The Uninvited (Christopher Young)

Paranormal activity

Disques • Publié le 25/05/2011 par

The UninvitedTHE UNINVITED (2009)
LES INTRUS
Compositeur :
Christopher Young
Durée : 48:38 | 15 pistes
Éditeur : Lakeshore Records

 

4 out of 5 stars

Seul artiste à sauver de cet énième remake peu inspiré d’un film d’horreur asiatique, Christopher Young prend vraiment le genre au sérieux. Depuis ses débuts fracassants avec le très prometteur A Nightmare On Elm Street 2 : Freddy’s Revenge (La Revanche de Freddy) et surtout avec Hellraiser (Hellraiser, le Pacte), il est toujours resté le maître incontesté de l’horreur. Jamais détrôné par les compositeurs de la génération suivante qui brassent du vent autour de lui depuis une dizaine d’années, il condamne les plus doués d’entre eux à marcher dans son sillage sans vraiment pouvoir inventer autre chose. Peu avant le chef-d’œuvre qu’est Drag Me To Hell (Jusqu’en Enfer), il nous a prouvé une fois de plus son excellence avec The Uninvited (Les Intrus). La médiocrité d’un film n’étant pas nécessairement un facteur limitant pour la musique, Young s’en donne à cœur joie et compose avec amour une nouvelle perle qu’il pourrait dédier au genre tout entier ainsi qu’à ses fans de la première heure, qui trouveront ici tout ce qu’ils recherchent et plus encore.

 

Dès le générique d’ouverture, le musicien nous propose ce qui élève chacun de ses scores au-dessus du tout-venant en matière de musique de thriller horrifique : une splendide mélodie et des orchestrations au top niveau. On constate en outre une remarquable cohérence d’une partition à l’autre, une sorte de fil d’Ariane dessinant peu à peu une vaste toile à la beauté fascinante et situant The Uninvited au sein d’une riche tradition. Presque toujours fondés sur le point de vue d’un personnage féminin – ou de deux, dans le cas présent ! -, les Main Titles de Jennifer 8, Species (La Mutante), Hush (Du Venin dans les Veines), The Gift (Intuitions), The Glass House (La Prison de Verre) et tant d’autres encore, vont en effet confier à des cordes frémissantes, un piano ou des voix éthérées le soin de rendre compte de la fragilité et de la sensibilité à fleur de peau des héroïnes, du destin tragique qui les attend et éventuellement de la détermination dont elles sauront faire preuve par la suite, qu’elles œuvrent pour le Bien ou pour le Mal. D’emblée la « patte Young » peut ainsi marquer de son sceau prestigieux une composition dont la qualité supérieure sera garantie du début à la fin. À mi-chemin entre mélancolie et troublante sensualité, The Uninvited déploie peu à peu ses volutes entêtantes grâce à l’union de deux voix féminines et d’un orchestre à cordes rejoint par un glockenspiel dont les sonorités cristallines s’avéreront bien vite plus mortifères que merveilleuses.

 

The Uninvited

 

Comme souvent chez Young, l’atmosphère rêveuse et envoûtante instaurée dans le premier morceau est prolongée dans le second, qui propose soit des variations sur le thème principal soit, dans le cas de The Uninvited, un second thème non moins marquant que le précédent et associé à la souffrance de l’héroïne. À la fois noble et dépressive, cette nouvelle mélodie sera réemployée à plusieurs reprises et magnifiée dans le poignant Pairs In Love avec un raffinement et une élégance typiques du compositeur, dont il faut toujours rappeler le talent lyrique à ceux qui ne verraient en lui qu’un spécialiste de l’horreur et de la dissonance. La suite du score alternera alors avec régularité pistes méditatives et nostalgiques souvent articulées autour du thème principal (voir Twin Nightmares et son surprenant harmonica de verre), d’une durée généralement plus brève mais permettant de souffler un peu, et longs morceaux de terreur pure, vastes crescendos glaçants rivalisant d’imagination pour plonger l’auditeur / spectateur dans des affres d’angoisse et de malaise.

 

À partir de I’m At A Party, la musique bascule dans les ténèbres à l’aide de chœurs sépulcraux aux accents pleins de menace. Des cordes reptiliennes tout droit sorties de Hellraiser et Hellbound (Hellraiser II : les Ecorchés) se chargent de confirmer l’imminence du danger avant de faire basculer le tout dans la folie : cloches furieuses, gémissements de violons frénétiques, grondements synthétiques, barrissements de cuivres, hurlements et râles venus d’outre-tombe… rien ne manque pour faire de cette musique un nouveau cauchemar quatre étoiles ! Chacun à leur manière, Bloody Milk, Corpse Christmas, Terror On The Water ou encore Cry Of Love rehaussent à merveille les images du film en tissant des ambiances glauques et poisseuses via des orchestrations funèbres et fantomatiques : pizzicati et glissandi de cordes diaboliques, piano et chœurs malveillants, multiples chuchotements et susurrements terrifiants, clusters en pagaille, emballements soudains et mélodramatiques. Bref, tout l’arsenal hérité de Penderecki ayant déjà fait le succès des The Grudge et de The Exorcism Of Emily Rose (L’Exorcisme d’Emily Rose) avant d’assurer celui de Drag Me To Hell.

 

Les auditeurs les plus exigeants pourront reprocher avec raison au compositeur son manque de renouvellement mais d’un autre côté, il faut savoir à quoi s’attendre avec Young : il fait précisément ce pour quoi on l’a embauché et nous livre à chaque fois un résultat infiniment plus précieux que ce que peuvent fournir les adeptes de l’horreur électronique et technoïde tels Paul Haslinger, Charlie Clouser et Tyler Bates, qui ont certes proposé quelques bonnes idées au départ mais ne font plus que du bruit. Alors on le dit et on le répète : l’horreur fondée sur des mélodies mémorables et des orchestrations élaborées, interprétée par des instruments acoustiques plutôt que par des synthétiseurs, conçue sous la forme d’une vaste et solide architecture et non comme un enchevêtrement chaotique de sonorités épuisantes, s’avérera toujours plus efficace et plus appréciable, ce que vient prouver une fois de plus la musique de The Uninvited. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter le superbe final, Tale Of Two Sisters, où les harmonies enfin apaisées des deux thèmes principaux se traduisent par la réunion des deux voix féminines en une seule, plus radieuse et céleste que jamais et destinée à hanter longtemps l’esprit. Cette conclusion magistrale, après tant de moments d’errance et de douleur aussi éprouvants que brillamment maîtrisés, montre bien à quel point Christopher Young a toujours su faire les bons choix. Avec The Uninvited puis Drag Me To Hell, le maestro signe un sans-faute et s’impose comme l’un des compositeurs ayant marqué le plus fortement l’année 2009.

 

The Uninvited

Gregory Bouak
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