Pierrebrrr a écrit :
Sur le rapport à Demy...
lui a un vrai univers et des thématiques fortes
Gans aussi. Chacun de ses films est reconnaissable aussi bien pour son esthétique que pour ses thématiques: le retour du passé dans le présent- la hantise- l'affrontement de mondes masculins et féminins, les figures héroïques étant toujours capables d'exprimer les deux principes, le rapport au sacré, celui avec la sauvagerie ou la nature- au sens géographique et au sens symbolique. Voilà des thèmes que tu retrouves dans TOUS les films de Gans, inclus son sketch de Necronomicon.
Ah alors si on va par là, ok je te suis, en effet je reconnais que je n'avais pas vu ça sous cet angle. Tu sembles très bien connaitre Gans. Moi, j'ai beaucoup de mal à rentrer dans ses films parce que les thématiques que tu soulignes (et qui sont sans doute justes) il ne fait que les effleurer, au contraire d'un Demy qui les développe, film après film (au point que pas mal de ses films se répondent les uns les autres) au risque de vouloir parfois trop en faire (cf. 3 PLACES POUR LE 26).
Pierrebrrr a écrit :Il n'a pas d'univers ? As-tu remarqué, par exemple, que TOUS les films de Gans commence par un dessin qui devient image filmique ? Dans Crying Freeman, c'est le tatouage sur le corps du Freeman, évidemment, puis l'écriture de la jeune femme- une calligraphie japonaise, une écriture dessin, donc, qui entame le récit. Dans le pacte des loups, à nouveau une écriture dessin, celle du marquis d'Apché, une calligraphie cursive très soigneusement dessinée encore. Dans Silent Hill, ce sont les dessins de la petite fille qui préfigure le monde fantomatique, avant qu'il ne soit montré dans le récit filmique. enfin, dans la Belle et la Bête, sans surprise, le procédé est encore plus direct: des illustrations dans un livre qui se fondent en image cinématographique... Difficile de faire plus programmatique.
Pour moi ce n'est pas ça avoir un style ! Au mieux c'est un gimmick. Comme Lelouche lorsque, de manière assez lourdingue, il s'échine à glisser dans tous ses films une scène où sa caméra tourne à contre courant d'un couple qui s'imprime un mouvement opposé.
Pierrebrrr a écrit :Gans plombe ses images de dialogues trop plat, trop "dictés", ça ne vit pas
Un peu comme dans les Demoiselles de Rochefort, Les parapluies de Cherbourg ou tous les films de Demy ?
Bein, justement, non. Chez Demy, ce sont les dialogues qui racontent l'histoire, et pas du tout chez Gans.
Pierrebrrr a écrit :Enfin, je ne veux pas te convaincre, je ne me fais pas de soucis, je sais que tu sais reconnaitre un vrai cinéaste quant on t'en mets un sous les yeux.
Merci pour le compliment, vil cireur de pompe.

..... Cinéaste, Gans, oui. Mais je ne retire rien de ce que j'ai pu dire avant : pour moi, mauvais conteur. Mais sacripant, sais-tu que tu as réussi à me donner tout de même envie d'aller voir cette version de la Belle et la Bête ! Tu es trop fort.
Pierrebrrr a écrit :
Demy était fasciné par la description des mondes masculins et féminins comme deux mondes existant presque sur des niveaux de réalité différents- il a été très loin sur ce thème dans un film méconnu que j'aime beaucoup: l'évènement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (Marcello Mastroiani tombe "enceint") et a réalisé avec Lady Oscar un film dont Gans pourrait très bien faire le remake. N'oublie pas, aussi, que Demy a été un cinéaste cinéphile aussi: Les parapluies, et les demoiselles sont deux films qui n'existe que parce que Demy était fasciné par la comédie musicale américaine.
Entièrement d'accord avec toi. Mais je ne vois pas ça dans le cinéma de Gans. On va dire que ça a du m'échapper.
Pierrebrrr a écrit :C'est peut-être là que le cinéma de Gans, fondamentalement, ne peut pas satisfaire le grand public. C'est un cinéma d'esthète au sens ou, c'est vrai, ce qui interesse Gans avant tout, c'est le langage des formes- au mieux ça donne un cinéma symboliste, au pire un cinéma "maniéré" ou rococo.
Effectivement. Tu appuies en même temps sur la force et la faiblesse de Gans. Un très bel écrin mais à l'intérieur c'est souvent une bague en plastique (bon, pour les petites filles, ça peut le faire

).
Pierrebrrr a écrit :et si tu vois la Belle et la Bête tu sera très étonné du rythme du film, très "lent" selon les standarts actuels, très surprenant, même si on connait l'histoire. Ce n'est pas un film qui cherche un équilibre rythmique, en organisant des petits climaxs pour maintenir l'attention du public avant le grand feu d'artifice final, c'est un film qui prend le temps de fasciner de déployer ses images.
ça, ça peut beaucoup me plaire, et c'est aussi pour ça que tu as réussi à m'intriguer au-delà de la bande-annonce que je ne trouve pas du tout attirante !