The Illusionist (Philip Glass)

Par où t'es rentré... on t'as pas vu sortir

Disques • Publié le 22/07/2011 par

The IllusionistTHE ILLUSIONIST (2006)
L’ILLUSIONNISTE
Compositeur :
Philip Glass
Durée : 51:11 | 21 pistes
Éditeur : Ryko Filmworks

 

4 out of 5 stars

Si la présence de Philip Glass, l’un des principaux représentants avec Steve Reich de la musique minimaliste, pouvait surprendre sur un film comme The Illusionist, il faut rappeler que ce n’est pas là sa première incursion dans le domaine du fantastique : tous les amateurs du genre se souviennent de ses magistrales partitions pour les deux premiers Candyman ou encore de sa revisitation du Dracula de Tod Browning, sans compter son travail sur le thriller d’après Stephen King : Secret Window (Fenêtre Secrète). Sa partition pour le film de Neil Burger est incontestablement une nouvelle réussite, transcendant les images à de nombreuses reprises. Fidèle à son style constitué de motifs mélodiques – à défaut de thèmes réels – s’enroulant les uns dans les autres et répétés à l’infini, majoritairement interprétés par des cordes qui n’en finissent pas d’envoûter et d’étourdir l’auditeur, Glass ne fait certes pas dans l’originalité mais remplit sa part du contrat avec un professionnalisme et une efficacité absolus : bercé par ses harmonies obsédantes oscillant entre classicisme et modernisme, on est immédiatement transporté dans l’univers nocturne et brumeux de l’Autriche impériale.

 

Tantôt sombre et tendue, tantôt lyrique et passionnée, sa musique emporte dans un tourbillon vertigineux qui à lui seul pourrait ouvrir les portes sur un autre monde, celui qu’on aurait tant aimé voir se découvrir dans le film, ne serait-ce que quelques instants. Do You Know Me? illustre à merveille le fantastique pouvoir de séduction exercé par le compositeur, alors reflet musical du magicien : mélange de malice, de beauté et de mystère, plein d’un charme ensorcelant et d’une maîtrise diabolique, son impressionnant crescendo de hautbois, de xylophone, de cordes puis de trompette et de flûtes se mue en une marche à la Peer Gynt, brassant de nombreuses références parfaitement assimilées, de Grieg à Bernard Herrmann en passant par Prokofiev et Ravel. De la même façon, dans Meeting In The Carriage, la mélancolie est toujours sur le point de se muer en émerveillement.

 

Fluide et quasi aquatique, la partition de The Illusionist progresse par vagues incessantes, vigoureuse et dramatique dans les moments de poursuite, d’enquête et de mystère, mais aussi fortement émotionnelle et romantique lorsqu’elle accompagne les scènes d’amour entre Jessica Biel et Edward Norton. Le seul reproche que l’on puisse lui adresser est de rappeler énormément une autre grande réussite du compositeur, à savoir The Hours, partition nominée aux Oscars et ayant définitivement fixé le « style Glass » des années 2000 : on retrouve ici le même mélange caractéristique de piano, de cordes et de harpe, le même sens du tragique et la même entêtante nostalgie. À l’écoute des morceaux The Orange Tree et Sophie, on se dit que Glass n’est finalement pas si éloigné de James Horner, autre spécialiste de l’auto-plagiat dont l’influence semble d’ailleurs planer sur la fin de Eisenheim Disappears ! Cependant, le brio de l’ensemble excuse largement l’absence de renouvellement : intense et poignant, bien supérieur au film qu’il illustre (alors que c’est tout le contraire dans The Prestige !), The Illusionist de Philip Glass est un joyau musical à découvrir d’urgence et à savourer jusqu’à l’étourdissement.

 

Edward Norton dans The Illusionist

Gregory Bouak
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