Big City (Erwann Kermorvant)

L’Ouest en Héritage

Disques • Publié le 11/06/2010 par

Big CityBIG CITY (2007)
BIG CITY
Compositeur :
Erwann Kermorvant
Durée : 39:11 | 19 pistes
Éditeur : MovieScore Media

 

3.5 out of 5 stars

Big City est la première collaboration d’Erwann Kermorvant avec Djamel Bensalah qui, cinq ans après avoir réalisé Le Raid, revient au film d’aventures. Cette rencontre est une aubaine puisque le compositeur lorientais, qui avait déjà rendu hommage au cinéma américain avec sa partition « hénaurme » pour Mais Qui A Tué Pamela Rose ?, s’attaque ici à un univers cinématographique riche en possibilités : celui du western. L’héritage musical qui motive la composition du score s’avère ici complètement assumé : non seulement il est ostentatoire, mais Erwann Kermorvant l’inscrit dans une démarche qui va flatter l’oreille de l’auditeur et servir le film de brillante manière. Dès Once Upon The Time…, la volonté est là de marquer les esprits avec une ouverture clonant le thème principal de Silverado de Bruce Broughton, qui était déjà en 1985 l’héritier d’une tradition purement américaine. Le tout sonne d’emblée comme une percée americana étonnamment ambitieuse. S’il n’est pas foncièrement original, ce score totalement orchestral s’affiche comme le vecteur d’un enthousiaste retour en arrière : on y retrouve effectivement tout le charme du cinéma d’aventures et une énergie sans complexe qui fait rapidement tomber les à priori.

 

Erwann Kermorvant utilise les références, ponctue l’action et appuie les effets avec répartie et un sens aiguisé du dosage. Le mickey mousing qui se manifeste de temps à autre ne gêne en rien l’écoute, bien au contraire, puisqu’il procure une dose de détente au sein d’un ensemble bien aéré. Par exemple, l’ensemble de Once Upon The Time…, dont le rôle est de présenter la ville et ses habitants, brille par la fluidité de sa narration malgré ses accents burlesques. The Good, The Oil And The Beauty laisse entendre dans un même élan des bois bucoliques, une trompette mélancolique et une flûte délicate pour une séquence peignant trois émotions distinctes. Les cordes et le banjo sont espiègles dans Cats Chasing alors que First Night Alone évoque par son ambiance les explorations un tantinet dangereuses d’un célèbre archéologue.

 

Mais si les clins d’œil témoignent de la malice du compositeur, la musique renvoie à des standards moins anecdotiques et prouve le sérieux de l’entreprise. Car si Big City est un film avec et pour des têtes blondes, les grands enfants seront séduits par une approche musicale « premier degré » qui a la volonté de faire le spectacle, quitte à se démarquer parfois de son support pour devenir son moteur. D’ailleurs, Indiana Jones semble chevaucher avec les personnages pour un sauvetage spectaculaire dans The Whip, alors qu’un court passage de The Battle tend carrément vers la fureur orchestrale de certaines partitions de Trevor Jones.

 

Big City

 

Le thème des Indiens, abordé par exemple dans Return Of The Beauty et devenu plus menaçant dans Face Off, relève du motif appartenant aux clichés du genre mais souligne efficacement par ses couleurs le côté emblématique des personnages. La gravité s’invite également dans The Plan et The Trial, dont les envolées tragiques de cordes accompagnent les costumes tristement célèbres du Klu Klux Klan et un tribunal corrompu qui condamne des innocents. A l’opposé, The Drunk Waltz épate par son opulence quand elle s’ajoute aux débordements des enfants livrés à eux-mêmes, tandis que la soif de l’or trouve un interprète enthousiaste dans Business As Usual qui libère l’énergie des bois et des cuivres de manière disproportionnée.

 

Les multiples références et astuces d’orchestration ne suffisent pas pour rendre possible ce retour aux plaisirs simples d’une musique de film positivement surannée. Cela passe aussi par l’écriture de thèmes et là encore, la partition impressionne par sa richesse. Outre le thème principal que l’on retrouve dans Ambush sur un air triomphant et dans Epilogue avec le piano solo, The Good, The Oil And The Beauty apporte un love theme dont la douce mélodie, menée par les bois, se conclue dans The Kiss. The Battle et The Last Stand procurent au motif des Indiens une version guerrière par l’intermédiaire d’une marche entamée par les bois puis les percussions et les cuivres. Pour contrebalancer cette fureur, c’est par des chants lointains que le mysticisme des Indiens tente de se faire entendre dans This Means War!, alors que le conflit laisse place à Farewell, dont le thème ample est orné d’une flûte irlandaise.

 

Enfin, les End Credits viennent conclure le film en reprenant les thèmes principaux de la partition. Cette dernière touche traditionnelle et généreuse est la bienvenue, sans pour autant compenser ce qui pourrait constituer un défaut du score pour nombre d’auditeurs : la grande majorité des morceaux ne dépasse pas les deux minutes, ce qui pourrait faire naître un sentiment de frustration quant à la courte durée des passages d’action et au développement de certains thèmes. Cependant, il faut souligner la grande cohérence de la partition, et si certains passages paraissent trop fugaces, cet ensemble robuste et énergique s’écoute d’une seule traite et laisse trotter entre les oreilles de nombreux moments mémorables que nous prenons plaisir à revivre. Espérons qu’un jour, le cinéma de genre français parviendra à se faire une place au soleil… En tous cas, MovieScore Media l’a bien compris : ici ou ailleurs, Erwann Kermorvant est définitivement prêt pour l’aventure !

 

Big City Photo 02

Sébastien Faelens