Beowulf (Alan Silvestri)

Le Dragon du Lac de Feu

Disques • Publié le 27/06/2011 par

BeowulfBEOWULF (2007)
LA LÉGENDE DE BEOWULF
Compositeur :
Alan Silvestri
Durée : 46:52 | 17 pistes
Éditeur : Warner

 

4 out of 5 stars

Douzième collaboration entre Robert Zemeckis et Alan Silvestri, la musique de Beowulf (La Légende de Beowulf) témoigne une fois encore de la synergie artistique unissant les deux compères. Beaucoup moins prolifique que par le passé et visiblement plus préoccupé par ses vignes que par son travail, Silvestri avait livré en 2006 des partitions plutôt décevantes comme The Wild et Night At The Museum (La Nuit au Musée). Fort heureusement, ce nouveau score sauvait la mise à tous points de vue et marquait le retour du compositeur sur le devant de la scène. Rehaussant le niveau des images autant que possible, Beowulf est en effet de la trempe de Judge Dredd, de The Mummy Returns (Le Retour de la Momie) et de Van Helsing.

 

Certes, le thème principal, assez simpliste, rustaud et pompier, sonne déjà entendu mais il s’avère également fort séduisant et efficace, à l’image de la personnalité musicale de Silvestri. Rythme et mélodie très scandés, chœurs à la Carmina Burana, percussions et cuivres tonitruants, tout y est… Certains ont critiqué l’emploi des synthétiseurs et de la guitare électrique pour ce thème et dénoncé l’aspect « branché » factice déjà présent dans le méconnu Lara Croft Tomb Raider : The Cradle Of Life (Tomb Raider II : Le Berceau de la Vie), mais qu’on se rassure, ces orchestrations sont très peu présentes dans l’ensemble du score.

 

L’album de Beowulf, d’une durée raisonnable et très bien découpé (ce qui est loin d’être toujours le cas pour Silvestri, desservi par des albums soit trop longs soit trop courts dont les pistes sont à l’avenant, voir par exemple Night At The Museum), alterne avec un bel équilibre morceaux d’action magistraux, séquences de mystère envoûtantes, complaintes douloureuses ou encore longues envolées solennelles. L’ensemble est en outre ponctué par des ballades à l’aspect agréablement médiéval composées en collaboration avec Glen Ballard, que Silvestri retrouve après The Polar Express (Le Pôle Express), et interprétées par la voix suave de Robin Wright Penn. A Hero Comes Home devient alors le thème principal du héros, plein de noblesse et de nostalgie, repris tout au long du score en de bouleversantes variations sur un mode tantôt élégiaque tantôt épique, jusqu’à la splendide oraison funèbre He Was The Best Of Us. Le résultat est du meilleur effet, d’autant plus que Silvestri semble faire des clins d’œil à plusieurs reprises à Conan The Barbarian (Conan le Barbare) de Basil Poledouris, le must absolu de la musique d’heroic fantasy.

 

Grendel : « Allô maman bobo, comment tu m'as fait j'suis pas beau ! »

 

Après quelques morceaux relativement brefs servant à planter le décor, l’atmosphère et les principaux thèmes du score, le meilleur arrive avec d’un côté les scènes d’action et de l’autre les scènes dites « de séduction », le compositeur s’épanouissant aussi bien dans l’univers mâle et barbare des guerriers nordiques que dans les volutes féminines à la fois gracieuses et perverses associées à la mère de Grendel. Dans les deux cas, l’on atteint la quintessence du style d’Alan Silvestri dans tout ce qu’il a de plus virtuose et réjouissant : les attaques de Grendel et la scène dantesque du combat contre le dragon donnent lieu à des envolées belliqueuses d’une rage et d’une fougue littéralement atomisantes. Évidemment, l’outrance orchestrale est de rigueur et ceux qui ne supportent pas les tics habituels du musicien en seront pour leurs frais : en effet, de cymbales fracassantes en trompettes et en cors déchaînés, de cordes dramatiques en chœurs apocalyptiques, Second Grendel Attack et Beowulf Slays The Beast se présentent comme d’excellents best of de tout ce que Silvestri a écrit de mieux dans le domaine.

 

En revanche, beaucoup plus subtiles et ambiguës sont les harmonies attribuées au personnage sensuel d’Angelina Jolie, démon redoutable aussi beau et attirant que ses enfants sont hideux et repoussants, perdant les hommes de générations en générations. Une harpe et des cordes serpentines, des clochettes et des chœurs à consonance fantastique, un thème mélancolique et entêtant… L’ensemble, renforcé par des rythmes synthétiques hypnotiques imitant les battements métronomiques d’un cœur dont la vie s’évanouit peu à peu, renvoie autant aux ambiances glacées de What Lies Beneath (Apparences) qu’au chef-d’œuvre de Jerry Goldsmith Basic Instinct (quelle meilleure référence pour donner une idée du diable fait femme ?…). Très satisfaisant, le score de Beowulf dessine donc un tableau à la fois flamboyant et crépusculaire des passions humaines, illustrant avec beaucoup plus de conviction que le film la légende d’origine et célébrant à tout jamais la splendeur tragique des héros déchus.

 

Femme ou dragon ?

Gregory Bouak
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