnes, un coup terrassé par des bleus à l'âme, tantôt sur un trente-et-un de velours soyeux, tantôt victime de soubresauts rock'n'roll, mais toujours fidèle à son caractère fondamentalement cocasse. Tant pis pour Pops, tant mieux pour nous.

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